Je sens des regards peser sur moi, avant même d'avoir ouvert les yeux. J'ai dû m'endormir, mais je ne m'en souviens pas. C'est même plutôt étonnant que j'aie réussi à fermer l'œil. Puis des voix s'insinuent dans mon esprit, m'appelant comme à travers du coton. Je passe une main sur mon visage avant d'entrouvrir les paupières. Les contours de la silhouette qui se tient de l'autre côté des barreaux se précisent peu à peu, mais j'ai deviné qu'il s'agissait du Président avant même que mes yeux ne se soient complètement habitués à l'obscurité. Un homme en blouse blanche, dont les traits me sont familiers, se tient à ses côtés.
—Vous avez bien dormi, ma chère Alice ? m'interroge le Président.
Je fais comme si je n'avais pas entendu ses paroles, derrière lesquelles je crois deviner ce sourire mielleux, dont il me gratifie à chaque fois qu'il m'adresse la parole. Dans la cellule voisine, le Colonel Stevens semble toujours endormi, mais je sais qu'il n'en est rien lorsque je vois l'agitation qui trouble son énergie. Je me lève en époussetant mes vêtements – ou du moins ce qu'il en reste – imitée par Will, que les regards pesants des deux hommes ont réveillé aussi. Nous échangeons un regard entendu sans pour autant oser nous adresser la parole. Faisant fi de notre silence, le Président reprend sur le même ton :
—J'imagine que cela signifie que vous n'êtes toujours pas revenus sur votre décision. Mais peu importe, fait-il sans paraître offensé, j'ai quelque chose à vous montrer qui vous fera peut-être changer d'avis.
L'expression parfaitement hypocrite qu'il arbore me donne envie de le gifler, même si je pense que les deux jours d'enfermement y sont aussi pour quelque chose. J'ai les nerfs à fleur de peau, mais je prends sur moi : nous avons un plan à suivre.
—Quel genre de chose ? l'interrogé-je en feignant l'ignorance.
—Quelque chose en rapport avec ce dont nous avons parlé hier. Vous comprendrez mieux une fois là-haut, ajoute-t-il en se méprenant sur la signification de mon haussement de sourcil.
Je sais parfaitement de quoi il parle, seulement je n'arrive pas à resituer le médecin qui l'accompagne. Je suis pourtant certaine de l'avoir déjà vu quelque part. Je vois quelque chose passer à travers les barreaux et atterrir près de moi.
—Enfilez-les, nous conseille le médecin. Vous allez attraper froid.
Sans blague, pensé-je. C'est maintenant qu'ils s'en inquiètent ? Malgré tout, j'enfile ce que je devine être un tee-shirt. Il est trop grand, mais après avoir passé deux jours dans des vêtements en lambeaux, je ne vais pas me plaindre. Des clefs tintent dans la serrure et me tirent de mes réflexions. Les barreaux sont à présent ouverts et j'ai envie de me précipiter à l'extérieur, lassée de cette cellule. Pourtant, une fois de plus, je me contiens. Cela ferait trop plaisir au Président.
Alors, quand je sors, c'est en marchant d'un air que je veux aussi détaché que le sien. Le Président et le médecin se dirigent vers la porte métallique donnant sur le couloir, sans se préoccuper de savoir si nous les suivons ou non : ils savent que nous le ferons. Avant de la franchir à mon tour, je jette un œil en direction du Colonel Stevens. Il me semble le voir m'adresser un signe, mais l'obscurité m'empêche d'en être certaine. Dans le doute, je lui renvoie un discret signe de tête. J'espère qu'il disait vrai lorsqu'il affirmait pouvoir se débrouiller pour sortir. Je me détourne et emboite le pas de notre « escorte ».
J'ai appris à comprendre le Président, et je sais que s'il est venu sans un seul garde, c'est uniquement dans le but de faire naître en nous un excès de confiance. Et cela parce qu'il n'y a sans doute pas autant d'issues que nous l'avions imaginé. Je ne vais pourtant pas laisser cette observation miner mon moral. Il y a forcément une solution. La dernière fois que je suis passée par cet escalier, j'étais bien trop sous le choc pour faire attention à sa configuration. L'impression de m'enfoncer dans les entrailles d'un monstre est la seule impression qu'il me reste. Je lève les yeux pour mieux juger de la hauteur de l'escalier en colimaçon. Une pancarte sur le mur m'indique que nous sommes au niveau - 10.
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Anomalie [ EN RÉÉCRITURE ]
Ciencia Ficción"-Et pourquoi on n'essaierait pas quand même ? opposé-je. Vous avez vraiment envie de rester ici sans rien faire ? Pas moi. De toute façon, qui ne tente rien n'a rien et puis même si on se fait attraper en essayant de changer les choses, ça vaudrait...