Chapitre 16

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Carmen pensait qu'on allait la laisser croupir dans sa prison, seule et affamée, et qu'on allait la torturer pour qu'elle avoue tout ce que la Famille du Nord voulait savoir sur la Famille du Sud.

Mais non.

L'homme à la voix feutrée venait la voir tous les jours, lui apportant à chaque fois de quoi manger et à boire. Leurs rencontres ne changeaient guère d'une fois à l'autre ; il entrait dans la pièce, déposait son repas à même le sol et s'installait en face d'elle pour la regarder manger, en silence. Il attendait toujours qu'elle ait terminé pour engager la conversation. Très rapidement, les remarques narquoises fusaient entre eux et à chaque fois, il lui demandait son nom. A chaque fois, elle refusait de coopérer aussi facilement. Alors, il reprenait l'assiette et sortait de la pièce.

Carmen n'avait qu'une vague conception du temps qui s'écoulait. Ses seuls repères étaient la petite fenêtre qui laissait passer les rayons du soleil et les visites de cet homme à la voix feutrée qui venait lui apporter à manger tous les jours à la même heure. Elle put ainsi calculer que ça faisait déjà quatre jours qu'elle était prisonnière de la Famille du Nord.

Mais elle aurait dû se douter que cette existence ne pouvait pas durer. Sa situation était assez confortable jusqu'à présent et elle se complaisait dans cette routine qui s'était installée.

Elle aurait dû s'en douter.

Le cinquième jour, toujours cloîtrée dans sa cellule, elle attendait son visiteur à la voix feutrée comme celle d'un chat. Elle ne l'admettrait jamais, mais sa compagnie était plutôt la bienvenue. C'était le seul moment de la journée où elle avait un contact avec l'extérieur et où elle pouvait enfin parler à quelqu'un.

Elle n'était pas encore suffisamment folle pour se parler à elle-même.

Elle entendit la clé tourner dans la serrure, la lumière de l'ampoule jaillit à nouveau et la porte métallique grinça sur ses gongs. Carmen attendait dans la même position que les autres jours, en tailleur sur son matelas. Elle tourna la tête vers la porte, s'attendant à revoir celui qui la nourrissait et lui faisait la conversation. Mais elle sentit son sang se glacer lorsqu'elle constata que ce n'était pas lui. 

L'homme qui se tenait sur le seuil était grand, les cheveux coupés si courts qu'elle ne savait pas s'ils étaient bruns ou noirs. Il avait des yeux bruns et des épaules larges. Il portait un t-shirt noir qui paraissait trop petit pour lui. Son regard se posa tout de suite sur elle et Carmen y vit une lueur de haine. Elle déglutit mais soutint son regard, refusant de laisser impressionnée.  Elle se leva et lui fit face, les bras croisés, dans une posture de défi : 

- T'es qui, toi ? Demanda-t-elle.

L'homme émit une exclamation méprisante :

- L'important, ce n'est pas qui je suis, mais plutôt qui tu es, toi. Ton nom ?

Elle haussa les épaules :

- Je ne te le dirai pas.

Elle crut un instant qu'il allait s'énerver mais il se mit à sourire. Un sourire particulièrement malveillant.

- Tant mieux. Rétorqua-t-il en faisant un pas vers elle. Ne parle pas. Comme ça, j'aurais une occasion en or pour te faire mal.

Elle se tendit. Elle venait de remarquer un léger détail ; l'homme avait un pansement au niveau de son cou, à l'endroit exact où Carmen l'avait brûlé avec son Taser.

Elle faisait enfin la connaissance de Renaud.

Elle était dans la merde.

- Ça va mieux ? Le cou ? Lança-t-elle avec sarcasme.

Cette fois-ci, le visage de l'homme se crispa sous l'effet de la fureur.

- Tu ferais mieux de t'inquiéter pour toi, sale garce. Cracha-t-il. J'ai pas l'intention de te donner à bouffer des pâtes !

- Ah ? Tu viens m'apporter le dessert, alors ?

Il refit un pas vers elle. Instinctivement, elle recula.

- J'ai des questions à te poser et je vais le faire de manière plus frontale que l'autre naïf. Et s'il te plaît, dis-moi que tu n'as aucune bonne réponse à me donner, que je puisse te cogner.

- Tu m'ôte les mots de la bouche. Je n'ai rien à te dire.

- Quel est ton nom ?

- Je ne te le dirai pas.

Il réagit avec une telle rapidité qu'elle ne vit pas le coup venir. Une douleur aigue lui crispa le ventre, lui coupant le souffle. Elle sentit à peine ses genoux heurter le sol. Elle n'avait même pas d'air pour pouvoir crier. Elle dû lutter pour retrouver sa respiration et ravaler des larmes de douleur. Les pieds de Renaud entrèrent dans son champ de vision embué. Une main lui agrippa les cheveux avec brutalité et la força à rejeter la tête en arrière. Elle croisa son regard, loin au-dessus d'elle, la dominant de toute sa taille.

- Quel est ton nom ? Répéta-t-il.

Carmen déglutit difficilement. Il allait la massacrer. Elle pouvait lire son envie de meurtre dans ses yeux. Elle fut tentée de tout lui balancer mais elle n'avait pas la garantie qu'il laisserait tranquille, même après avoir obtenu ce qu'il voulait.

- Va te faire mettre. Murmura-t-elle en fermant les yeux.

Cette fois, elle reçut un coup de pied dans les côtes qui la projeta violemment au sol. Une fois de plus, elle eut le souffle coupé. Elle ouvrit les yeux et vit que Renaud s'était penché au-dessus d'elle. Il fit craquer ses jointures.

- Ton nom ?

Elle hésita une fraction de seconde. Elle avait mal et était sûre qu'il lui avait cassé quelques côtes. Elle était au bord de la nausée mais elle savait que l'interrogatoire ne faisait que commencer. Mais elle ne pouvait pas céder. Son orgueil et sa fierté le lui interdisait. Elle ne devait pas se soumettre à la douleur et à cet homme. Elle devait tenir le coup. 

Le visage de Laurent apparut devant ses yeux. 

Son Chef de Famille comptait sur elle.

- Non. Déclara-t-elle dans un souffle.

Renaud sourit :

- Parfait. 

CarmenOù les histoires vivent. Découvrez maintenant