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Je me redresse brutalement lorsque les souvenirs de la veille me reviennent en mémoire. Cette douleur horrible, ce poison qui coulait dans mes veines. Mes ailes se déploient en faisant claquer les lames de métal et c'est seulement à ce moment là que je m'aperçois que je ne suis pas dans mon lit, mais dans une pièce relativement sombre et humide, avec un bruit répétitif de métal. Je me relève d'un coupet utilise ma capacité d'adaptation pour me cacher. D'un coup d'aile, je crochète le plafond et commence à me déplacer coinçant mes pieds et mains dans les quelques anfractuosités du plafond. Je replie mes ailes et découvre que la tête en bas la gravité semble plus forte et donc que conserver mes ailes collées à mon dos est relativement difficile. J'arrive dans un endroit beaucoup plus éclairé et découvre Hellen en train de faire des barres de tractions. Surpris qu'elle fasse ça, je m'arrête brutalement. Puis d'un coup, panique. Si je me suis levé en pleine nuit, je suis torse nu et je n'ai pas mes lentilles. Donc toutes mes différences sont au grand jour ! Je suis tellement stressé par sa réaction que mes mains deviennent moites et que je glisse. J'atterris sans aucune douceur au sol, juste au moment où elle lâche sa barre, ce qui fait que je dois rouler sur le côté au dernier moment pour éviter qu'elle n'atterrisse sur moi. Elle évite mon regard tout comme je cherche le sien. Autour d'elle, il y a toujours ce sentiment que je n'arrive pas à décrire, maintenant mêlé avec un peu de peur et beaucoup d'angoisse. Son corps dit qu'elle a envie de toucher mes ailes et de me prendre dans ses bras mais aussi qu'elle a peur de ma réaction. Ou bien qu'elle a peur de moi, je ne sais pas. Elle finit par ouvrir la bouche.

- Ça va ?

- Oui. Et toi ? Répondis-je, indécis.

- C'est bon.

- Tu n'as pas peur de moi ?

Je réussis à faire ce que je voulais. Elle tourne la tête et fiche ses yeux dans les miens. J'y lis toujours la même angoisse mais aussi une fascination sans limites.

- Pourquoi est-ce que j'aurais peur de toi ? Parce que tu as des oreilles pointues ? Des pupilles verticales ? Des ailes dans le dos ? Des cicatrices ?

En une seule phrase elle venait de citer quasiment toutes mes différences. Celles que l'on pouvait aisément remarquer.

- Les gens ne me voient pas de la même manière que toi. Ils voient en moi une créature bizarre, un humain transformé par les besoins fanatiques d'un scientifique de tester les limites de la science !

- Les gens voient en moi une petite bourgeoise avec les poches pleines de fric qui n'en a rien à siffler des pauvres. Dit-elle avec une moue dégoûtée.

- Je crois que l'on se doit des explications. Lâchais-je d'un coup.

- Je crois aussi. Je commence ?Demande-t-elle gentiment.

- D'accord. Dis-je soulagé.

- Je suis née dans une famille deriches entrepreneurs. Mes grands-parents paternels possédaient près de la moitié de la ville. Mon père et ma mère s'étaient trouvés lors d'un bal de charité. En quelques jours le mariage avait été arrangé. Lorsque je suis née, on a tout fait pour me faire devenir une véritable princesse. A mes neuf ans je me suis fait kidnapper pendant une semaine avant de pouvoir m'échapper par mes propres moyens. A mes quinze ans, j'ai été enlevée pendant un an par la même Organisation secrète du crime. Cette même organisation qui s'est mise en tête de faire de moi une espionne. S'ils m'avaient moi au plus près de ceux qui gèrent la ville, ils pouvaient en faire ce qu'ils voulaient. Ils m'ont formée à devenir une véritable tueuse. Le jour où j'ai vaincu le meilleur de tous, ils ont comprisque l'élève avait dépassé le maître. J'ai réalisé plusieurs missions pour eux. Mais le jour où j'ai reçu comme ordre d'assassiner une femme dans les quartiers mal-famés de cette ville, j'ai tout abandonné. Personne n'a jamais su ce qu'il s'était passé et mes parents se sont efforcés d'étouffer l'affaire. Aux yeux de l'Organisation j'ai totalement disparu. J'ai fait courir le bruit de mon décès, enfin celle que j'étais pour eux.
Ils m'ont retrouvée l'année dernière, s'étant doutés qu'une simple femme ne pouvait pas m'avoir tuée. Par deux fois ils m'ont piégée. Les deux fois, ils étaient quatre, et à chaque fois, il y en avait au moins un qui ne se relevait pas. Mais j'étais dans un sale état. Et puis tu es arrivé et pour éviter que tu ne découvres cela par toi même, j'ai arrêté. Jusqu'à ce soir.

Homme-LoupOù les histoires vivent. Découvrez maintenant