Ils traversèrent en silence le parking souterrain plongé dans une semi-obscurité. Lorsqu'ils furent dans la voiture, Arnaud alluma le moteur mais le laissa tourner au point mort.
– Tu peux me dire ce qui vient de se passer ?
– A quel propos ?
Délia regardait à travers la vitre, hypnotisée par les reflets bleus que les néons projetaient sur le sol ciré.
– Depuis quand vous vous connaissez ?
Elle sentit une chaleur lui brûler la poitrine mais continua à fixer les flaques de lumière bleutée.
– Je ne vois pas de qui tu parles, murmura-t-elle.
Arnaud posa les mains sur le volant en soupirant.
– Alors, on en est là ? On est devenu ce genre de couple ?
– Quel genre de couple ?
– Le genre qui s'abreuve de mensonges. Enfin, Délia, tu sais très bien de qui je parle.
Un crissement de pneus détourna l'attention. Les phares d'une Berline inondèrent le pare-brise, aveuglant Délia qui fut obligée de tourner la tête.
– Bon, d'accord, je le connais plus qu'un peu.
– « Le » ? Mais de qui tu parles ?
– Et toi, de qui tu parles ?
– De cette fille, bien sûr. J'ai bien vu qu'il y avait une vraie rancune entre vous.
– Je t'assure que je ne l'avais jamais rencontrée avant ce soir.
– Alors de qui...
Un silence pesant s'installa dans l'habitacle. Puis une image sembla s'épanouir dans le cerveau d'Arnaud, assombrissant son visage. Ses mains frappèrent le volant :
– Mais bien sûr, c'est tellement évident ! Alors c'est lui, le fameux Julien ? Le grand amour de ta vie ! Pourquoi tu ne me l'as pas dit ?
Même dans ses pires cauchemars, Délia n'avait jamais imaginé une telle conversation. Elle plongea son regard à travers la vitre, cherchant l'immobilité rassurante du parking. Mais ce qu'elle vit fut loin de la rassurer. Le grand métisse – celui qu'elle avait pris pour un basketteur et accessoirement pour le petit ami de Natalia – ouvrait la portière d'une limousine où s'engouffrait une poignée de jeune filles, mais parmi elles nulle trace de Natalia.
Natalia était toujours à la soirée. Tout comme Julien.
Délia sentit qu'on la secouait :
– Eh, oh ! Tu peux me répondre quand je te parle ?
Elle ne l'avait jamais vu aussi furibond. Ils s'étaient déjà disputés, mais là c'était autre chose. Elle savait que c'était à cause de son silence. Le silence est parfois tellement plus offensant que des mots.
– C'était une bluette de jeunesse, rien de sérieux, se força-t-elle à répondre. La preuve, ça n'a duré que quinze jours. Je ne t'en ai pas parlé parce que... Je ne sais pas. Sans doute parce qu'il n'y avait rien à en dire. Je n'ai pas cru important de t'en parler.
– C'est bien ça qui m'inquiète. Si c'était si peu important, tu m'en aurais parlé. Enfin, je peux comprendre. C'était délicat. Ça a dû te faire un choc de le revoir.
Voilà, pensa Délia, il avait suffi de dire la vérité pour qu'Arnaud redevienne cet être tolérant et attentionné. À quoi bon mentir à quelqu'un capable de tout vous pardonner ? Arnaud était capable de comprendre. C'était peut-être ça qui faisait le plus mal. Elle n'était pas sûre en ce moment de mériter son empathie.
Au fond d'elle, elle savait que ce n'était pas par crainte de la réaction d'Arnaud qu'elle avait menti, mais parce que ses sentiments pour Julien avaient toujours été un secret, une sorte de péché qu'elle s'était efforcée de dissimuler, pas seulement à son petit ami mais aussi à elle-même. Elle avait toujours refusé d'admettre que Julien était de ceux qui vous broient le cœur mais que, malgré tout, on persiste à aimer.
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Hier n'est jamais loin
Storie d'amoreElle pensait les avoir oubliés... Mais le Passé n'aime pas qu'on lui tourne le dos. En couple depuis cinq années, Délia vit une idylle parfaite avec Arnaud. Mais son cœur a-t-il réellement renoncé à ses trois amours de jeunesse ? Lorsque sonne l'heu...