30.

45 4 6
                                    

Je regarde celui que je considère presque comme un fils que je n'aurais jamais, s'éloigner. Mon meilleur agent. Mon meilleur ami. Mon meilleur entraîneur. La meilleure personne que je connaisse pour se fourrer dans des situations improbables et souvent dangereuses. Mais quoi qu'il en soit toutes ses missions sont couronnées de succès. Celle-ci est très longue et très importante et je sais que personne d'autre que lui ne serait capable de la mener à bien facilement. Il a été trop souvent frappé à mort par la vie, mais il a toujours, et cela restera pour toujours un mystère à mes yeux, réussi à repartir de zéro pour tout reconstruire alors qu'il était au sommet et qu'il se retrouvait brusquement au plus bas. C'est un phœnix, il meurt sans cesse mais renaît toujours des cendres qu'il reste de son âme. Tant qu'il tient debout, il revivra et se relèvera de tous les coups et toutes les missions qui lui seront confiées seront réussies.

Le mot "embarquement" clignote à côté du numéro de vol de Scott et une angoisse incomparable me prit aux entrailles. C'est souvent comme ça lorsque Scott part en mission. Cette peur terrible du couac mortel, mais là c'est pire encore, comme si quelque chose en moi m'annonçait une terrible nouvelle.
Une fois que l'avion a décollé, je reprends la voiture et rentre à la base. Je cours jusqu'à mon appartement et me change, retrouvant avec un bonheur évident ma tenue d'entraînement. J'ai toujours eu horreur de ces costumes trop étroits et qui privent de la liberté de mouvement.

Je trie des dossiers pendant une heure ou deux puis vais manger quelque chose. Après avoir discuté de tout et de rien avec les cuistots, je m'installe face aux écrans géants et mange en regardant les infos. Soudain, le présentateur coupe un reportage sur les nouveautés technologiques pour se mettre à parler, le visage grave. Et bizarrement, c'est comme si ma peur de ce matin, après avoir déposé Scott reprenait, plus forte que jamais. Un sixième sens qui me préparait à ce qui allait suivre.

"Flash spécial aéronautique. Nous vous annonçons que l'avion, qui allait vers Tokyo, la capitale du Japon s'est perdu en mer. Ce matin, vers 10h30, heure locale, le petit avion a décollé avec à son bord 2 568 personnes dont de nombreux habitants de la ville, le trajet s'est déroulé sans problème jusqu'à ce que le pilote lance le signal d'alerte générale. Et ce sans que rien, quand aux données générales de vol ne puisse donner la moindre indication aux enquêteurs sur la cause de ce SOS. Dès lors, sur les écrans des agents de l'aéroport deTokyo, l'avion a eut des problèmes. Et puis, sans autre forme de procès, l'avion a disparu. Plus aucune trace de cet avion sur les écrans. Deux avions de l'armée ont été envoyés sur les lieux de la disparition mais les dix minutes de vol avaient suffit à ce que l'appareil, de compagnie japonaise, disparaisse. Dès ce moment les recherches ont été mises en place. Nouveau flash dès que nous en saurons plus.''

Je laisse tomber ma fourchette qui s'écrase dans un bruit métallique d'enfer sur mon assiette avant de rebondir et de tomber au sol. Les gens se tournent vers moi et le brouhaha de la salle se tait brutalement. Tous viennent de comprendrece qu'implique ma réaction. Tous viennent de comprendre que Scott était porté disparu.
Je repousse mon plateau et cours jusqu'à l'ascenseur. J'entends Jacob, Jayden, Ethan et Tom me suivre en me hurlant de leur expliquer, mais je ne m'arrête pas. Je descends, en tapant des doigts sur les parois métalliques, ces mêmes quarante-sept étages que j'ai descendu il y a trois heures avec Scott. Je cours jusqu'à l'aéroport. Attendre qu'on me donne une voiture aurait été au dessus de mes capacités de patience. Je cours à en prendre haleine. Je parcours la petite dizaine kilomètres qui me séparent de l'aéroport à une vitesse folle. Je viens d'éclater tous mes records. Mais rien de tout cela ne compte. Je cours jusqu'à un comptoir de renseignements. Il y a déjà des dizaines et des dizaines de personnes qui font la queue. Je ne suis pas capable d'attendre tout ce temps. Je vérifie que personne ne me vois et m'engouffre dans le couloir réservé aux staffs. Le directeur de l'aéroport me devait un service parce que j'ai arrêté un poseur de bombes que ses douanes avaient laissé passer.
Je déboule dans son bureau. Il ne semble même pas surpris par mon interruption.

- Alan ! Si tu viens pour l'avion disparu, c'est pas bon pour ton agent.

- Pourquoi ?

- Il y a très peu de chances qu'on leretrouve. C'est une trop grande surface de recherches. Même avecnotre technologie de pointe.

Mon monde venait de s'effondrer et mes espoirs de s'envoler. Et avec eux tout ce que mon agence aurait pu espérer de meilleur pour la ville et ses clients. Scott a disparu.

*

Marlen, une fille de mon groupe doit prendre l'avion et je me suis proposée pour l'y accompagner.
La musique à fond dans la voiture, on discute simplement de la mode, de la pluie et du beau temps. Elle est une des seules personnes à savoir éviter les sujets sensibles. Pourtant aujourd'hui son tact est mit de côté. Comme tout le monde elle veut savoir ce qu'il est arrivé à Scott. Pour la première fois depuis que l'homme qui nous avait kidnappés m'avait relâchée je parle de ce que j'ai vu. Ou plutôt ce qu'elle est capable de comprendre, certains aspects de Scott étant trop compliqués à expliquer. Marlen m'écoute sans rien dire consciente de la difficulté que j'ai à parler de ça.

- Comme ça doit être dur. En tout cas je t'admire parce que tu es restée calme. Je pense que j'auraispleuré toutes les larmes de mon corps !

- C'est maintenant que je les pleuremes larmes. Maintenant que je suis consciente de mes erreurs.

Heureusement pour moi, nous étions arrivées à l'aéroport et Marlen cesse de me questionner. On discutait tranquillement quand un "fiston" sonore me fait lever la tête vers le comptoir d'à côté. Immédiatement je le reconnais. Scott. Et Alan. Parmi cette foule qui partait en voyage il a fallu que Marlen parte aux mêmes heures que lui. Il a cet air bien à lui. Cet air que je suis la seule à comprendre. Il fait semblant. Semblant d'être heureux, il se force à rire et à sourire. Il tourne la tête dans ma direction mais je me cache derrière mes cheveux. Il fronce les sourcils puis secoue la tête avec mélancolie. Il continue d'avancer et je le perds de vue. J'ai pourtant eu le temps de voir cette douleur qu'aucun mot n'est capable de définir s'emparer de son visage, pour ensuite établir domicile dans l'émotion qui transparaît dans tout ses gestes. Par réflexe je note qu'il part pour Tokyo, certainement la mission dont papa a parlé lorsqu'il a expliqué à Matt que Scott ne reviendrait pas.

- Hellen ? Ça va ? On dirait que tuviens de voir un fantôme !

- J'aurais préféré !

Je reste avec Marlen. Elle part dans la partie la plus ensoleillée, à son avis, de l'Amérique du Nord. A nouveau j'aperçois Scott. Il sort des cabines de fouilles avec un drôle de sourire.

Le vol de Marlen part et je me presse vers la sortie en espérant de tout mon cœur que Scott ne m'ait pas vue.

Encore secouée de la vision de Scott malheureux, je passe ma matinée à lire sur mon lit. Marine m'appelle pour manger. Je passe dans la salon où un écran était resté allumé. Un brusque changement d'image retient mon attention.

"Flash spécial, aéronautique. Nous vous annonçons que l'avion, qui allait vers Tokyo, la capitale du Japon s'est perdu en mer. Ce matin, vers 10h30, heure locale, l'avion à décollé avec à son bord 2 568 personnes dont de nombreux habitants de la ville, le trajet s'est déroulé sans problème jusqu'à ce que le pilote lance le signal d'alerte générale. Et ce sans que rien, quand aux données générales de vol ne puisse donner la moindre indication aux enquêteurs sur la cause de ce SOS. Dès lors, sur les écrans des agents de l'aéroport de Tokyo, l'avion a eut des problèmes. Et puis, sans autre forme de procès, l'avion a disparu. Plus aucune trace de cet avion sur les écrans. Deux avions de l'armée ont été envoyés sur les lieux de la disparition mais les dix minutes de vol avaient suffit à ce que l'appareil, de compagnie japonaise, disparaisse. Dès lors les recherches ont été mises en place. Nouveau flash dès que nous en saurons plus."

D'un coup, tout s'effondrait. Plus rien n'avait d'importance. Scott est dans cet avion. A cause de moi. Les murs de la pièce commencent à danser et je tombe à genoux. Le bruit de ma chute est comme assourdit. Je sombre dans le noir.

Plus rien ne reste sauf ce silence assourdissant.

Finalement ce n'est pas la haine qui est le puissant et le plus destructeur des sentiments. Le plus destructeur c'est l'amour. Mon amour pour Scott venait de me détruire. L'amour, c'est quand on a vu le côté le plus noir de la personne que l'on aime mais que l'on reste tout de même à ses côtés. Je l'aime. Et pourtant à côté de moi il n'y a rien d'autre que le vide laissé par son absence.

Homme-LoupOù les histoires vivent. Découvrez maintenant