Chapitre 15

179 18 64
                                    


—Bien essayé ma jolie !

Cette voix, je la déteste encore plus que celle du Président lui-même.

—Lâchez-moi ! hurlé-je en me débattant.

Le Général resserre encore plus son emprise sur mes bras.

—J'ai toujours dis au Président que tu nous donnerais du fil à retordre, sale gamine effrontée ! Mais fini les crises d'adolescente bornée, maintenant tu vas regarder le sort que l'on réserve aux déserteurs.

Mon cœur s'emballe alors que je comprends qu'il parle de mes amis. Je me contorsionne pour regarder autour de moi : trois militaires se tiennent contre la rambarde métallique, tenant chacun un pistolet qu'ils pointent en direction de l'embarcation. J'en ai plus qu'assez de ce goût monstrueux pour le sang et la violence gratuite. Le Président va me détester encore plus, mais c'est presque tant mieux. Je n'en peux plus de les voir, lui et ses sbires, s'en prendre à ceux que j'aime pour faire de moi ce qu'il veut. Ça ne se passera pas comme ça. Sans réfléchir une minute de plus, je donne un coup de talon dans le tibia du Général Walker. Il fléchit légèrement le genou : c'est mon occasion. Je pousse son pied d'un coup du mien pour lui faire perdre l'équilibre, avant de donner un violent coup de tête en arrière. Mon crâne vient heurter le nez de mon bourreau, qui recule de quelques pas, me lâchant sur le coup. Je me précipite alors vers la rambarde. C'est comme à la piscine du Centre, m'encouragé-je avant, sans réfléchir, d'enjamber la rambarde et de sauter dans le vide.

Mon cœur remonte dans ma gorge alors que la gravité m'attire vers l'eau. La résistance de l'air ne m'offre qu'un maigre répit, avant que mon corps ne crève la surface trouble de l'eau agitée. Quand j'entre dans l'eau, j'ai l'impression, l'espace d'un bref instant, d'être coupée de tout. Puis cette sensation disparaît aussi vite qu'elle est apparue, remplacée par la morsure glaciale du froid. Mes minces vêtements ne constituent aucun obstacle à l'eau gelée qui imbibe chaque millimètre du tissu et semble me faire peser plus lourd, m'attirant un peu plus vers le fond.

Sortant de ma torpeur, je me mets à battre des pieds pour contrer cette attirance, mais le courant aussi fait des siennes. Je commence à manquer d'air, les doigts glacés de l'océan m'enserrant la gorge. J'y suis presque, encore un effort. Je bats des pieds et des mains, encore, encore, jusqu'à apercevoir l'ombre de l'embarcation à la surface. Cela me donne le courage nécessaire pour finir de remonter. La première goulée d'air inspirée, accompagnée d'une gorgée d'eau salée, me brûle les poumons. Malgré mes membres endoloris par le froid, j'entreprends de nager jusqu'à l'embarcation.

—Attrape ma main ! me lance la voix de Will par-dessus le fracas des vagues.

Je ne quitte pas mon objectif des yeux. Sa main. Dans un dernier effort, je la saisis et m'y accroche de toute mes forces. J'avance encore jusqu'à ce que lui et James me saisissent pour me tirer hors de l'eau. Je m'affale sur le sol de l'embarcation, trempée, crachant ce qui me semble être des litres d'eau salée.

—Ils vont nous tirer dessus, articulé-je en reprenant ma respiration. Il faut partir tout de suite !

Comme en écho à ma déclaration, plusieurs coups de feu crèvent le vacarme déjà assourdissant de la tempête. Les garçons doivent s'être mis à ramer, mais je n'y prête pas attention, trop occupée à maîtriser les tremblements qui agitent mon corps gelé. La pluie et le vent ne font qu'accentuer le froid qui me colle à la peau.

—Mon Dieu, tu as les lèvres bleues ! Viens là, tu es gelée !

Will me prend dans ses bras et commence à me frictionner le dos. Il semble plus inquiet pour moi que pour les balles qui sifflent autour de nous, nous ratant de peu à chaque fois. Je claque des dents bien malgré-moi, et me rends compte que mes cheveux dégoulinent sur son tee-shirt déjà partiellement mouillée par la pluie. Peu importe. J'ai l'impression qu'il s'est écoulé une éternité mais, grâce à l'acharnement des garçons, notre embarcation est hors de portée des balles.

Anomalie [ EN RÉÉCRITURE ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant