Chapitre 5

169 16 4
                                    


—Quoi ? Mais c'est impossible ! s'exclame Aaron. Ils ne devaient débarquer que dans une semaine !

—Pourtant tu es le mieux placé pour savoir qu'on dit la vérité, lâche Will entre deux halètements dus à notre course effrénée. Tu peux lire dans mes pensées si tu veux, les images ne trompent pas.

—Pas la peine, je sais déjà que c'est vrai.

—Calmons-nous, fait Inès d'une voix destinée à nous détendre.

Je vois bien qu'elle est décontenancée, elle qui a pourtant un réel don pour dissimuler ses émotions. Je ne peux m'empêcher de penser que si elle avait écouté nos recommandations et pris les mesures nécessaires, nous ne serions sans doute pas là, en train de nous demander quoi faire à la dernière minute.

—Mais on ne peut pas se calmer ! fulminé-je. Au rythme où ils avancent, ils seront là d'ici une demi-heure, une heure au maximum !

—Alice, il fera nuit d'ici une heure. Ils n'attaqueront pas de nuit, de surcroît en terrain inconnu.

Du moins je l'espère. C'est ce que semble dire le silence qui suit la déclaration d'Inès.

—On n'est jamais sûrs de rien, réplique Will. Et quand bien même ils n'attaqueront pas cette nuit, on devrait profiter de l'avantage qui nous est donné et lancer une expédition pour les observer de plus près.

—Will a raison, renchérit Aaron en se tournant vers sa mère. Profitons-en pour essayer d'en apprendre plus sur leurs plans.

Inès ne répond pas, mais je vois à l'étincelle dans ses yeux que c'est gagné. Je ne sais pas si c'est grâce à l'intervention d'Aaron, mais nous l'avons convaincue de nous laisser y aller.

****

—Vous êtes vraiment certains de ce que vous avez vu ? nous interroge Yan pour la énième fois alors que nous nous dirigeons vers la plage.

—Tu en connais beaucoup toi, de nos jours, des gens qui se baladent en flotte entière pour traverser l'océan Atlantique ? fait Linh d'un ton sarcastique, agacée par le scepticisme de son frère.

Ce dernier ne prend pas la peine de répondre et accélère l'allure à travers les fougères. Il fait nuit noire et l'éclat argenté de la lame qu'il porte dans le dos contraste avec la noirceur de sa silhouette élancée. « Juste au cas où » avait dit Yan en saisissant l'arme accrochée au mur de l'armurerie de la communauté. Inès a bel et bien accepté de nous envoyer espionner l'ennemi, à condition que nous emmenions Yan et Linh avec nous. Je crois qu'ils sont un peu comme ses guerriers, sinon ils ne prendraient pas part à chacune des expéditions en dehors de la communauté. Notre petit groupe marche en silence jusqu'à la lisière de la forêt. Nous nous arrêtons derrière un bosquet d'arbres, encore assez feuillus pour nous cacher un peu.

—Je crois que c'est plus prudent de rester à couvert, déclare Yan en scrutant l'horizon.

Instinctivement, nous suivons tous son regard. A quelques centaines de mètres de la plage, les silhouettes des bateaux de la flotte présidentielle se découpent, presque imperceptiblement, sur le ciel d'encre parsemé d'étoiles. L'océan est calme et je m'aperçois que certains bateaux avancent dans notre direction alors que les plus imposants semblent avoir jeté l'ancre depuis un moment. Nous les regardons glisser sur l'eau en silence, comme s'ils survolaient les flots plus qu'ils ne les fendaient.

—Tu ne crois pas que les garçons vont s'inquiéter ? demandé-je à voix basse à Will. On est partis tellement vite qu'on ne les a même pas mis au courant de la situation.

Anomalie [ EN RÉÉCRITURE ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant