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- Hellen ? Oh ma fille ! Comment vas-tu et où étais tu ? S'exclame mon père en dévalant les dernières marches en courant.

Puis son regard se pose sur Scott et sonvisage cesse brusquement s'être soulagé pour revêtir un masque glacial. Il montre d'un doigt impérieux la porte. Pas un seul mot ne sort de sa bouche. Scott allait obéir quand je le tire vers moi, l'empêchant de faire ça. Ma force n'est rien en comparaison de la sienne et je manque de le lâcher. Heureusement pour moi il cesse de se débattre et se fige à nouveau.

- Hellen, fais le sortir, immédiatement. Je ne veux pas de cet... homme dans ma maison.

- Vous savez, le faire sortir revient à me faire sortir. Êtes-vous capable de mettre à la porte votre propre fille ? Comme vous avez été capable de tirer ? Dis-je tranquillement.

Dire que je suis sereine serait mentir mais je me rends compte peu à peu que je n'ai rien à craindre de cet homme. Après tout il reste mon père, et je sais qu'il est face à la même barrière que moi. S'il parvient à se débarrasser de moi, l'image de mon corps sans vie sera marqué au fer rouge dans sa mémoire et il ne pourra jamais l'oublier. Et puis il ne tentera rien. Pas ici.

Mon vouvoiement fait vaciller mon père.

- Hellen, enfin... cet homme n'a apporté que du malheur sur notre famille. Depuis qu'il est là, on s'est fait enlever, Marine s'est faite assassiner, tu nous as quitté, vous êtes revenus après deux mois sans une nouvelle, et puis je découvre que vous êtes eux !

Le fait que mon père soit aussi dégoûté par le fait que nous soyons des Justiciers m'insupporte.

- J'étais la Justicière bien avant que Scott ne fasse ma connaissance. En fait je suis le héros de cette ville depuis mon second enlèvement. J'ai été enlevée par une Organisation du meurtre. Ils m'ont appris à me battre et pendant un an j'ai suivit leur entraînement. L'élève a dépassé le maître et je me suis défaite de leur emprise et je suis rentrée à la maison. C'était eux qui tentaient de me faire rentrer à nouveau dans leurs rangs qui m'ont attaquée. Tu as embauché Scott sans connaître la vérité sur moi ou sur lui. Lorsqu'il a su, il a rejoint ma croisade. Malheureusement ses ailes ne sont pas passées inaperçues et les journaux ont commencé à s'intéresser à nous. La police a commencé à nous considérer comme des hors-la-loi alors que notre réputation montait encore auprès de la population. On a disparu deux mois et les Justiciers aussi mais personne n'a pensé à faire le lien. Tout se passait bien jusqu'au moment où on a découvert que quelqu'un abattait des innocents justement lorsque nous étions coincés à la maison. C'était forcément quelqu'un proche de nous. Alors lorsque nous avons découvert que c'était vous ! Vous qui pendant toutes ces années avait cherché à savoir qui se cachait sous la capuche, vous que je considérais comme mon père. Mais vous n'étiez qu'un assassin. On a donc décidé de venir vous voir. Ça a dégénéré. Ces trois dernières jours, nous étions en train de sauver Scott. De tenter de l'arracher des griffes de la mort que vous aviez volontairement refermées sur lui.

Mon père s'est figé sous l'impact de mes mots. Je remarque que Carmen, ma mère et Matthew sont là. Je me maudis d'avoir voulu tenir tête à mon père parce que à cause de ça, ils savent tout ce qu'il s'est passé alors que j'aurais voulu leur épargner ça. Ma mère pleure doucement dans les bras de Carmen alors que Matthew nous regarde comme s'il venait d'apprendre que nous venions de Mercure. Et puis brusquement, ma mère se redresse. Ses larmes qui font briller son regard ambre finissent par se tarir doucement. Elle ouvre la bouche comme pour protester, mais la referme et se jette dans mes bras en souriant comme si je venais d'obtenir un diplôme. La voix tremblante par l'émotion, elle commence à me parler.

- J'ai toujours su que tu étais, que vous étiez merveilleux tous les deux. Je savais au plus profond de moi que même si tu te dérogeais à notre autorité en sortant le soir, que tu faisais des choses bien. Ne sois pas fâchée envers ton père, il me mentait au tout début, lorsque tu as commencé à construire le mythe de la Justicière, parce qu'il cherchait qui se cachait dessous cette capuche. Mais j'ai rapidement découvert la supercherie. Ne crois pas que c'est un assassin. Lui aussi fait sa loi. J'imagine qu'avant de t'attaquer à des gens tu fais des recherches sur eux. Nous aussi, mais sur une sphère différente. Les hommes qui ont été abattus. Ce ne sont pas des hommes pris au hasard, ce ne sont pas des hommes que ton père a tué pour le plaisir, non ce sont les tueurs qui n'ont pas de masques. Des hommes qui construisent des immeubles non aux normes exigeantes, qui s'effondraient sur des familles entières sans que jamais ces hommes ne soient soupçonnés de rien. Souvent nous nous arrangions pour les engager dans l'entreprise, pour mieux les cerner. Sous la couverture de notre entreprise familiale, nous protégeons à un peu à ta façon la ville. Plus discrets que toi, nous sommes un peu des anges gardiens qui protègent du haut de leur bureau. Ces hommes que je recevais, c'était tous ceux que nous traquions. Nous formions de véritables dossiers sur eux que nous transmettions ensuite à la police, qui se chargeait de les arrêter. Lorsqu'elle échouait, nous te laissions des indices sans savoir que c'était toi, Hellen, bien que la majorité du travail tu l'aie réalisé seule, et si tu ne t'y intéressais pas, alors ton père entrait en jeu. Nous nous étions promis de ne jamais rien dire, mais lorsque ton père est entré l'autre jour en me disant qui se cachait sous la capuche, j'ai cru que mon monde s'était effondré. Ton père avait tiré sur toi sans penser te blesser, les balles ne t'auraient pas touchée. Mais Scott s'est intercalé et ça a dérapé.

Je fixe ma mère, incapable de répondre à toutes ses révélations. J'ai accusé mon père alors qu'en fait il m'aidait. Mon père ne me laisse pas tout à fait le temps qu'il m'aurait fallu pour digérer les infos et continue.

- J'ai toujours eu confiance en toi. Je pensais que tu sortais avec tes amis et penser que tu étais la Justicière ne m'avait jamais frôlé l'esprit. Mais lorsque alors que tu as ôté ta capuche devant moi, que j'ai reconnu ton visage, j'ai compris que je m'étais totalement trompé sur toi. Ma vie, lorsque j'ai compris que tu ne me pardonnerais jamais, s'est effondrée comme un château de cartes sous le souffle d'un enfant. J'ai espéré chaque nuit que tu rentres. Je me savais incapable de te révéler la vérité, alors je devais accepter que tu me haïsses, je devais faire semblant de haïr Scott pour rester en accord avec mon personnage. Ce personnage qui, par envie de maîtriser un peu plus l'emprise qu'il avait sur la ville, cherchait à savoir qui se cachait sous la capuche. Je devais, même si ça m'arrachait le cœur, faire semblant, pour que personne ne puisse deviner.
Nous étions figés. Un secret contre une vie.

Je baisse les yeux parce que toutes ces années que je pensais vivre, libre comme l'air, ne sont en réalité que des miroirs de mes rêves ! Je ferme les yeux pour me concentrer sur ce que je ressens réellement. Est-ce que je suis en colère ou bien heureuse d'apprendre que mon père n'est pas un meurtrier mais juste un menteur, pour me préserver ? Heureuse. Mais en même temps, je ne peux m'empêcher de leur en vouloir un peu pour tout ses mensonges. Et puis il n'y a que sur certains dossiers que mes parents m'ont aidée. Il faudrait que je pense à refaire les pares-feu du QG. Un silence douteux plane sur nous, comme si des mensonges tentent à nouveau de nous entraîner dans leurs filets. Soudain un cri me fait sursauter.

- Mais alors Scott, il a des AIIIIILES !!!

Matthew vient enfin de mettre bout à bout tout ce qu'il venait d'apprendre sur sa famille. Et donc de comprendre que ces images floues qui passent à la télé, montrant une silhouette encapuchonnée et une seconde ailée sont en réalité les deux personnes qui se tiennent devant lui en ce moment même. Scott me serre doucement la main avant de s'échapper de mon étreinte et croiser les bras. Dans le silence qui plane toujours autour de nous retentit un léger bruit de tissus déchiré et il décroise ses bras qu'il laisse pendre le long de son corps avant de les ouvrir d'un coup comme s'il allait étreindre un vieil ami, suivant le geste que dessine la plus longue des plumes lorsqu'il déplie ses ailes. Matthew pousse un hurlement de joie mêlé à un peu de peur tandis que tout les autres esquissent un mouvement de recul. Scott se concentre un peu et ses prunelles, qui ont tant intrigué ma famille parce que pour la première fois, il ne les a pas camouflées sous des lentilles, passent du bleu électrique au doré. Nous étions tous fascinés par cet homme hors du commun qui, ailes dépliées et regard d'or, sourit dans notre hall. Retrouvant son regard normal, pour normaux que soient ses yeux et il s'accroupit, tendant les bras vers Matthew. Qui n'hésite pas plus longtemps que ça avant de se jeter dans ses bras puissants. L'ange aux ailes noires prend dans ses bras le petit ange aux yeux verts et commence à courir dans le hall de cette maison qui m'a vue grandir. Scott ouvre la porte et continue à courir alors que l'on se lance à sa poursuite. Il court encore lorsqu'on est tous alignés sur le perron. Et seulement à ce moment, il étend l'incroyable envergure des ailes qui trônent dans son dos et décolle. Le cri de mon frère se transforme peu à peu en un rire irrépressible. Mes parents, plus heureux que jamais se mettent à sourire eux aussi et m'enlacent dans une étreinte si joyeuse que je crus que mon cœur allait exploser tant les émotions sont fortes. Scott atterrit près de nous avec un sourire mais je lis dans ses yeux que cette image de famille unie malgré les épreuves le faisait souffrir. Jamais il n'a eu la chance d'avoir une famille aimante. Alors je me détache de l'étreinte de mes parents pour aller me réfugier dans ses bras. Une nouvelle famille vient de se créer. Et ce n'est que maintenant que je le comprends alors que depuis le début, tout cela était étonnamment limpide. Étonnamment normal et logique. Sa chaleur douce m'enveloppe, me rassurant d'une peur que je ne me connaissais pas. Je ne peux m'empêcher de frissonner.

Peu importe les mensonges,

Peu importe les secrets,

Unis.

Homme-LoupOù les histoires vivent. Découvrez maintenant