Son corps, dans son intégralité, était endolori. Baptiste lâcha un grognement sourd avant de battre des paupières.
La lumière provenant de torches, tout autour de lui, l'aveugla violemment, il grimaça en plissant les yeux. L'Empereur des dragons comprit alors qu'il était assis sur quelque chose de dur, un bloc de roche poli à la perfection.
Ses bras et sa queue écailleuse étaient ligotés ensemble, derrière son dos. Sa gorge était horriblement sèche, Baptiste toussa avant d'articuler :
— Qu'est-ce qui s'est passé... ? Où suis-je ?
Soudain, ses yeux s'écarquillèrent. Devant lui, aux pieds d'un escalier qui menait au bloc de pierre où il était assis, des centaines de personnes étaient agenouillées, la tête baissée et parfaitement silencieuses. Baptiste en resta bouche bée. Une voix l'appela, il leva les yeux et tourna la tête.
Sa surprise se transforma vite en terreur.
— Eh oh ! tonitrua Justine, suspendue dans les airs et la tête en bas. Baptiste ! Aide-nous !
Elle bougeait ses bras dans tous les sens pour attirer son attention. Mathys ne disait rien, les bras croisés, le regard meurtrier et, lui aussi, la tête à l'envers. Morgane était toujours aussi inconsciente, tout comme Kim... mais le prince de Vodaska s'agitait violemment dans son sommeil, comme s'il se débattait, il marmonnait des paroles incompréhensibles aux oreilles de l'Empereur des dragons. Tous les quatre étaient à quelques mètres du sol, à sa gauche, soutenus par des cordes qui étreignaient leurs chevilles. Impossible pour eux de se délivrer seuls...
Baptiste fronça les sourcils, sentant la frustration et la colère prêtes à exploser d'une minute à l'autre, elles brûlaient dans les abysses de son âme. Il ne fit même pas attention que le crépuscule enflammait le ciel, que les nuages avaient été chassés du monde céleste, comme des démons qu'on bannirait du Paradis. L'Empereur des dragons commença à forcer sur les cordes qui le retenaient prisonnier, mais elles brûlèrent férocement sa peau de mortel au niveau des avant-bras. Il comprit vite qu'essayer de se sortir de là était impossible.
Puis une mortelle s'avança vers lui, d'un pas déterminé et inébranlable. Elle était suivie d'un jeune homme, ils devaient avoir le même âge, plus grand qu'elle d'au moins quatre ou cinq centimètres. Tous les deux montèrent les escaliers qui menaient à Baptiste, ils s'arrêtèrent pile devant l'Empereur des dragons. Il leur lança un regard plein de haine, il dut se mordre la langue pour ne pas leur ordonner de les relâcher tout de suite... ou pour ne pas les carboniser sur place.
Ils s'inclinèrent en signe de respect, la mortelle fut la première à se redresser.
— Je me nomme Laureline, ô Envoyé du Ciel ! Je suis la chef de la Tribu de l'Aube.
Baptiste haussa un sourcil. « Envoyé du Ciel » ? C'était bien la première fois qu'on l'appelait de cette manière !
Cette fameuse Laureline le regarda de ses yeux marron, en amande. Ses longs et lisses cheveux noirs pendaient derrière son dos. Sa peau pâle était recouverte de cicatrices sur ses jambes ainsi que sur ses bras, des bouts de tissus de couleur grise lui recouvraient la poitrine et le bas du ventre, jusqu'au milieu des cuisses. La jeune mortelle tenait aussi une lance dans sa main droite. Elle désigna le garçon à ses côtés, de son autre main :
— Je vous présente Mathieu, le sous-chef de la Tribu de l'Aube. C'est lui qui vous a arraché des mains de ces ignobles personnes.
Elle parlait de ses compagnons ! Les dents de l'Empereur des dragons s'entrechoquèrent avec une rare violence. L'humain en question hocha lourdement la tête pour approuver les propos de Laureline. Il avait des cheveux sombres et courts, ainsi qu'une peau bien moins blanchâtre que celle de la jeune chef. Seul un pagne marron l'habillait et recouvrait son entrejambe. Baptiste les regarda, un par un, avant d'inspirer lentement afin de garder sa sérénité.
— Que me voulez-vous, simples mortels ? demanda-t-il d'une voix calme. Si c'est notre présence qui vous dérange tant, soit, délivrez-nous et nous partirons sur-le-champ.
— Votre présence, nous déranger ? s'offusqua la chef. Que les Dieux nous châtient si l'un des miens le pense ! Comment, ô grand Envoyé du Ciel, Chasseur de Nuages, pourrions-nous être embarrassés de votre venue si... attendue ?
Cette fois-ci, c'était officiel : Baptiste ne comprenait absolument pas un mot à ce qu'elle disait.
— Euh... écoutez, balbutia l'Empereur des dragons, cela est fort aimable de votre part, mais...
— BAPTISTE ! hurla Mathys. ARRÊTE TES HISTOIRES ET SORS-NOUS DE LÀ !
Un silence pesant s'installa, entre l'Empereur des dragons, les membres de la Tribu de l'Aube et ses compagnons détenus prisonniers. Les yeux de Laureline s'écartèrent, elle ouvrit la bouche mais aucun son ne sortit. Baptiste crut que la jeune mortelle allait s'évanouir, d'une seconde à l'autre.
— Baptiste... ? répéta-t-elle, d'une voix lointaine. Comme...
— Comme l'Empereur des dragons, oui. Car je suis l'Empereur des dragons en personne.
Devant le choc et l'incompréhension qui tiraient les traits du visage de Laureline, Baptiste s'empressa de rajouter d'une voix posée, tout en souriant chaleureusement :
— Et si vous ne les délivrez pas sur-le-champ, vous pourrez dire adieu à votre tribu. Je prendrai un malin à tout brûler sur mon passage.
La chef de la Tribu de l'Aube se renfrogna. Elle rétorqua d'un ton plus dur, comme si être à quelques centimètres d'un dragon ne l'effrayait pas :
— Nous comptions les sacrifier en votre honneur, Baptiste l'Envoyé du Ciel.
— C'est une blague ?!
Il entendit, au loin, un cri de désespoir de la part de Justine. Laureline secoua la tête d'un air formel.
— Leur sang coulera pour célébrer votre venue parmi nous. Mais... avant...
— Avant quoi ? s'emporta Baptiste. Jamais je vous laisserai les tuer pour nourrir mon orgueil !
Il fit, d'une voix bien plus basse et plus sombre :
— Vous me rappelez à quel point je déteste votre espèce.
— Si vous êtes le véritable Baptiste, le véritable Empereur des dragons, déclara Laureline, nous avons... une demande, une requête, que nous vous supplierons d'accepter.
Des murmures s'élevèrent derrière la chef. Elle frappa le sol avec sa lance, le calme revint directement. Baptiste fit un sourire mauvais, les dents toujours aussi serrées de colère.
— Ah oui ? balança-t-il, les yeux brillants de fureur. Pourquoi aiderai-je des personnes qui veulent sacrifier mes amis en croyant que cela me fera plaisir ?
— Car si ce n'est pas nous qui les tuerons, ce sera... ça, répondit Laureline en baissant légèrement le regard.
Un autre silence s'installa pendant un court instant. « Ça » ? Tout cela semblait de plus en plus étrange... il lâcha un soupir d'agacement.
— Écoutez, déclara l'Empereur des dragons. Pourriez-vous m'expliquer ce qui se passe, exactement ? Si je peux faire quelque chose, et que cela peut éviter la mort à mes compagnons, ça serait plutôt... sympathique de votre part, plus ou moins.
Offrir ses services à des minables mortels pour sauver la peau de ses amis... Baptiste était tombé bien bas dans sa propre estime de soi-même. Un maigre sourire se dessina sur le visage de Laureline. Elle leva sa lance haut dans le ciel et ordonna, d'une voix forte :
— Que l'on amène l'Envoyé du Ciel à ma hutte ! Que l'on le détache de ses liens ! Seul lui peut nous faire échapper à la douloureuse mort !
Des humains l'entourèrent, vêtus de ce même pauvre et primitif accoutrement, puis obéirent aux ordres de leur chef sans réfléchir. Bientôt, Baptiste put oublier la souffrance que les cordes lui procuraient, brûlant sa chair de mortel. Il se releva enfin, Laureline et Mathieu descendirent l'escalier, ainsi l'Empereur des dragons fut contraint de les suivre, poussé en avant par les membres de la Tribu de l'Aube.
Il jeta un dernier regard à ses compagnons. Mathys et Justine le regardèrent d'un air déconcerté. La sorcière semblait lui dire quelque chose, mais il ne put l'entendre.
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Untameable
FantasySon nom fait trembler les plus braves, fuir les monstres les plus puissants, horrifie des pays dont il ignore l'existence : faites place à Baptiste, l'Empereur des dragons ! Il est le symbole d'Ydruan, la contrée où il a laissé sa présence pour touj...