Untameable

Seul dans la Nuit

 Depuis combien de temps s'était-il aventuré seul, dans la nuit et dans le froid, abandonné de tous et à la proie de n'importe prédateur ? Baptiste l'ignorait.

Une torche à la main, qu'on lui avait gentiment offerte, l'Empereur des dragons avançait sur un chantier en terre battue entouré d'arbres, de lianes et de buissons. Il avait le réflexe de regarder tout autour de lui, et même derrière lui, se figeant à chaque fois qu'une ombre surgissait des ténèbres.

Mais ce n'était que son imagination. Baptiste était seul, parfaitement et entièrement seul.

— Tout va bien, tout va bien, se répéta-t-il à lui-même après s'être arrêté de nouveau, croyant avoir entendu un bruit suspect. Ce n'est rien, juste mon imagination. Il n'y a personne. Personne...

Son cœur battait bien trop rapidement. Il continuait de marcher, toujours autant aux aguets. Le baiser de l'air le fit frissonner comme un médiocre humain, car il en était toujours un, coincé dans ce corps qui n'était pas le sien. Baptiste serra les dents.

— Reprends-toi, Baptiste ! Tu es l'Empereur des dragons, pas n'importe qui ! Ce n'est pas t'aventurer dans une forêt qui doit grouiller d'animaux féroces, en pleine nuit, qui va t'effrayer, hein ?

Parlait-il avec lui-même pour ne pas souffrir de la solitude qui l'accompagnait jusqu'au Serpent de Diamant ? Même lui ne le savait pas. Baptiste leva le regard : il ne pouvait même pas admirer les étoiles, cachées par ce plafond de feuilles. Il jura.

Seuls le bruit de ses pas brisait le silence qui noyait le labyrinthe sylvestre, ainsi que celui des crépitements des flammes qui dansaient au-dessus de sa torche. L'Empereur des dragons errait comme une âme en peine, espérant de tout son cœur qu'il se rapprochait bien de la fameuse cascade.

Aucun membre de la tribu de l'Aube lui avait donné un conseil, une idée du chemin à suivre. Non. Tous étaient restés dans le silence face à ses demandes. Baptiste avait dû alors faire confiance à son instinct et, à présent, il regrettait cruellement son choix. L'Empereur des dragons avait l'impression de tourner en rond, de revenir à chaque fois sur ses pas, qu'il était enfermé dans cette forêt pour toujours.

À un moment, le chemin qu'il empruntait se divisa en deux : une partie partait à gauche, l'autre à droite. Baptiste prit au moins deux longues minutes à se décider de quel chemin prendre. Il tourna alors à droite, ignorant si cela était une bonne chose ou non.

Quelle heure était-il ? Il n'en savait rien. L'idée de fermer les yeux, de les rouvrir et de réaliser que les vingt-quatre heures s'étaient écoulées lui procurait une peur irrationnelle. Baptiste se disait toujours que c'était impossible, que le temps ne pouvait pas lui faire ça. Mais il redoutait la venue du matin et la victoire du Soleil, étrangement.

— Quel Enfer, marmonna l'Empereur des dragons. Pourquoi n'ai-je pas préféré tout brûler sur place, à la place de les servir ? Quel idiot je fais, parfois...

Il regarda derrière lui. Baptiste eut l'espoir de voir ses compagnons derrière lui, mais ce n'était qu'un vulgaire désir irréalisable. S'il était là, à s'égarer dans cet océan d'arbres, c'était parce que ses amis n'avaient plus beaucoup de temps. L'Empereur des dragons réalisa alors qu'ils lui manquaient cruellement.

Pourquoi ne voyait-il plus la malice et la douceur qu'incarnaient le visage de Justine ? Comment se faisait-il qu'il n'entendait plus les remarques agaçantes de Mathys ? Est-ce que le langage grossier de Morgane allait-il casser le silence nocturne de la forêt ? Où étaient les manières royales de Kim ?

Pourquoi ne pouvaient-ils pas être avec lui, cette nuit-là ?

Puis Baptiste se rappela que, s'il était là, c'était pour eux.