Nous restons tous plantés là, dans l'entrée, ne sachant pas quoi faire. Parce qu'on ne peut rien faire. Les épaules de Will se mettent à tressauter et au début, je crois qu'il pleure. Mais ce n'est pas le cas : il tremble, de rage. Il lâche la main de sa mère, qui retombe sur le sol à la manière du bras désarticulé d'une poupée de chiffon, puis il se relève brusquement et sort en trombe de la maison. Par réflexe, nous nous écartons pour le laisser passer. La porte claque derrière lui. Je me sens tellement impuissante. Je tente en vain de trouver quelque chose à dire ou faire et me précipite à sa suite. Ma main est déjà sur la poignée de la porte, quand je sens quelqu'un me retenir par le bras.
—Alice, non, dit James. Il a besoin d'être un peu seul...
A peine a-t-il fini sa phrase qu'un grondement sourd se fait entendre à l'extérieur. Mes amis et moi échangeons un regard inquiet, et James lâche mon bras. Je n'attends pas que l'un d'entre nous ouvre la bouche pour foncer dehors. Je suis en bas de la terrasse en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, et me met à la recherche de Will. Mais il est impossible de voir à plus de deux mètres tant le nuage de poussière qui envahit les rues est épais. Myra, James et Vladimir sont sortis derrière moi et contemplent le spectacle avec stupeur. Le grondement que nous avons entendu quelques secondes plus tôt redouble d'intensité, et un éclair zèbre le ciel, si bleu quelques minutes plus tôt.
—Je vais le chercher ! m'égosillé-je pour tenter de couvrir le vacarme.
—Mais Alice, tu ne peux pas y aller ! hurle Myra à son tour. C'est dangereux !
— Sa colère est aussi dangereuse pour lui que pour nous ! Il faut que j'y aille, je ne peux pas le laisser comme ça !
—Et qu'est-ce qu'on fait pour les gens ? interroge Vladimir. Ils vont nous voir !
J'étais si concentrée sur Will que je n'avais pas pensé que nous n'étions plus invisibles.
—Myra ! Rappelle-toi les deux militaires dans les bois ! dis-je en me souvenant de la manière dont elle les avait persuadés qu'ils ne nous voyaient pas.
—Je ne sais pas si j'y arriverai sur autant de monde !
—Tu peux le faire Myra, crois-moi !
Mon amie hoche la tête. Je lui adresse un signe de tête entendu avant de m'élancer dans le brouillard. Mes cheveux volent dans tous les sens et fouettent mon visage. Je progresse difficilement tant le vent est fort, et je suis obligée de masquer ma bouche pour ne respirer la poussière qu'il transporte. Je place un bras devant mon visage pour protéger mes yeux plissés, qui tentent désespérément d'apercevoir celui qui est à l'origine de cette tempête. Malgré tout je sais que je ne suis plus très loin. Je fais de mon mieux pour bloquer ma faculté et me protéger des émotions qui m'assaillent avec force de tous les côtés. Ses émotions. Le vent froid et violent me mord le visage, mais je tiens bon. J'avance en ne pensant qu'à l'horrible souffrance qu'il doit ressentir. Puis je le vois, à quelques mètres de moi, son tee-shirt blanc claquant comme un drapeau sur sa peau tendue par la colère.
—Will ! m'époumoné-je.
Mais de toute évidence il ne m'entend pas. Je tousse à cause de la poussière qui en a profité pour entrer dans ma gorge. Je reporte mon regard sur Will. Il est au centre de ce déchaînement d'éléments qu'il ne contrôle même plus, et qui n'est que le reflet de la vague d'émotions qui déferle en lui. Il a les poings serrés et ses cheveux blond foncé volent autour de son visage, qui n'exprime qu'une douleur indescriptible. Un éclair frappe le sol à quelques centimètres de moi, puis un autre, mais je continue d'avancer vers Will malgré tout. Quand j'arrive enfin à ses côtés, je pose ma main gauche sur son poing serré. Je fais aller et venir mon pouce sur son poignet pour le décrisper, puis je lève ma main libre jusqu'à son torse, à l'endroit exact où se trouve son cœur.
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Anomalie [ EN RÉÉCRITURE ]
Fiksi Ilmiah"-Et pourquoi on n'essaierait pas quand même ? opposé-je. Vous avez vraiment envie de rester ici sans rien faire ? Pas moi. De toute façon, qui ne tente rien n'a rien et puis même si on se fait attraper en essayant de changer les choses, ça vaudrait...