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J'attrape le verre qu'il me tend et le vide d'un trait. La bouche de Scott remonte un peu dans un début de sourire très vite effacé. Il me regarde discrètement et évite mes yeux, comme s'il avait peur de mes réactions. Ce que je comprends parfaitement, après ce que je lui ai fait subir. Je pose le verre sur la table, parce que j'ai peur de le lâcher tant ma main tremble. Soudain, quelqu'un frappe à la porte. J'assiste à un véritable changement. Les muscles puissants des épaules de Scott se tendent brusquement. Ses ailes se replient à une telle vitesse que je n'en vois qu'une ombre. Son bras droit esquisse le début d'un garde puis il bondit d'un coup à la porte, qu'il ouvre violemment. Un homme est sur le perron. Je ne le vois pas, parce que la stature de Scott m'en empêche. Il commence à parler à Scott, des intonations admiratives dans la voix. Mon cerveau, comme déconnecté, ne comprend plus rien aux informations que mon corps lui envoie. J'ai l'impression que la pièce tangue doucement puis de plus en plus fort comme si j'étais sur un bateau pendant une tempête. J'ai la présence d'esprit de me laisser glisser jusqu'au sol, pour ne pas tomber. Je m'effondre sur le sol alors que mon cerveau me transmet une dernière information. "J'ai retrouvé Scott". Toute l'adrénaline qui me permettait de tenir s'enfuit brusquement et les tumultes de mon esprit se calment. J'ai retrouvé Scott.

Je me redresse d'un coup avec un violent sursaut. Scott est penché sur moi. Je suis couchée sur le matelas. Je porte une main à mon front, le sang battant à mes tempes étant très désagréable. Soudain, comme si d'un coup je ne supportais plus la distance qui nous sépare, je me penche en avant jusqu'à toucher son torse. A nouveau je sens ses muscles tressaillir à mon contact. Je pourrais en être blessée mais je veux laisser à Scott le temps qu'il aura besoin pour passer au dessus de cette peur. Je me rapproche encore un tout petit peu,jusqu'à ce que nos souffles se mélangent. Ses ailes, jusqu'alors collées à son dos se déplient brusquement, produisant ce merveilleux son qui m'a tant manqué. Le bruit de lames de métal frottant les unes contre les autres. Je souris. Il regarde derrière moi mais je dépose une main sur sa joue et le force à me regarder.Son regard esquive quand même le mien. Blessée parce qu'il m'ignore, je recule et me relève. Il a encore besoin de temps. C'est moi qui ait provoqué son départ, je dois maintenant accepter qu'il se méfie un peu. Mon vertige reprend et je me sens basculer un peu. Immédiatement des mains se posent dans mon dos et un bras entoure mes épaules mais je me dégage.

- Je t'ai énormément fait souffrir. Je comprends que tu ai besoin de temps et maintenant, on sait où se trouver. Lançais-je avant de me décider à partir.

- Mais...

Je ne lui laisse pas le temps de finir sa phrase, ouvre la porte à la volée et saute en bas de la balustrade.

- HELLEN!! Attend !!!

Mon action est peut-être puérile, mais je souhaite attendre qu'il soit vraiment prêt pour ne pas le forcer à quoi que ce soit d'irréparable et de le perdre pour de vrai. Pas maintenant que je sais combien ça fait mal. Je préfère mille fois devoir attendre des jours et des jours sans quitter ma chambre d'hôtel pour ne pas le louper que risquer de lui forcer la main. Je marche d'un pas brusque dans les rues, décidée à rentrer à l'hôtel et à me laisser aller à cette faiblesse, pleurer, qui me tend les bras mais que je refuse pour le moment. M'effondrer, pleurer jusqu'à endormir. J'ai enfin trouvé un mot pour décrire ce que je ressens. Le bonheur. C'est comme ça que je pense que peut se manifester cette émotion, si forte que j'en ai perdu connaissance dès que ses yeux m'ont quitté. Je bifurque dans la rue de l'hôtel lorsque des cris retentissent. Je pivote avec souplesse prête à me battre contre la menace qui fait crier les Japonais, mais je remarque que tout les visages sont tournés vers le haut et qu'aucun ne semble avoir peur. Ils regardent la silhouette ailée à l'envergure surréaliste qui se détache du ciel, rendu rouge sang par le coucher du soleil. Je lève les yeux au ciel, reconnaissant Scott. Sa silhouette fait un ou deux tours au dessus de la foule avant de descendre en piqué vers moi. Je me contente de lever les mains, comme tout le monde.

Homme-LoupOù les histoires vivent. Découvrez maintenant