Chapitre 45

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Autour d'eux, la pièce s'était remplie au fur et à mesure que la soirée avançait. Les membres de la Famille du Nord s'étaient attablés autour des tables encore libres ou au comptoir, remplissant peu à peu l'espace. Mais contrairement à ce que Carmen avait redouté, il n'y avait pas le chahut assourdissant qu'elle avait déjà entendu dans la Famille du Sud. Personne n'élevait la voix, personne n'invectivait les autres, personne ne racontait de blagues salace. Le lieu restait calme.

Elle aperçut plusieurs personnes parmi la foule, comme Renaud, accoudé au comptoir avec deux de ses amis, Beniamino qui était en pleine discussion avec un jeune garçon efflanqué qu'elle ne connaissait pas du tout ou encore Emilio et Victoria, attablés à une table de l'autre côté de la pièce, penchés l'un vers l'autre et discutant à voix basse, le regard complice. Nathaniel était également là, souriant et discutant avec tout le monde, même si son regard se perdait souvent vers la fenêtre avec une expression tendue, comme s'il attendait quelqu'un.

A un moment, il se glissa jusqu'à eux et leur sourit :

- Ça se passe bien tous les deux ? Demanda-t-il d'une voix qui se voulait enjouée.

- Très bien, oui. Répondit simplement Sergueï. Et toi ?

- Tout va pour le mieux.

- Ta toux s'est un peu calmée ? Demanda Carmen, encore inquiète par les tâches de sang qu'elle était sûre d'avoir remarqué le soir de son introduction dans la Famille du Nord.

Nathaniel balaya sa remarque d'un geste de main insouciant :

- Je vais bien ! Affirma-t-il. Ce n'est qu'une crève passagère. Beniamino m'a donné quelques remèdes de sa fabrication pour me soigner, et je peux affirmer qu'ils sont plutôt efficaces !

- Tu as l'air tendu. Fit remarquer Sergueï. Quelque chose ne va pas ?

Le sourire de Nathaniel s'effaça aussi subitement qu'une flamme de bougie qui s'éteint. Il les regarda longuement, comme s'il hésitait à leur dire ce qui le tracassait.

- Je ne sais pas encore. Lâcha-t-il brusquement. J'ai envoyé Livio, Bryan et Antoine en éclaireurs à notre frontière aujourd'hui. Je les attends encore. Mais il n'y a pas de quoi s'inquiéter.

Pourtant, l'expression de son visage montrait clairement qu'il se faisait du souci pour les trois hommes.

Il resta silencieux quelques minutes, les yeux perdus dans le vague. Puis, ses lèvres se crispèrent en un sourire et il s'éloigna pour aller discuter avec un petit groupe d'hommes.

Carmen se pencha vers Sergueï :

- Il y a de quoi s'inquiéter ?

Il ne répondit pas tout de suite. Il jeta un coup d'œil à Nathaniel :

- Sûrement. Murmura-t-il lentement. Bien que, au fond, il s'inquiète beaucoup pour nous quand on part en mission.

En disant cela, il fit une moue amère. Carmen comprit que l'attitude protectrice du Chef de Famille agaçait Sergueï.

A partir de cet instant, elle eut du mal à se concentrer sur autre chose que Nathaniel. Et elle n'était pas la seule ; plus la soirée s'écoulait, plus il tournait en rond comme un vieux lion en cage. Nathaniel faisait visiblement de gros efforts pour rester détendu et rire avec les membres de sa Famille mais personne n'était dupe. Il y avait quelque chose qui l'angoissait.

Et Carmen estima que ce n'était pas très bon signe.

Elle se rappelait que quand Laurent avait cette attitude, les membres de la Famille du Sud devaient s'attendre à ce qu'il y ait du grabuge dans les jours qui suivaient.

CarmenOù les histoires vivent. Découvrez maintenant