Recluse dans la fraîcheur du grenier, Délia disposait les fleurs qu'elle avait cueillies dans la matinée sur les claies de séchage, transformant les étagères en tours multicolores. Derrière elle, Hélène détachait les bouquets de sauge séchée qui pendaient, tête en bas, sur une corde à linge.
– Mme Levignon va bientôt arriver, déclara-t-elle en enfermant les bouquets dans un bocal étanche. Il faudrait que tu ailles me chercher trente grammes de pollen. Tiroir du bas.
Délia termina de disposer les derniers pétales de violette, puis déserta la pièce pour rejoindre le bureau d'Hélène.
Ce n'est qu'une fois qu'elle se retrouva cernée par dix armoires qu'elle réalisa que sa patronne avait oublié de préciser dans quel meuble se trouvait le pollen. Elle entreprit d'ouvrir le dernier tiroir de chaque armoire, fouillant parmi une multitude de papiers et de bocaux dont elle détailla chaque étiquette. Elle n'avait toujours rien trouvé lorsqu'Hélène fit irruption. Elle avait revêtu une jupe tailleur rose fuchsia et une blouse en mousseline assortie d'un collier où se balançait une opale.
– Excusez-moi, mais dans quelle armoire se trouve le pollen ? demanda Délia tout en admirant l'élégance de sa patronne.
Hélène partit d'un grand rire, faisant trembler son opale.
– Ah, les jeunes citadins ! Encore à se demander si les épinards poussent dans les congélateurs, n'est-ce pas ?
Délia se sentit légèrement vexée. Ce n'était pas sa faute si les tiroirs d'Hélène étaient affreusement mal rangés !
– Ma chérie, reprit Hélène en dépliant la table de massage, le pollen se trouve dans la ruche.
– Vous voulez dire que je dois aller prélever moi-même le pollen dans la ruche ?
Parfois Délia se demandait si sa patronne n'était pas en train de la bizuter.
– Tu as tout compris. La combinaison se trouve dans la buanderie. Et n'oublie pas, ouvre uniquement la trappe du bas. Ne touche surtout pas au toit, tu risquerais d'offusquer la reine.
– Mais elles ne risquent pas de m'attaquer ?
Une note d'inquiétude pointait dans sa voix.
– Elles ne sont jamais ravies d'être dérangées, bien sûr, mais si tu fais coulisser le tiroir sans faire bouger la ruche, tout devrait bien se passer. Et puis elles t'ont vue vaquer dans le jardin, elles sont sans doute habituées à ton odeur. Au pire, tu as la combinaison. Dans tous les cas, ne cours pas. Cela ne ferait que les exciter davantage.
Tout cela n'était pas très rassurant. Ce n'était pas le moment de se faire défigurer à quelques heures de la soirée people à laquelle Arnaud avait été convié. Cette fois, le sponsor était une célèbre marque d'ananas en boîte. Délia n'avait pas pu s'empêcher de se moquer lorsqu'Arnaud le lui avait révélé :
– Dis donc tu es en train de dégringoler de l'échelle sociale ! La dernière fois, c'était pour un smartphone et maintenant des ananas ! À ce rythme-là, la prochaine soirée sera pour du papier WC !
– Rigole, rigole, mais on est très bien payé pour ce genre de pub. En ce moment, ils cherchent leur nouvelle égérie.
– Mon Dieu, Arnaud ! s'était-elle écriée. Aurais-tu renoncé à ton âme artistique ? Tu veux vraiment devenir l'ambassadeur d'un rouleau de papier toilette ?
Elle s'était frotté énergiquement les yeux, tout en se demandant comment elle pourrait annoncer une telle chose à sa mère. Sans penser aux conséquences sur les gamins du voisinage...
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Hier n'est jamais loin
Roman d'amourElle pensait les avoir oubliés... Mais le Passé n'aime pas qu'on lui tourne le dos. En couple depuis cinq années, Délia vit une idylle parfaite avec Arnaud. Mais son cœur a-t-il réellement renoncé à ses trois amours de jeunesse ? Lorsque sonne l'heu...