Chaptitre 14

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Je le rejoins près du muret mais m'éloigne un peu pour ne pas sentir l'odeur de cigarette.
- tu ne veux pas goûter ? Me demande-t-il.
- Non merci.
- Allez fait pas ta sainte nitouche...
- La cigarette est très mauvais pour la santé. Je n'ai pas envie d'attraper un cancer à mon âge.
- ah ouais ? et tu penses qu'en tirant une latte tu vas attraper un cancer ?
Il rit à sa remarque. Je l'ignore. Il soupire en voyant ma réaction.
- comme tu veux...
Il finit sa clope et l'écrase par terre. Nous partons alors.
- C'est quoi ton adresse ?
Je lui fait part de mon adresse et il dit :
- ok...c'est cool parce que c'est pas loin de chez moi, on va marcher environ une quinzaine de minutes. Je ne dis pas que je suis content d'habiter près de chez toi hein, mais au moins je n'ai pas à marcher beaucoup lorsque je t'aurais déposée.
Je soupire. Il n'était vraiment pas obligé de sortir sa seconde phrase. La première aurait largement suffi. J'ai l'impression qu'être avec moi est toujours un supplice pour lui et il est vrai que ça me fait mal au cœur. Il me fait clairement comprendre, même indirectement, que je ne suis pas assez bien, assez jolie, assez maigre, assez blonde, assez grande, assez populaire pour pouvoir ne serait-ce que m'accorder un regard ou un mot. Comment peut-il se comporter comme ça ? Parce que monsieur est un beau goss, il peut se permettre de choisir ses amis en fonction de leur physique. Je vois que Sam et lui ne vivent pas tout à fait dans le même monde.
Pourtant, il m'a semblé sentir son malaise lorsque je l'ai embrassé sur la joue. Je ne sais pas comment j'ai pu penser, une seule seconde, que je pouvais l'intéresser. Je ne sais pas.
- allô, je t'ai posé une question ?
Anton me fait revenir à la raison.
- Oui...pardon tu disais quoi ?
- Je te demandais si tu avais des frères et sœurs ou un truc dans le genre..
Je ris.
- un truc dans le genre ?
- Ouais tu vois quoi...
Il semble mal à l'aise.
- non, je suis fille unique.
- ah...
- Pourquoi tu me demandes ça ?
Il tourne la tête afin que je ne vois pas son visage.
- Pour avoir un sujet de discussion.
Ouah. Il m'a remise à ma place.
Qu'est ce que tu croyais Tiphaine ? Qu'il allait sortir un truc du genre : "Je m'intéresse à ta vie. J'ai envie d'apprendre à te connaître pour qu'on devienne de vrais amis."
Ouais bah tu ferais mieux de garder tes rêves pour cette nuit...
S'il veut discuter, discutons :
- et toi ?
- Quoi moi ?
- Et bien...tu as des frères ou des sœurs ?
Il garde le silence.
- je veux juste savoir comme ça...je ne voulais pas te mettre mal à l'aise...
Je décide alors de laisser tomber, persuadée qu'il ne va pas me répondre, comme il le fait toujours, lorsqu'il déclare :
- c'est compliqué...
- Je pense que tu as le temps de m'expliquer étant donné qu'on n'est pas encore tout à fait arrivé.
Il soupire. Je lui laisse le temps de réfléchir.
- ma mère s'est mariée à un premier homme à l'âge de dix-huit ans. A ce moment là, elle était enceinte de moi. Elle a accouché puis avec mon père, ils ont acheté un appartement. Il filait le parfait amour et nous nagions dans le bonheur. Ca a été de courte durée car lorsque j'avais quatre ans mon père est mort. Ma mère s'est tout de suite remariée a un autre homme. Elle était anéantie et avait besoin de combler le vide. Elle a eu une fille la même année avec lui, mais elle est morte à l'âge de 6 ans dans un accident de voiture provoqué par le père. Celui-ci n'est pas mort mais se sentait tellement coupable, qu'il a finit pas se suicider. Je m'entendais bien avec la petite, moins avec le père. Il me considérait comme quelque chose de trop, qui dérangeait sa petite famille. Lorsqu'ils sont morts, ma mère est devenue une morte vivante. Je l'ai aidé à se relever avec un psy. Elle a fait une sorte de pause qui a duré à peine un an puisqu'elle s'est mise en couple avec un troisième homme qu'elle pensait être bien mais qui n'était qu'un connard car il la battait et la trompait. Ca a duré environ six mois, jusqu'à ce qu'elle le quitte et vienne s'installer avec moi dans cette ville. Ma mère ne supportait pas de vivre sans homme alors elle s'est mise avec un quatrième qui lui a fait une fille. Eux ne sont pas encore morts. Le problème, c'est que c'est pareil qu'avec le deuxième. Je m'entend super bien avec Maya mais son père me déteste. S'il le pouvait, il me supprimerait de sa vie. Mais ma mère m'aime trop pour pouvoir m'abandonner. Elle m'a toujours dit qu'elle n'avait aimé qu'un seul homme dans sa vie, et c'est mon père. Moi, j'attends la mort de ces deux personnes. Je crois que nous sommes maudits, enfin surtout ma mère. À chaque fois qu'elle a un mari, ça ne dure pas longtemps et la fin est toujours dramatique...
Je suis sciée. Au bord des larmes, je m'arrête sur le chemin. Moi qui pensait que ce que ma mère et moi avions vécu était la pire des choses, j'étais loin de me douter que ce que vit Anton est bien pire. Je m'effondre au sol. Cette journée, toutes ces révélations, les souvenirs qui remonte à la surface...c'est trop ! Je m'adosse au mur et pleure, pleure a chaudes larmes. Je sens qu'Anton s'installe près de moi. Il m'a énoncé tout cela avec tellement de désinvolture. On pourrait presque penser que ce n'est pas son histoire. Il ne semble pas affecté par tout Ca. Sa voix était neutre durant tout son discours et il n'a versé aucune larme. Ma tristesse augmente. Je laisse ma tête tomber dans mes mains et pleure à nouveau.
Comment lui et sa mère ont pu vivre avec tout ce poids ? Comment Anton peut-il vivre normalement avec toute cette misère ?
Je finis par relever la tête et ose un regard vers lui.
Assis à côté de moi, la tête calée contre le mur, les bras posés sur ses jambes repliées : coudes et genoux qui se touchent, son regard est rivée sur la route. Je vois qu'il contracte fort sa mâchoire mais je ne peux distinguer aucune de ses émotions.
- je...tu n'étais pas obligé...
J'essaie tant bien que mal de parler mais j'ai la gorge nouée. Il ne me répond pas et son regard est toujours posé au même endroit.
- Ça va ? Je murmure.
- oui.
- Tu as besoin...enfin est-ce que tu veux que...
- Non merci. C'est mieux que tu oublie tout ce que je viens de te dire. Tu n'avais pas à le savoir. Je ne comprend pas pourquoi tu t'es mis dans un état pareil. Enfin bref...on y va ! Dit-il en se levant.
Mais je veux juste l'aider. Pourquoi fait- il ça ! Je veux partager ma peine avec lui. Je découvre aujourd'hui que nous avons tous les deux un passé difficile et je souhaite l'aider. Pourquoi il me rejette ?
Furieuse par son comportement, je me lève d'un bond et crie :
- c'est quoi ton problème avec moi ?
Il cesse d'un coup sa marche et se tourne vers moi. Même dans l'obscurité, je peux voir ses beaux yeux verts d'abord surpris puis agacé. Sans me répondre, il continue de marcher. C'est tout lui ça !
Sauf qu'il ne sait pas que je ne vais pas laisser tomber aussi facilement et que je veux savoir ! Même si je pense avoir une idée.
Je le rejoins en courant et me place devant lui.
- tu peux me répondre quand je te parle !
Il plonge ses yeux dans les miens puis me contourne. Je me replace devant lui.
- Dis-moi ! Dis-moi ce que je t'ai fait !
Cette fois, alors qu'il essaie de s'en aller, je le retiens en posant mes deux mains sur son torse. Il ne s'attendait pas à ça et m'observe, stupéfait. Je ne le lâche pas et attend.
- je n'ai pas de problème.
- Si tu en as un. Avec moi.
- Non !
- Si !
- Mais non !
- Arrête ! Je le sais de toute façon...
- C'est quoi alors ?
Je ne quitte pas ses yeux et lui répond, mal à l'aise :
- je suis trop grosse alors tu ne m'aimes pas. Comme je suis différente de toi et de tes amis, tu ne me considères pas et tu me rejettes. Si tu pouvais faire en sorte que je n'existe pas, tu le ferais...
Il plisse les yeux. Je sais que j'ai raison. Lui aussi le sait.
- c'est faux !
Il nie. S'il était honnête, et ne se comportait pas comme un lâche, je pourrais peut être le respecter.
Je dis calmement :
- assume.
- Je n'ai rien à assumer, putain ! Laisse moi maintenant.
- Je veux juste savoir pourquoi t'es comme ça !
- Mais je suis comme ça avec tout le monde bordel. Tu n'es pas le centre du monde !
- Tu mens !
- Mais merde, putain arrête. J'ai été tarré de te raconter mon histoire, ma vie. Je ne l'ai jamais raconté a personne. Même pas à un putain de psy. Il n'y a que moi et ma mère qui sommes au courant. Et ses psys. Même son nouveau mari et Maya ne savent pas. Et moi, je te déballe tout comme ça alors que je ne te connais même pas. Putain de merde. Bordel !
Il se tire les cheveux tout en criant. Il est furieux, hors de lui.
- tu vas te faire un foutu plaisir de raconter ça à tout le monde pour me faire chier. Alors que je veux que personne ne sache ! Jamais ! Je ne veux pas de la pitié des gens. J'étais sûr que si je racontais ça à qui que ce soit, je lirais de la pitié dans les regards. C'est exactement ce qui s'est passé avec toi. Tu t'es mise à pleurer tellement tu avais pitié de moi ! Je hais la pitié, putain je hais ! Je suis fort moi.
Il hurle. Il hurle ! Il est plus qu'hors de lui. Je ne l'ai jamais vu dans un état pareil. Il faut que je le calme.
- Anton, je n'ai pas pitié de toi...
- Bien sûr que si ! Tu me demandes d'assumer mais toi aussi t'assumes pas !
- Non Anton, ça n'a rien à voir avec de la pitié, je te promets.
- Ah ouais alors c'est quoi ? De la compassion.
Il ricane et hurle :
- Putain c'est pareil !
- Arrête ! Arrête de crier !
Je suis au bord des larmes. Je ferme les yeux et me bouche les oreilles. Je n'entends plus rien. Tout est calme d'un coup. J'ouvre doucement les yeux et je découvre Anton tout près de moi.
Il me regarde. Il est tellement beau lorsqu'il est énervé. On dirait un ange.
Avec une immense douceur, il passe ses doigts sous mes yeux. Il essuie les larmes qui ont coulé sans que je m'en rende compte. Je suis ébahie par ce geste. Il y a dix secondes, il était en colère et là, il est l'opposé, doux et attentionné.
Qu'est ce qu'il est beau ce mec ! Merde...c'est inhumain de créer des êtres aussi magnifiques,sans aucun défaut...
- pourquoi ?
- Pourquoi quoi ?
- Pourquoi tu te comportes comme ça ?
- Comment ?
- Tu t'énerves et puis d'un coup, tu es gentil. Comme s'il ne s'était rien passé.
Il me lâche et me dit :
- bon viens on y va ! On rentrera jamais sinon.

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