Chapitre 9

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C'est étrange, comme sensation. J'ai vaguement conscience de mon corps, mais je suis incapable de bouger. Je sens des énergies interagir autour de moi, je devine la présence de mes amis, mais c'est tout. L'obscurité se fait encore plus profonde. Les scènes de mon cauchemar refont surface avec une noirceur plus terrible que d'ordinaire.

J'ai l'impression d'étouffer tant l'atmosphère est pesante. Je continue d'avancer malgré tout pour échapper à mon poursuivant dont les pas lourds résonnent derrière moi. Le sentier en terre battue par lequel je tente de m'enfuir est jonché de trous et de bosses. Je trébuche à plusieurs reprises et me relève à chaque fois plus essoufflée. Le sentier se divise, je prends la voie de gauche. Comme toujours. Le brouillard et la nuit se font plus épais, gênent ma progression. Je ne dois pas m'arrêter. Mon bras droit me lance, je sais qu'il y a une raison à cela mais je n'arrive pas à me souvenir laquelle. Je continue à courir, même après avoir dépassé les cadavres pâles de Jane Collins et de Myra.

Le coassement grave des corbeaux ne parvient pas à couvrir les pas de plus en plus proches de moi. J'ai l'impression de voir une lumière au bout du sentier. Ce doit être le fruit de mon imagination, pourtant je me donne comme but de l'atteindre. Mes pieds martèlent plus vite le sol, comme encouragés par l'idée de sortir enfin de cet endroit oppressant. Mais bientôt, je heurte de plein fouet un mur invisible qui stoppe net ma progression. Je donne de grands coups dedans, mais je sais par expérience que c'est inutile : j'avais simplement espéré qu'il ait disparu. Je fais volte-face, lasse de jouer à ce jeu, prête à affronter mon adversaire. J'en ai assez.

Je ferme les yeux alors qu'une vague d'énergie émane de tout mon corps. Comme sur la plage. La plage ? Ce souvenir flou me paraît si lointain que je n'arrive pas à en préciser les contours. C'est bizarre que mon assaillant ne soit toujours pas arrivé à ma hauteur... Il me suffit de le penser pour être assaillie par cette drôle de sensation d'être en chute libre. Je n'ai plus mal au bras.

****

Je me redresse d'un bond, le cœur battant la chamade, le souffle court. Affolée, je balaye la pièce du regard mais il fait si noir qu'il m'est presque impossible de voir ne serait-ce que les contours du lit dans lequel je me trouve. Seuls de pâles rayons bleutés filtrent à travers les carreaux sales de la fenêtre qui jouxte mon lit, laissant entrevoir d'étranges formes pendant du plafond, comme des dizaines de tentacules rampants. Je cligne des yeux pour chasser les images de mon cauchemar. Je suis complètement désorientée et un vertige m'empêche de réfléchir correctement. Je tente de calmer ma respiration mais l'apparition d'une ombre se détachant derrière les carreaux me fait sursauter. Mon dos heurte la tête de lit qui émet un grincement métallique. Calme-toi Alice, calme-toi, me répété-je.

-Alice ? murmure une voix ensommeillée.

Un seul mot qui brise le silence pesant et m'aurait sans doute effrayée si je n'en avais pas reconnu le timbre si doux. Une vague de soulagement m'envahit tout entière.

-Will ? Où est-ce que tu es ? interrogé-je d'une voix tremblante.

Ma vision a commencé à s'accommoder à l'obscurité et une main chaude aux contours familiers se pose sur la mienne. Puis les bras de Will entourent mes épaules, m'attirent contre lui et me serrent avec la force du soulagement. Je m'abandonne à cette étreinte, enveloppée de l'énergie si rassurante qui se dégage de lui. J'ignore combien de temps nous restons ainsi, blottis dans les bras l'un de l'autre, mais je finis par me calmer et retrouver un rythme cardiaque normal.

-Alice... murmure à nouveau Will en caressant mes cheveux. J'ai eu tellement peur....

-Où est-ce qu'on est ? lui demandé-je d'une voix pâteuse sans pour autant me détacher de lui. 

Anomalie [ EN RÉÉCRITURE ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant