Chapitre 67

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Un an plus tard

Une sandale après l'autre, Délia descendait les marches de l'école de parfumerie. Un petit coup de vent dans les mollets lui rappela qu'Avril était joueur. Elle plaqua une main sur ses cuisses pour retenir sa jupe et se dirigea d'un pas conquérant vers le kiosque à journaux.

C'était Rob qui l'avait convaincue de reprendre des études.

– Parfois, avait-il dit, on se trompe d'orientation. Mais il n'est jamais trop tard pour rectifier le tir.

Elle avait la sensation d'avoir enfin trouvé sa voie. Elle allait devenir un nez. Dit comme ça, le mot paraissait moins glorieux que philosophe. Mais d'un point de vue concret, nez était un vrai métier qui consistait à élaborer des parfums. Peut-être qu'un jour elle créerait ses propres bougies parfumées.

S'approchant du kiosque, elle avisa le panneau qui présentait la couverture d'un magazine people :

Julien Loiseaux n'est plus un cœur à prendre.

Elle haussa les épaules, se détournant de l'image pour commander une bouteille d'eau. Cela faisait longtemps que ce genre de gros titre ne l'atteignait plus. Quand ce n'était pas Julien qui faisait la une, c'était Arnaud qui apparaissait au bras d'une sublime actrice. Voilà ce qu'on gagnait à tomber amoureuse de garçons à l'âme d'artiste !

De toute façon, ce n'était pas un scoop. Julien sortait avec Sarah depuis une éternité. D'ailleurs elle avait appris à apprécier cette fille. Puisque Rob était le meilleur ami de Thibault, elle avait dû supporter quelques dîners en compagnie de Thibault et de sa sœur. Elle n'avait eu aucun mal à comprendre pourquoi Julien était tombé amoureux. Sarah était discrète au premier abord, mais elle avait un sacré caractère. Et puis elle avait cette beauté, cette outrageante beauté naturelle, dénuée de fard et d'ego...

Julien, en revanche, elle ne l'avait jamais revu.

Du coin de l'œil, elle épia à nouveau la photo. Juste un petit coup d'œil pour voir s'il avait changé. On ne voyait pas son visage, juste ses boucles folles, son nez collé contre le visage de Sarah et...

– Hé oh, mademoiselle ! Vous la voulez cette bouteille d'eau ?

Elle tendit la main, le contact glacé de la bouteille lui rappela que tout cela ne faisait pas partie d'un rêve ou plus exactement d'un cauchemar. Un banc, il fallait qu'elle s'asseye. Elle en un trouva un juste devant la pharmacie, à cinq mètres à peine du kiosque. Là, dans son dos, elle sentait encore la présence de Julien. La version « papier glacé » d'un désastre. La main de Sarah ornée d'une bague. Elle avait cru apercevoir la forme d'un coquillage. Un diamant en forme de coquillage.

Elle fixa l'entrée de la pharmacie. Quelle excellente idée d'avoir placé une pharmacie en face du kiosque à journaux ! Ainsi on pouvait apprendre que l'homme qu'on avait aimé venait de se fiancer, faire une crise, puis aller chercher un médicament pour se calmer les nerfs.

Elle avait du mal à respirer. Pourquoi cela l'atteignait-il encore ? Elle ne l'avait plus revu depuis ce fameux tournage ; elle était amoureuse de Rob maintenant ; alors pourquoi avait-elle l'impression que le monde venait de se fissurer ? Elle avait l'impression de vivre un remake du jour où elle avait vu apparaître Julien à la télé alors qu'elle était en couple avec Arnaud, et que tout ensuite s'était disloqué.

Elle jeta un œil derrière elle, l'affiche lui blessa les yeux. Julien Loiseaux n'est plus un cœur à prendre.

 Julien Loiseaux n'est plus un cœur à prendre

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Hier n'est jamais loinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant