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La bande m'encercle et me barre la route. Un des garçons se rapproche de moi et brutalement je me sens être soulevé du sol. Le gars, qui me dépasse de quelques centimètres, me porte à bout de bras mais je sens qu'il peine. Cela paraît évident, lorsque l'on sait qu'en plus de mon poids, il doit porter quelques kilos de plus, une bonne dizaine il me semble, à cause de mes ailes. Alors, pour ne pas montrer sa faiblesse, il me rejette sur le mur et dans un bruit métallique, je fais connaissance avec le béton. Je me relève beaucoup trop puissamment pour un simple adolescent, et esquisse une garde simpliste, mais personne ne semble réellement choqué.

- Alors le nouveau ? Qu'est-ce que tucache sous ton bonnet ? Demande-t-il, l'air narquois et supérieur.

- Rien de bien particulier à part descheveux.

- Alors pourquoi tu ne veux pasl'enlever ?

- Pour le style.

- Ah non, ça tu ne connais pas, ondirait un recycleur !

Ses amis rient et brutalement, ils mefont penser à un groupe de hyènes hystériques. Les recycleurs sont pourtant des gens honorables, ils sont tellement délaissés par la société qu'ils se voient obligés de fouiller dans les poubelles pour trouver de quoi subvenir à leurs besoins. Ils "recyclent", d'où leur nom. Ce qui est révoltant. Mais les riches semblent avoir bien d'autres préoccupations.

- Ah oui ?

Il pose une main comme pour tirer sur mon bonnet mais je l'intercepte et la tord. Je reste dans une position très douloureuse pour lui, sans pour autant prendre le risque de lui casser quelque chose. Et m'en sers pour me moquer. Il pousse un grognement de douleur.

- Oh pardon, je ne mesure pas ma force! Lançais-je.

Tous les autres se regardent et deux d'entre eux m'attrapent les bras. Je pourrais facilement les maîtriser mais je perçois le claquement des talons de la proviseure alors je ne fais que remuer un peu pour éviter qu'ils ne m'enlèvent le bonnet. D'autant plus que je ne suis pas sûr que ce soit bien vu de mettre six élèves au tapis le jour de la rentrée. Alors que le gars qui m'avait parlé levait la main pour m'arracher le bonnet, la proviseure déboule dans le couloir. Je tords discrètement la main de celui qui me tient le bras gauche et arrête de bouger.

- Qu'est-ce que ce bazar ?!Hurle-t-elle.

Plus personne ne bouge. La main du gars est toujours au-dessus de ma tête. La proviseure regarde la main, pensant certainement qu'il voulait me frapper, lui demande d'aller dans son bureau. Mais au moment où il se retourne pour obéir, il attrape mon bonnet et je n'ai pas le temps de me dégager pour le retenir. Lorsque mes oreilles sont révélées, tout le monde pousse un "Oooh..." suivi d'un grand silence. Je suis comme figé sur place. Incapable de faire le moindre mouvement pour me sortir de cette situation. La proviseur fronce les sourcils, surprise, et hurle "EXÉCUTION !!", ce qui fait sursauter tout le monde et baisser la tête au gars. La proviseur s'en va mais les gens continuent de me dévisager. Au bout d'un moment, les nerfs à fleur de peau, je ramasse mon bonnet l'enfonce sur mes oreilles et crie"vous voulez ma photo ?!" ce qui est un moyen très efficace de détourner l'attention. Je ramasse mon sac, fourre mes mains dans mes poches, et vais m'asseoir sur un banc non loin du groupe de Hellen. Cette dernière me demande discrètement en langage des signes si je vais bien. Un groupe de gars de ma classe vient s'asseoir non loin de moi et même si je ne suis pas censé l'entendre, toute leur discussion est claire. Ils parlent de moi. Pourquoi ne suis-je pas quelqu'un comme eux ? Avec des oreilles normales ? Des yeux normaux ? Un dos normal ? Ce n'est qu'entouré de personnes de mon âge que je ne prends réellement conscience de ma différence. Non. Ce n'est qu'entouré de personnes qui ne connaissent pas ma vraie valeur que je prends conscience du revers de mes capacités.

Homme-LoupOù les histoires vivent. Découvrez maintenant