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On roule pendant quelques minutes avant de s'arrêter dans une ruelle sombre. Hellen enfonce sa capuche de manière à ce qu'elle cache ses yeux et une bonne partie de son nez. Elle peut voir sans que l'on n'en ai l'impression, grâce au tissu doté de capteurs et autres gadgets incompréhensibles pour un gamin perdu parmi toute ces technologies, comme moi. Elle crochète une prise et commence à monter. J'étends mes ailes, l'attrape par les épaules et la dépose sur le toit.

- Merci !

- Quand on a la possibilité d'aider,on le fait ! Récitais-je avec un grand sourire la phrase quej'avais lue sur l'hologramme de veille d'un des ordinateurs.

Elle approuve de la tête et observe avec soin les environs. Favorisé par mes yeux, c'est moi qui vois les trois hommes prêts à être exécutés par deux autres en costumes-cravate. Je me tourne, les yeux exorbités vers Hellen.

- Tu comprends pourquoi il fautquelqu'un pour veiller sur cette partie de la ville ?

- Un ange gardien que personne neconnaît. Soufflais-je, choqué que de telles choses puissent se passer à notre époque.

- Deux maintenant.

Je souris, heureux qu'elle m'associe à son entreprise, puis je la porte et la lâche juste au dessus des deux assassins. Pendant ce temps, je récupère les deux premiers otages. Je les dépose au milieu d'une grande grande avenue piétonne puis vais chercher le dernier. Juste au moment où je repartais je vois qu'un automobiliste les prend en stop. Chaque vol que je fais en revenant seul me paraît terriblement facile et chaque battement d'aile puissant. Il faut vraiment que je m'entraîne à voler en portant quelqu'un, je suis terriblement lent ! Lorsque je reviens sur les lieux, Hellen s'est débarrassée des deux hommes mais elle est désormais cible de cinq autres. Un homme qui semble être le chef vient de la désarmer. Le halo du lampadaire éclaire un peu la scène mais pas assez pour qu'ils s'aperçoivent de quoi que ce soit. Je suis encore novice dans ce genre d'intervention, et laisse donc mon instinct me dicter la marche à suivre. Alors je descends en piqué, attrape Hellen et re-décolle plus lentement, alourdit par son poids, pourtant pas très important. Malheureusement, les hommes se reprennent plutôt vite - en fait beaucoup plus rapidement que ce à quoi je m'attendais, étant donné qu'ils viennent de voir leur adversaire s'envoler - et commencent à nous canarder. Je fais ricocher les balles sur mes ailes mais une d'entre elle perce la barrière et vient se ficher dans mon épaule. Je serre les dents pour ne rien laisser paraître et nous pose sur un immeuble.

- Merci beaucoup, c'était chaud !

- Tu me remerciera lorsque j'auraisrécupéré tes armes. Dis-je.

- Ne t'inquiètes pas... Mais tu esblessé !

- Non, non, ce n'est rien. Ça arrive souvent que des innocents se fassent braquer en pleine rue ?

- Ils sont rarement innocents, mais ce genre de choses suffit à les dissuader de continuer. Et puis j'ai leurs noms, s'ils récidivent, je serais là. Tu es sûr que tu n'as pas besoin de soins ? Je suis sûre de voir du sang qui...

- Non, c'est bon. Répliquais-je.

Je redescends, sans lui laisser le temps de riposter, alors que non loin résonnent les sirènes de la police. Ils arrivent cinq minutes trop tard. Les cinq minutes qu'ils ont mis pour arriver, on les a mises à profit pour aider des gens. J'arrache les perches de la main de l'homme en costard et les utilise pour mettre deux hommes K.O. Quatre hommes sont à terre lorsque l'on repart, les deux autres blessés de manière à ce qu'ils soient immobilisés et le chef épinglé à sa voiture par deux poignards. On assiste à l'arrestation des gars, au dés-épinglage du chef. Ils déposent mes couteaux dans une pochette en plastique avant qu'une agente ne la pose sur le toit de sa voiture pour se tourner et parler à un autre. J'en profite pour les récupérer. Les immeubles autour de moi commencent à danser et je comprends que j'ai perdu un peu - en fait non, beaucoup - de sang. On disparaît en ne laissant derrièrenous que quelques indices, racontés par des mafieux sur un ange et une ninja venus les arrêter, mais surtout un beau coup de filet pour la police. Je reprends Hellen dans mes bras pour la déposer jusqu'aux motos, malgré mon vertige et ma blessure. On démarre en vitesse et on rentre à l'entrepôt où Hellen cache son quartier général. Je remarque que c'est cet entrepôt devant lequel on passe tous les jours pour aller au lycée. Je zigzague un peu parce que la ligne au milieu de la route ondule mais rien de trop grave. On entre par le garage et on dépose les motos. Hellen rabat sa capuche sur ses épaules et appuie sur un bouton que je ne vois pas. La lumière blafarde nous illumine et j'en profite pour évaluer les dégâts. La balle s'est logée juste au-dessus du cœur, le manquant d'une dizaine de centimètres au maximum, tout autour, une énorme auréole de sang s'étale, jusqu'au bord de la manche. Un peu de sang coule sur mon bras, trahissant immanquablement ma blessure. J'allais tenter de l'essuyer quand les murs se mirent à tanguer de plus en plus fort jusqu'à ce que je ne sache plus si j'étais au sol ou au plafond. Bien malgré moi, un gémissement catastrophé m'échappa, alertant Hellen. Le temps qu'elle fasse les dix pas qui nous séparaient, j'étais déjà à la limite de la conscience. Malheureusement Bersheker m'a expliqué que lorsqu'un loup est placé devant un tel cas, il coupe sa respiration jusqu'à perdre conscience. C'est une sorte de protection. Mon corps agit delui même.

*

Je dépose les motos dans le garage et entre. Je sentais encore le vent de notre vol sur mes joues, la chaleur du torse de Scott sur mon dos, ses bras musclés me ceinturer la taille. Soudain, j'entends un gémissement, comme celui que ferait un petit chien qui voudrait sortir. Je me retourne et vois que Scott est bel est bien blessé. Une auréole de sang tâche le tee-shirt au niveau du cœur. Je panique lorsqu'il commence à tomber lentement. Soudain sa respiration se coupe totalement et il devient rouge. Puis blanc. Il perd conscience. Heureusement, lorsque les Assassins m'ont prise sous leur aile, ils m'ont donné des cours de chirurgie. Parce que je ne peux pas apporter Scott aux urgences. Je le porte et le déposais sur la table. Décidément ! Il n'a pas de chance aujourd'hui. Mais je ne comprends toujours pas comment il a fait pour rester vivant après avoir reçu une injection de 5 millilitres de poison foudroyant et rester vivant après s'être pris une balle si près du cœur. Je déchire le tee-shirt, pour ne pas abîmer la plaie, alors qu'il est toujours inerte. Sa respiration se reprend d'un coup, me rassurant un peu. Je sors des pinces et commence à extraire la balle. Elle était assez loin mais je réussis à la sortir sans trop de mal. Je recouds avec soin les parties internes avant de fermer la plaie extérieure. Je remarque que son torse est barré par plusieurs petites cicatrices en tout genre. Certaines ont été recousues, d'autres non, mais aucune ne date de plus d'un mois. Son histoire a dû être tellement violente ! Je le regarde dormir, tranquille. Il a l'air calme et paisible quand il dort, alors qu'éveillé, on voit toujours cette lueur tourmentée dans son regard bleu.
Je me permets de le dévisager comme je ne l'ai jamais fait, de regarder son visage pour graver ses traits dans ma mémoire et ne jamais l'oublier. Après tout il m'a sauvé la vie ! Je passe une main dans ses cheveux bruns qui sont tout doux et qui m'évoquent irrévocablement le poil d'un louveteau. J'effleure du bout des doigts ses oreilles, qui bougent à mon contact. Je regarde ses ailes qui pendent de part et d'autre de son corps. Je touche le métal noir qui semble si froid et qui pourtant est tiède entre mes mains. Je passe un doigt sur le bord des lames et le retire plein de sang. La lame est tellement bien aiguisée que je ne l'ai même pas sentie entrer dans ma peau. Sa respiration s'accélère et il ouvre d'un coup les yeux. Il se redresse et je ne dois qu'à mes réflexes pour ne pas être décapitée par ses ailes. Il lâche un gémissement et porte deux doigts à son cœur. Je remarque alors que la plaie est déjà quasiment résorbée. Il regarde autour de lui, perdu, avant de refermer ses ailes autour de lui comme lors de notre câlin, m'empêchant ainsi la moindre réflexion quand à sa blessure. A l'évocation de ce contact, je rougis. Je me relève en douceur et profite qu'il soit assis au bord de la table pour me glisser entre son corps et ses ailes. Son visage est tendu et il semble honteux. Je relève son visage avec deux doigts et le fixe dans ses yeux étranges. J'aime tellement cette couleur.

- Tu dois tellement me trouver faible. Ridicule, une vraie lavette. Chuchote-t-il.

- Bien sûr que non ! Protestais-je. Quand j'ai commencé, je me suis prit un coup de sabre dans le dos. Une simple estafilade, rien de grave, pourtant je suis restée enfermée dans ma chambre pendant trois jours en ruminant ma rancœur. Alors que tu soutienne mon regard prouve que tu as surmonté cette étape débile.

- Première attaque, je suis empoisonné. Deuxième attaque, touché par une balle. On ne peut pas dire que je sois efficace ou utile.

Il joue avec les lames de ses ailes, se coupant plusieurs fois les doigts sans s'en apercevoir. Soudain, ses doigts passent sur un léger défaut et il fronce les sourcils. Il appuie un peu sur la déformation et le métal reprend sa place. Une alerte se met soudain en marche.

- Il est deux heures, on devrait rentrer. Dis-je simplement.

On rentre à la maison. Il insiste pour me porter. Devant son insistance, je finis par accepter et nous sommes à la maison en deux minutes à peine. On se couche mais pour la première fois, nos portes ne sont pas verrouillées.

Homme-LoupOù les histoires vivent. Découvrez maintenant