Il lui donna la main et ils se mirent à courir. Carmen espérait que Samaël ne se rende pas tout de suite compte qu'Adonis était mort. Ça allait leur permettre de prendre un peu d'avance...Sauf s'ils tombaient malencontreusement sur lui au détour d'une ruelle.
- Où est Nathaniel ? Demanda Sergueï, sans cesser de courir.
- La dernière fois que je l'ai vu, il se battait contre Laurent.
- Merde ! Jura-t-il.
- Mais Laurent n'a pas l'intention de le tuer...
- C'est de ça qu'il parlait en disant qu'il y avait un changement de programme ?
- Entre autre. Nathaniel a découvert qu'il y avait une possibilité de se vacciner contre la maladie de l'Année Noire.
- Quoi ? S'écria-t-il en cessant subitement de courir.
Carmen soupira en l'imitant :
- Sergueï, on n'a pas le temps pour...
- C'est quoi cette histoire de maladie de l'Année Noire ? Coupa-t-il brusquement.
- C'est un peu long à tout expliquer, mais dans les grandes lignes ; tous les Survivants sont contaminés par le virus. Il y a une possibilité d'avoir un vaccin et je suis une porteuse saine. Mes analyses sanguines prouvent que je ne porte pas le virus, donc on peut créer un vaccin à partir de ça. Nathaniel et Beniamino veulent donner le vaccin à tout le monde mais Laurent veut le garder pour lui et ne le donner qu'à ceux qui se soumettent à lui. Les autres, il va les laisser mourir. Il n'y aura plus qu'une seule Famille et il va s'autoproclamer unique Chef de Famille. C'est pour ça qu'il a donné l'ordre d'envahir le quartier général de la Famille du Nord, il veut capturer Beniamino pour qu'il mette au point le vaccin et Nathaniel restera en vie uniquement pour assister à la victoire de Laurent.
Le jeune homme resta quelques secondes bouche-bée, stupéfait. Mais il se reprit bien vite et déclara comme si de rien n'était :
- Il est devenu complètement mégalo.
- Je crois qu'il l'a toujours été.
- Tes informations changent la donne. Si j'ai bien compris, toi et Ben êtes nos seuls espoirs de survie. Donc, ma priorité est de te mettre à l'abri.
- Non ! Protesta-t-elle. Il faut qu'on aide Nathaniel !
- Si tu tombes entre les mains de Laurent, tu n'aideras pas Nathaniel. Nous serons tous foutus. Répliqua-t-il. Tu dois être mise en sûreté. J'aviserai après.
Sa voix était si autoritaire qu'elle ne songea pas argumenter. Elle se laissa donc entraîner dans les rues, son poignet emprisonné entre les doigts de Sergueï. A un moment, il ouvrit la porte d'une maison abandonnée et ils montèrent au dernier étage. Dans l'une des pièces, poussiéreuse et dépourvue de mobilier, ils cessèrent enfin de courir et ils purent reprendre leur souffle.
- Voilà. Dit Sergueï. Ça fera l'affaire pour le moment.
- Donc, on va attendre là, sans rien faire ? Demanda-t-elle, abattue.
- Non. « Toi », tu restes là. Moi, je vais chercher Beniamino.
- Quoi ? Protesta-t-elle.
- Beniamino est le seul à avoir les connaissances nécessaires pour mettre au point un vaccin. S'il se fait capturer, nos chances de survie s'amenuisent. Vous êtes tous les deux importants. Je dois aller le chercher.
- Il était à l'infirmerie du quartier général de la Famille du Nord. L'informa-t-elle. Il a été blessé.
- Qu'est-ce qu'il lui est arrivé ?
En quelques mots, elle lui raconta comment s'était déroulé leur mission, comment ils avaient été capturés et torturés par Samaël et Adonis et comment ils avaient pu s'échapper avec l'aide d'Eileen.
Sergueï marqua un temps d'hésitation.
- Je vois. Murmura-t-il. Ça va me rendre la tâche un peu plus compliquée que prévue, mais j'irai quand même.
- C'est trop risqué. Répliqua-t-elle. Tu risques de tomber sur Samaël, de te faire capturer ou de te faire tuer. Je viens avec toi !
- Non. Répliqua-t-il durement. Tu as mené ta mission avec le courage et la détermination qu'on attendait de toi, et bien plus encore ! Mais cette mission-là est la mienne, je dois l'accomplir seul. Nathaniel ne me pardonnerait pas si je t'exposais volontairement au danger. Et moi non plus, je ne me le pardonnerais pas.
- Tu sais, je ne suis pas en sucre ! S'exclama-t-elle en levant les yeux au ciel. Et tu n'es pas obligé de tout faire tout seul. Ajouta-t-elle d'un ton plus doux en posant une main sur sa joue.
Il sourit et lui prit la main. Il embrassa délicatement son poignet et elle ne put retenir un frisson parcourir son corps.
- Parfois, on est obligé de prendre des décisions importantes qui ne conviennent pas toujours à tout le monde. Nathaniel me l'a appris dès mon plus jeune âge. Le choix que je fais à présent, j'en prends l'entière responsabilité et je l'assumerai jusqu'au bout. C'est mon devoir.
- Ton devoir...Répéta-t-elle, songeuse. Je vois. C'est donc toi, le fils de Nathaniel ?
Sergueï resta silencieux un long moment, plongeant son regard dans le sien.
- Il te l'a dit ? Demanda-t-il.
Il s'efforçait de garder un ton neutre, mais Carmen sentit que le jeune homme était troublé.
- Indirectement. Précisa-t-elle. Il a dit que son fils saurait quoi faire s'il venait à mourir.
- Ah. Fit-il simplement.
Pourtant, son sourire moqueur était revenu sur son visage.
- Je suis ravi de l'entendre, même si j'aurais préféré qu'il me le dise en face. Comme tu l'as sans doute remarqué, entre Nathaniel et moi, c'est un peu tendu.
- Sans blague ? Maugréa-t-elle, ironique. Mais ça explique beaucoup de choses, comme le fait que tu oses le contredire ou te dresser contre ses ordres...ou encore que Beniamino t'appelle « le mâle alpha ».
Sergueï éclata de rire :
- C'est vrai ! Pendant nos jeunes années, Ben m'appelait ainsi pour me rappeler mon rang lorsque j'avais tendance à vouloir faire des bêtises. Et aussi à chaque fois qu'une fille me préférait à lui. Il répétait sans cesse que c'était pour mon lien avec Nathaniel qu'elles m'aimaient, et non pas pour ce que j'étais. Ça en dit long sur son narcissisme et la mauvaise foi dont il peut faire preuve, même encore aujourd'hui.
- Je suppose que sa « Majesté » Beniamino était très vexée ?
- Bien sûr ! Quant à Nathaniel, il a toujours cherché à me protéger. Je suis son héritier, le futur Chef de la Famille du Nord. Il rechignait à m'envoyer sur des missions où je risquais ma vie, même si je lui disais que j'étais prêt à prendre des risques pour ma Famille. C'était une source de conflits entre nous. Mais je suis content de savoir qu'il me fasse enfin confiance pour prendre mes responsabilités et agir en conséquence. Nathaniel n'est pas encore mort –du moins je l'espère–, et je vais agir. Reste ici, Carmen. Repose-toi. Je reviens le plus vite possible avec Beniamino.
- D'accord. Murmura-t-elle.
Elle se mit sur la pointe des pieds et l'embrassa. Il lui rendit son baiser en caressant ses cheveux. Après quelques secondes, ils se séparèrent.
- Au cas où tu ne reviendrais pas. Murmura-t-elle.
Le sourire moqueur de Sergueï s'accentua :
- Parce que si je revenais, tu ne m'aurais pas embrassé ?
- Bien sûr que non. Répliqua-t-elle sur le même ton narquois.
Ils se sourirent, complices. Sergueï se pencha sur elle et l'embrassa à son tour.
- Au cas où je reviendrais. Dit-il simplement.
Il tourna les talons et quitta la pièce, laissant Carmen seule.
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Carmen
Science FictionLa Famille est tout, l'individu n'est rien. C'est la vérité que Carmen a appris depuis qu'elle est entrée dans la Famille du Sud. C'est la seule vérité qu'elle connaisse et elle s'y plie sans se poser de question. Jusqu'au jour où son Chef de Famil...