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- MAAAMAAN !! Hurle une voix, accompagnée d'un bruit de course et d'un rire.

Scott déboule dans la cuisine, poursuivit par Lukas. Les mains dans une pâte à gâteau, je regarde les deux hommes de ma vie se disputer joyeusement. Lukas a grandit tellement vite... Et il ressemble tellement à Scott, prit dans leur jeu, jetant la moindre parcelle de son énergie dans l'espoir de pouvoir battre son père. Les ailes dépliés au-dessus de sa tête, ondulant au grès de ses mouvements, pour appuyer certains de ses mouvements et ainsi lui donner plus de force, ou battant légèrement, pour lui permettre d'éviter certaines bousculades de Scott. Lukas a douze ans et nous lui avons déjà enseigné comment se battre et comment exploiter les failles de son adversaire et curieusement, cela a une merveilleuse répercussion sur ses capacités scolaires. A partir du moment où nous avions commencé à lui donner des cours, il avait appliqué nos conseils dans son quotidien, travaillant les moindres lacunes qu'il avait, comme il le faisait pour sa garde. Il a ça dans le sang, comme a dit ma mère lorsqu'elle est venue l'autre jour et que Lukas s'est amusé à embêter Matthew, qui était collé à un écran, jusqu'à ce que celui-ci réponde. Dès lors s'était engagé un combat, qui bien que inégal, était très drôle. Lukas n'avait pas tardé à mettre la pâté à Matthew, pourtant plus vieux que lui de 10 ans. Mais mon frère n'avait jamais été un bon combattant. J'avais bien essayé de lui enseigner les bases, simplement pour me dire que s'il avait le moindre problème, il pourrait se défendre efficacement. Matt était pourtant rapide, mais ça avait un échec, il ne comprenait pas le principe d'un combat, il ne voyait pas le temps de l'action. Il ne remarquait jamais les signes prouvant l'attaque qui allait suivre. Et...

- Hellen ?

Une voix me tire soudain de mes pensées et je prends conscience des deux visages inquiets qui sont face à moi.

- Hein ? Fut la seule chose que je trouvais à dire bien que ça soit complètement idiot.

- Ça va ?

- Bien sûr que oui, pourquoi ?

- Parce que tu étais dans la lune et que tu avais les yeux dans le vide ! Répond Lukas.

- J'étais en train de repenser au moment où tu avais mis une raclée à mon frère !

Les deux hommes se mettent à rire en repensant à cela et je ne peux moi non plus, retenir un léger rire. Mes deux loups, rassurés quand à ma santé mentale reprennent leur course-poursuite-combat. Ils courent sans relâche, dehors, dedans, autour de la piscine, parfois même en volant à quelques centimètres du sol pour aller plus vite, sans s'en rendre compte. Je finis rapidement mes gâteaux et les enfourne avant de sortir voir ce qu'ils font.

Lorsque je sors dans la douce chaleur de la fin d'après-midi, j'ai tout juste le temps de bondir en arrière que deux flèches passent devant moi, tout rires. Je souris face à leur jeu. Soudain mon sourire se fane alors qu'un long cri résonne... suivit d'un énorme "plouf" !
Scott, en voulant dépasser Lukas a glissé sur les bords encore humides de la piscine et entraîné notre fils dans sa chute. J'éclate de rire et dois m'asseoir alors que mon fou rire me coupait les jambes. Après un instant d'hésitation, les deux hommes se mettent à rire eux aussi. Puis d'un coup leur rire s'éteignent, ils se regardent avec un drôle de sourire et je sentis que ça allait chauffer pour moi. Sans attendre de voir si mon pressentiment se révèle fondé ou non, je saute sur mes pieds et tente de juguler mon rire qui me prive de mon souffle, me mets à courir comme une folle.
Il ne leur faut que quelques secondes pour sortir de la piscine, secouer leurs ailes et se lancer à ma poursuite. Ne pouvant pas réellement compter sur ma vitesse, je compte notamment sur ma souplesse, bien qu'elle soit moindre par rapport à la leur. Je me mets à couvert sous les arbres et commence à grimper à un arbre, puisque aucun autre abri n'est visible. Blottie dans mon arbre, je calme difficilement mon souffle alors que j'entends leurs pas arriver dans ma direction. Ma cachette ne leur résistera que dix secondes mais c'est surtout pour la forme. Pour dire que j'ai tenté de déjouer leurs plans !

- Dis p'pa, pourquoi lorsque tu parles ou à chaque fois que tu es avec Maman tes yeux sont à moitié dorés ?

- Tu es un loup, mais je ne t'ai pas tout dit. Lorsque j'avais euhm... 17 ans je crois, je me suis fait enlever avec Hel... ta mère. J'ai été torturé alors qu'elle a été relâchée. Et à un moment, lors de ma torture, un autre moi à fait son apparition. Un moi avec des crocs, des griffes, très agressif et avec des yeux dorés. Ta mère avait elle aussi des problèmes. Je te passe les détails, tu dois juste savoir qu'elle m'a appris à contrôler, à vaincre ma peur de perdre pied et de blesser quelqu'un. Sans elle je ne serais qu'un loup qui se hait, incapable d'accepter sa nature.

Je le vois lever la tête dans une trouée dans les branchages et me regarder droit dans les yeux. Lukas, une expression admirative sur le visage suit son regard et me remarque enfin.

- Merci Hellen.

- Merci m'man.

La petite voix de Lukas me fais rire. Et puis je fais un demi-sourire et me laisse glisser jusqu'en bas de l'arbre. Scott me prend dans ses bras alors que je fais de même avec Lukas. De cette manière notre fils est entre nous deux, dans cette étreinte incroyable, baignée de cette sensation incomparable de sécurité, de douceur et d'amour. Scott niche sa tête dans mon cou et chuchote quelques mots.

- Ça sent le cramé, Hellen...

Immédiatement, la magie de l'instant s'envole, alors que mon cœur loupe un battement en se souvenant.

- MES GÂTEAUX !!!

Je cours vers la cuisine en laissant deux baleines mortes de rire derrière moi. C'est presque s'ils n'en étaient pas à se taper dans le dos. Et en effet, après avoir sorti les gâteaux, je remarque que le dessus est quelques peu...noirci...

- A TABLE LES BALEINES !! Hurlais-je.

Ils arrivent deux secondes plus tard, des larmes encore aux yeux. Un grand sourire sur le visage.

Voilà à quoi ressemble notre vie des treize dernières années. De ces treize années que la paix a enfin décidé de nous offrir, comme le répit durement mérité. Nous avons trente-deux ans et tout une vie devant nous. Nous comptions la passer heureuse et tranquille, à l'abri du stress de la vie de nos jours. Mais c'était sans compter... Ça.

Nous étions prévenus, ma mère savait qu'un jour où l'autre, la ville réclamerait à nouveau ses Justiciers. Elle me disait toujours que l'Homme a besoin de quelque chose qu'il ne peut expliquer, d'un phénomène, ou de personnes pour continuer d'espérer. Et c'est l'espoir qui fait la vie. Elle m'avait toujours mise en garde, les capuches nous attendraient toujours dans le noir de l'Humanité. Et que quand bien même nous essaieront de les oublier, elles reviendraient toujours nous chercher. La ville, les gens, tous avaient besoin de savoir que leurs enfants seraient protégés par quelque chose que personne ne savait expliquer. Cela fait peur aux coupables et rassure les victimes. Notre combat avait offert à certains une voie à suivre, que nous étions la voie de beaucoup. Elle avait ajouté très justement, et ces quelques phrases résonneront jusqu'à la fin des temps dans ma mémoire ;

Un mythe qui fait rêver est un mythe que personne n'est capable d'oublier. Le mythe des Justiciers ailés et à capuche fait partie de ceux là. Les anges gardiens de la ville. Vous avez, sans vous en rendre compte, créée une légende

La légende des Justiciers

Homme-LoupOù les histoires vivent. Découvrez maintenant