Chapitre 19

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Carmen resta encore deux jours à l'infirmerie à bénéficier des soins. Ses côtes et son poignet étaient nettement moins douloureux mais elle avait toujours beaucoup de peine à respirer et à manger. Son œil au beurre noir était complètement guérit et la plaie qu'elle avait au front cicatrisait lentement.

Lorsqu'elle fut presque complètement rétablie, on la ramena dans sa cellule. Elle retrouva son petit matelas, sa petite fenêtre inaccessible et l'ampoule qui pendait tristement au bout de son fil. Elle se laissa tomber sur son lit, qui n'était pas vraiment moins confortable que celui qu'elle avait occupé à l'infirmerie et ferma les yeux.

Elle se sentait un peu perdue. Elle ne savait plus très bien où elle en était dans sa mission. Elle espérait que ce soit sur la bonne voie. Mais elle éprouvait de la peur depuis sa discussion avec Nathaniel. Elle était persuadée qu'il allait tout faire pour l'enrôler.

« C'est un peu le but de ta mission, idiote » La rabroua une petite voix acide dans sa tête.

Mais...et s'il y parvenait réellement ? S'il arrivait à la convaincre de faire partie de la Famille du Nord ? S'il arrivait à la persuader qu'elle n'avait pas à se montrer loyale envers Laurent ? S'il arrivait à mettre en doute toute son existence au sein de la Famille du Sud ?

Cela lui faisait très peur.

Nathaniel semblait être sûr de lui. C'était bizarre. Quelles étaient les méthodes qu'il utilisait pour convaincre ses ennemis de se rallier à lui ? Il y avait toute une liste de traîtres qui se sont laissé convaincre...Qu'est-ce qu'il leur a dit ? Qu'est-ce qu'il leur avait fait ? Comment avait-il fait pour les convaincre ? Cela dépassait l'entendement...Et elle ? Comment allait-elle faire pour résister à ses méthodes d'endoctrinement ? Elle devait jouer son rôle à la perfection, faire semblant de rejoindre la Famille du Nord sans se faire manipuler.

Et quelque chose lui disait que Nathaniel pouvait se montrer aussi manipulateur qu'elle.

Le point positif dans son retour en cellule, c'était que l'homme à la voix feutrée comme celle d'un chat, Sergueï, était revenu la voir.

Comme les autres fois, il entra dans la cellule et déposa devant elle une assiette fumante composée d'une tranche de viande déjà coupée.

- Merci. Dit-elle en souriant.

- De rien. Tu te sens mieux ?

- Faut croire que oui.

Elle prit un premier morceau de viande qu'elle mâcha lentement.

- Je te remercie d'être intervenu...Quand Renaud m'a...Enfin, tu comprends. Marmonna-t-elle en baissant les yeux.

Il haussa les épaules.

- C'est normal. Je devais intervenir. Mais tu aurais dû te douter que Renaud chercherait à se venger du coup que tu lui as fait. Il a trouvé une occasion et en a profité. Si je suis intervenu, c'était parce que c'était l'heure du repas.

- Je me disais bien que tu étais ponctuel.

- Ça, et encore bien d'autres qualités. Répliqua-t-il avec un sourire.

- Je vois...

- Tu t'en tire pas trop mal. Commenta-t-il en s'asseyant en face d'elle, comme à son habitude. Renaud est plus violent que ça, d'ordinaire.

- Ça doit être parce qu'il m'aime bien. Ironisa-t-elle.

Il éclata de rire.

- Ça doit être ça.

Carmen termina son assiette en quelques coups de fourchette et la repoussa vers lui.

- Nathaniel t'as parlé ? Demanda Sergueï.

- Oui.

- Il a essayé de te recruter ?

- Il a essayé, oui. Comment tu le sais ?

- T'es pas la première à avoir atterrit ici.

- Ah. Mais je suis peut-être la seule qu'il ne parviendra pas à convaincre.

- Peut-être. Répliqua-t-il, indifférent.

- Il fait comment pour les convaincre de le rejoindre ?

Il lui fit un sourire narquois :

- Pourquoi ? Ça t'inquiète ?

Ce fut à son tour de hausser les épaules :

- J'en sais rien. Nathaniel avait l'air très sûr de lui quand il disait qu'il me ferait changer d'avis.

- C'est le cas. Il est très fort pour persuader les gens de le rejoindre.

- Avec moi, il risque d'avoir beaucoup de travail.

- Il a le temps. Mais s'il a décidé de t'intégrer à nos rangs, il y parviendra, tôt ou tard. Qui sait ? Peut-être même deviendras-tu l'une des plus fanatiques ?

Carmen sentit son angoisse monter d'un cran. Était-il sérieux ?

- Fanatique ? Répéta-t-elle, horrifiée. Vous leur faites quoi, à vos nouvelles recrues ? Un lavage de cerveau ?

Sergueï semblait réfléchir.

- Je ne pense pas, non. Je ne sais pas comment Nathaniel y arrive ni quelles sont ses méthodes. Tout ce qu'on sait, c'est que personne ne lui résiste bien longtemps.

- Ça ne me rassure pas.

Il lui sourit :

- Tu verras par toi-même.

Elle ne répondit rien. Toute cette histoire ne lui disait rien qui vaille...

Le jeune homme se leva et récupéra le bol vide.

- Je vais te laisser te reposer.

Il quitta la pièce, la porte se verrouilla derrière lui et l'ampoule s'éteignit. Carmen s'allongea à nouveau sur son matelas et contempla le plafond froid. Elle se sentait extrêmement faible et son ventre gargouillait encore. Mais elle n'avait pas pu terminer son assiette. Mâcher et avaler était un exercice encore trop complexe pour elle.

Quand elle repensa à Sergueï, ce fut cette fois pour jurer contre lui : « Il aurait quand même put me donner de la soupe plutôt que de la viande ! Il n'a même pas pensé que je venais de sortir de l'infirmerie ! »

D'une humeur maussade, Carmen tenta de dormir quelques heures pour reprendre des forces, en essayant d'oublier ses muscles et ses os encore douloureux et son estomac qui gargouillait.

Les prochains jours s'annonçaient très pénibles.          

CarmenOù les histoires vivent. Découvrez maintenant