Untameable

Frayeur Puante

 Des gouttes venaient de nulle part et s'écrasaient contre le sol froid, brisant le silence angoissant qui régnait en maître, dans les égouts. Le nez de l'Empereur des dragons le chatouilla, pris en étau entre la puanteur des lieux et le surplus de poussière.

Depuis combien de temps étaient-ils ici, sous terre, à chercher un monstre qui pouvait bien être à la surface ? Ils l'ignoraient tous, et n'osaient même pas le demander. Le groupe était noyé dans une odeur forte et un calme pesant. Baptiste ne pouvait pas s'empêcher de regarder derrière lui, comme si la créature les suivait depuis le début, jouant avec leur patience et leur santé mentale.

Mais il n'y avait absolument rien. Ils semblaient être seuls, perdus dans les égouts de Pilikili.

Le groupe prit un maigre pont qui menait à l'autre côté de ce courant d'eau puant. Baptiste passa son doigt sous ses narines et les frotta énergétiquement, essayant vainement de retenir un éternuement. Comprenant vite que tout cela était inutile, il tourna vivement la tête et éternua, de la fumée incandescente s'expulsa de son nez. Justine et Mathys avaient tourné le regard au bon moment, admirant alors l'Empereur des dragons comme s'il était une bête de foire.

Le chasseur étouffa un rire.

— Super, ton pouvoir.

— Avoue tu veux le même, rétorqua Baptiste après un reniflement discret. Il y a trop de poussière ici, c'est invivable.

Ils continuèrent de progresser, Justine en tête. Seulement cette si faible sphère de feu arrivait à briser les ténèbres qui les enveloppaient, rideaux sombres, paralysants, aveuglants. Le froid et l'humidité les faisaient frissonner, l'air frais manquait cruellement à l'Empereur des dragons. À chaque fois qu'il respirait à pleins poumons, l'odeur nauséabonde des déchets l'agressait et la poussière effleurait ses narines.

Ils décidèrent de tourner à leur gauche... mais ils s'arrêtèrent brusquement, les yeux écartés par la stupeur, mais aussi par l'horreur naissante. Le chemin qu'ils voulaient emprunter était obstrué par des centaines de milliers de fils blancs et collants, formant quelques fois des toiles gigantesques, pendant au plafond et sur les murs. Le groupe se regarda, Justine ravala sa salive.

— Je présume que nous n'avons pas le choix, lança cette dernière d'une voix tremblante.

Mathys lui répondit d'un simple hochement de tête. Il emboîta le pas, la sorcière et l'Empereur des dragons le suivirent entre les fils et toiles gluants qui pendaient à quelques centimètres du sol.

Ils détestaient cet endroit, mais cet Enfer blanc voulait qu'ils restent ici pour l'éternité : ce fut souvent que Baptiste se retrouva accroché entre les fils collants, se débattant en jurant pour se dégager le plus rapidement possible. En temps normal, Mathys et Justine auraient probablement rigolé, mais l'ambiance pesante leur effaça la moindre trace de sourire, sur leur visage.

Un craquement fit tressaillir le chasseur, il regarda à ses pieds : il venait d'écraser quelque chose.

Ses yeux s'écarquillèrent, Mathys recula vivement. Il souffla :

— Oh putain.

— Qu'est-ce qu'il y a ? s'inquiéta la sorcière.

Elle vit ainsi sur quoi le chasseur venait de marcher. Justine étouffa un cri, Baptiste s'approcha à son tour. Son sang se solidifia dans ses veines.

Mathys venait d'écraser un crâne.

Un crâne humain.

Ils restèrent longuement silencieux, les yeux rivés sur ce qu'il restait d'un mortel qu'ils ne connaissaient même pas. Aucun doute, ils étaient bien au cœur de la tanière du monstre !