Lorsque je me réveille, toujours dans le métro, seul Vladimir ne dort pas. Ses cheveux presque blancs tombent devant son visage, contrastant singulièrement avec le bleu profond de ses yeux. Son menton est posé dans sa main, contusionnée par le coup de poing de rage et de chagrin qu'il a donné dans le mur de la station. Lui qui n'a jamais fait montre de la moindre violence... Il est perdu dans ses pensées, le regard plongé dans le vide. Il doit sentir que je l'observe car il détache ses yeux de la vitre pour les poser sur moi.
—Tiens, salut, chuchote-t-il pour ne pas réveiller autres. Je crois qu'il ne vaut mieux pas te demander si tu as bien dormi.
—Non tu as raison, acquiescé-je. Et toi, comment ça va ?
—Je fais de mon mieux, lâche-t-il d'une voix fatiguée.
Je suis à deux doigts de dire que je suis désolée, mais je m'en empêche à temps. En lieu de réponse, je passe une main par-dessus la table qui nous sépare pour la poser sur la sienne.
—Ils sont toujours en vie ? finit par me demander Vladimir. Je veux dire, Mark et Jen. Tu ne les as pas tués ?
Au souvenir des deux adolescents, une ombre passe dans l'océan de ses yeux. Mes oreilles se mettent à bourdonner, comme pour couvrir le bruit que semble faire cette question, alors même que j'essaie d'oublier.
—Non. Je... je n'ai pas pu, avoué-je en baissant les yeux. Ces ordures le méritaient sans doute, après ce qu'ils ont fait à Myra. Mais je n'ai pas pu.
—Et tu as eu raison, répond Vladimir après un long silence.
—Tu crois ? demandé-je en relevant les yeux vers lui, assaillie de cette désagréable sensation de ne plus savoir distinguer le bien du mal.
—Seul quelqu'un de fort aurait été capable de les épargner après ce qu'ils ont commis. Et c'est ce que tu as fait. Je te connais, et je sais que tu es forte Alice. Je connaissais aussi Myra pour savoir qu'elle n'aurait jamais voulu que tu la venges en tuant ses assassins. Alors oui, je suis certain que tu as fait le bon choix. Le seul moyen de la venger est d'accomplir ce pour quoi elle est morte, ajoute-t-il avec un regard en direction de Will et James, toujours endormis. —Et c'est ce que nous allons faire, promis-je.
Mon ami me sourit avant de se tourner à nouveau vers la fenêtre, par laquelle l'obscurité des tunnels est la seule chose que nous apercevons. Je ne sais pas depuis combien de temps nous roulons quand le voyant s'allume au niveau de la porte de sortie, signe que nous arrivons à Indianapolis. Vladimir et moi nous chargeons de réveiller les garçons. A peine ces derniers ont-ils ouvert les yeux que le wagon s'immobilise dans un grincement, avant qu'une voix à laquelle nous sommes désormais habitués ne retentisse dans les haut-parleurs :
—Vous êtes arrivés à : Indianapolis.
Nous n'avons que quelques minutes pour descendre, alors nous nous pressons hors du métro. Nous regardons les wagons être avalés les uns après les autres par le tunnel. J'éprouve un certain soulagement à l'idée d'être enfin arrivée à Indianapolis, mais la seule pensée de tout ce que nous avons perdu pour y parvenir me tord l'estomac. Un étau se serre sur ma poitrine quand je vois le visage de Myra derrière mes paupières closes. Ce n'est pas le moment d'y penser. Je me remémore les paroles de Vladimir : le seul moyen de la venger est d'accomplir ce pour quoi elle est morte. Alors je rouvre les yeux, plus déterminée que jamais.
—Récapitulons le plan avant d'y aller, suggère Will. D'après les informations d'Alex, la station débouche directement dans l'enceinte de la base.
Ma détermination fraîchement acquise s'envole immédiatement à la mention du nom de mon ancien voisin. Alex... Alex qui nous a envoyé toutes les informations nécessaires à la mise en place de notre plan grâce à des messages codés, envoyés sur un forum qu'il avait créé en secret avant son départ pour la base. Alex qui prend chaque jour d'énormes risques pour nous. Alex qui est éperdument amoureux de Myra...Ce n'est pas le moment de penser à ça ! me reprend ma voix interne.
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Anomalie [ EN RÉÉCRITURE ]
Science Fiction"-Et pourquoi on n'essaierait pas quand même ? opposé-je. Vous avez vraiment envie de rester ici sans rien faire ? Pas moi. De toute façon, qui ne tente rien n'a rien et puis même si on se fait attraper en essayant de changer les choses, ça vaudrait...