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Je regarde une dernière fois les murs maintenant vides de l'appartement. Ces murs nous ont vu guérir de blessures invisibles, ils ont vu Scott souffrir, ils ont assisté à nos retrouvailles. Nous avons décidé de rentrer chez nous, parce que la ville a besoin de ses Justiciers, Alan a besoin de Scott et ma famille a besoin de moi. Et puis je sais que Marine n'aurait pas accepté que je délaisse la ville à cause d'elle. Cela fait deux mois que nous sommes ici et que nous vivons une vie qui me fait rêver, tout comme Scott. Nous avons appris à nous connaître mieux encore qu'avant les différentes erreurs de parcours que nous avons dû subir. Et peu à peu, de manière plus marquée encore qu'avant, les mots ont fini par perdre leur importance dans notre relation. Un simple regard, un geste, un sourire remplace des mots qui auraient déformé la réalité. Scott ramasse les derniers sacs qui jonchent encore le sol avant de me regarder avec un petit sourire malicieux. Nous avons réappris ensemble à sourire. Et désormais, on pourrait ne communiquer qu'avec des sourires. Les preuves de notre bonheur.

- Tu viens petite louve ?

Je plisse les yeux dans un rire. Ce surnom, c'est celui que le chef du café dans lequel on travaillait, m'a donné. Il m'appelle comme ça parce que, sans m'en rendre compte, je grogne parfois à la manière de Scott, lorsque quelque chose ne va pas comme je voudrais. Lorsque nous avons annoncé au patron que nous allions quitter Tokyo pour rentrer chez nous, il a un peu fait la tête. D'après lui nous sommes ses meilleurs serveurs-vendeurs, merci à notre rapidité et aux réflexes de Scott qui ont sauvé une ou deux tasses, et donc cela allait lui faire bizarre de ne plus nous voir au sein de son café. Il a vu Scott se redresser après son accident, puis il nous a vu nous épanouir avec le temps, il nous considère un peu de sa famille. Scott lui a assuré que d'autres serveurs sont eux aussi très doués. Le patron en est resté quelque peu dubitatif, mais n'a pu qu'accepter notre départ.

Le taxi que nous avons appelé arrive et on se presse un peu pour y aller, histoire de ne pas louper l'avion. Le chauffeur nous dépose à l'aéroport, et presque immédiatement je vois que l'humeur de Scott change. Il cesse de sourire, se tend, fait les cent pas, ou encore répète toujours les mêmes gestes. Passer la main dans ses cheveux, jouer avec la carpe et frapper du pied. Son stress augmente de plus en plus, et même si je n'ai pas la capacité à sentir les émotions de mon loup, je le remarque aisément. On dépose nos bagages dans le sas prévu à cet effet. On s'installe dans la salle d'embarquement et Scott se moque, malgré son stress, des robots-hôtesses de l'air. Ce sont des robots conçus pour guider les gens au sein de l'aéroport et aussi éviter que des gens se plaignent d'avoir loupé leur avion parce que le bâtiment est beaucoup trop grand. Ces robots ne sont pas vraiment capable d'imiter l'homme, malgré leur apparence, et donc, Scott s'amuse à les faire tourner en bourrique, chose apparemment très drôle. Mais très vite, lorsqu'un agent en chair et en os pour une fois, vient nous voir pour nous guider dans l'avion, le stress revint, implacable et Scott se tait, incapable de parler, la gorge serrée. Il s'assoit sur le siège, tout doucement, et en lui jetant un regard inquiet comme si le siège allait le mordre.

- Ne t'inquiète pas, cela ne va pas, ne peut pas, arriver une seconde fois, c'est statistiquement impossible !

Il ne me répond qu'avec un grognement discret et peu convaincu alors qu'une femme affublée d'un chapeau minuscule sur le sommet de son chignon s'assoit à côté de moi. Scott est près du hublot, tout au fond de l'appareil. Il a absolument voulu reprendre la même place que la dernière fois qu'il a prit l'avion, par simple manière de se rassurer. Je n'ai jamais vu Scott avoir réellement peur de quelque chose, au point d'en stresser avant même que ça arrive. Mais j'aurais préféré ne jamais savoir. C'est comme s'il dégageait quelque chose qui me faisait stresser moi aussi, alors que j'adore prendre l'avion. Néanmoins, ayant parfaitement prévu cette situation, Scott a été revoir les médecins, pour les remercier, et leur demander un sédatif puissant mais à durée limitée. Celui qu'ils lui ont donné dure deux heures grand maximum d'après eux, de cette manière, s'il perd un peu trop les pédales, j'aurais un moyen de le stopper efficacement. Mais comme je me vois mal lui injecter de force, au milieu d'un avion en plus, un sédatif lourd, j'ai tout de même pris une boîte de calmants normaux, même si je sais que l'effet des molécules de médecine humaine ne sont pas très efficaces, voire même carrément inefficaces, par rapport à son métabolisme de loup. Finalement, à bout de patience et surtout inquiète pour son état, qui ne cesse d'empirer, puisqu'il a entreprit de réduire en miettes l'accoudoirtant il le serre fort et que j'entends plusieurs fois ses ailes forcer contre la protection, je lui propose un médicament.

Homme-LoupOù les histoires vivent. Découvrez maintenant