Les yeux de Frank s'écarquillèrent quand il se retrouva face aux trois jeunes gens. Le Soleil commençait à peine à chasser les étoiles et leur reine du ciel quand ils firent leur apparition.
— C'est fait, lança Mathys, exténué. Il n'y a plus de monstre.
L'homme resta muet de stupeur, bouche bée. Baptiste lutta pour garder les yeux ouverts pendant que Justine s'appuyait sur son long bâton pour ne pas chuter en avant. Ses jambes engourdies n'arrivaient plus à soutenir tout le reste de son corps. Tout cela les avait épuisés et l'Empereur des dragons se demandait comment faisait-il pour encore tenir debout.
Frank ne sut pas quoi dire face à cela. Son regard devint soudainement plus brillant, la brasier de la vie venait de reprendre son éclat, à l'aide des étincelles du soulagement. Mathys, sans lui demander son avis, commença à lui raconter ce qu'ils avaient traversé, entre leur visite dans les égouts et leur rencontre avec cette araignée géante, coupable de ces massacres.
L'homme se leva soudainement et descendit les escaliers, avec des pas maladroits et un corps tremblant de la tête aux pieds, toujours la bouche grande ouverte de stupéfaction. Frank se plaça devant Mathys, qui semblait parfaitement indifférent, un large sourire se dessina sur son visage.
— Mathys, tu nous as tous sauvé la vie, celles des villageois et la mienne. Je ne sais comment te remercier, sans toi... tout serait terminé. Merci infiniment.
— Remerciez aussi mes équipiers, rétorqua le chasseur en lançant un regard vers Justine et Baptiste. Je n'y serais pas arrivé sans eux.
Frank s'inclina en signe de respect, tout en remerciant de tout son cœur l'Empereur des dragons et la sorcière. Il lui répondit en marmonnant quelque chose, trop fatigué pour parler, et Justine, elle, hocha lentement la tête en souriant légèrement.
— Bref, fit Mathys en croisant les bras, tu sais quoi faire en échange, hein ?
— Quand voulez-vous partir, exactement ? demanda l'homme, sachant très bien de quoi il parlait.
— Demain. À l'aube.
— Vous resterez dans mon manoir jusqu'à demain, alors.
— Ouais, termina le chasseur en s'étirant, après un bâillement, on est tous crevés. On n'en peut plus.
Frank leur fit signe de le suivre. Entre deux piliers de marbre, il ouvrit une grande porte et ils s'engouffrèrent tous dans un autre couloir. L'homme leur désigna une chambre pour chacun avant de les laisser en les saluant. Baptiste rentra dans sa chambre et ne prit même pas le temps de se déshabiller : il se laissa tomber sur ce grand lit au drap doux comme du velours, à bout de forces.
Ce fut bien la première fois où il arriva à s'endormir aussi rapidement.
L'Empereur des dragons s'étira, levant ses bras comme s'il voulait attraper les nuages. Il jeta un regard vers la charrette qui allait les amener à Vodaska, Justine, Mathys et lui.
Le chasseur parlait avec Frank pendant que la sorcière attendait patiemment, déjà l'intérieur de la charrette. Deux chevaux blancs attendaient sagement le signe de départ, des hommes s'occupaient à charger la carriole, pendant que Baptiste observait tout cela, assis sur une caisse en bois, son couteau en main. Il leva les yeux au ciel : le monde céleste avait pris une teinte rosée, quelques cumulus se poursuivaient gaiement.
— J'aimerais vous remercier d'avantage, lança l'homme au chasseur, vous méritez beaucoup plus pour nous avoir sauvé la vie à tous.
— C'était donnant-donnant, répondit Mathys. Tu ne sais pas à quel point je suis reconnaissant que tu aies accepté de nous aider à atteindre Vodaska plus rapidement. Sans toi, on aurait dû marcher pendant longtemps.
Un homme leur annonça que tout était prêt, qu'ils allaient partir d'une minute à l'autre. La sorcière surgit de l'arrière de la charrette pour faire ses adieux à Frank. L'Empereur des dragons s'approcha vers ses compagnons et l'homme, à son tour.
Il serra la main du chasseur avant de leur souhaiter un bon voyage à tous. Toute la crainte, dans les yeux de Frank, s'était volatilisée pour toujours. Baptiste avait l'impression de ne pas faire face au même homme qu'ils avaient rencontré, lors de cette angoissante nuit.
Puis ils embarquèrent dans la charrette, s'asseyant entre les tonneaux et les caisses. Un cocher allait s'occuper de diriger la carriole tirée par les chevaux durant tout le voyage, ce qui les arrangeait énormément, étant donné qu'aucun des trois ne savait s'occuper de ces bêtes, ni même conduire cet engin.
Ils sentirent les roues de bois roulaient sur les dalles de Pilikili. Justine laissa échapper un soupir de soulagement.
— Vodaska, nous voilà, souffla-t-elle.
— On fera quoi après, là-bas ? voulut savoir le chasseur.
— Nous prendrons le bateau.
— Le bateau ?! Mais aucun de nous ne sait manier un engin pareil ! Ni en possède un, d'ailleurs !
— Ne t'inquiète pas, Mathys. J'ai absolument tout prévu.
Baptiste resta longuement silencieux, se perdant dans les abysses de ses pensées.
Sa vie d'auparavant lui manquait. Voler dans les airs lui manquait. Ses longues griffes aiguisées lui manquaient. Cracher des colonnes de feu lui manquait. La plaine Draconique lui manquait. L'Empereur des dragons sentit un léger pincement au cœur, mais il fit mine de rien.
Dans combien de temps allait-il enfin retrouver les siens ?
Puis une question sans réponse chatouilla sa curiosité, il leva son regard vers Justine. Cette dernière discutait toujours avec le chasseur, mais Baptiste ignorait de quoi ils parlaient. L'Empereur des dragons questionna alors :
— Justine, ça veut dire quoi, « para » ?
Un silence s'installa entre eux, la sorcière tourna son regard vers lui. Baptiste remarqua rapidement que Justine se retenait de rire.
— Pourquoi c'est si drôle, ce nom ? insista-t-il. Ça veut dire quoi ?
— Euh, balbutia-t-elle, en souriant niaisement, comment dire...
— Bah vas-y, c'est bon. Je me coucherai moins bête.
— Para, en ancien langage, signifie « idiot ».
Cette fois-ci, la sorcière n'arriva pas à contenir son rire. Justine rit en tapant faiblement du pied, Mathys arbora un sourire amusé en entendant cela et Baptiste resta le plus impassible possible.
Avant de sourire à son tour et de rétorquer :
— Eh bah, ça me correspond bien alors, je présume.
— Tu assumes ta stupidité, rappliqua le chasseur, c'est bien.
— Assumer ces défauts ne serait-ce pas une forme d'intelligence ?
— Tu vas trop loin pour moi, là.
— J'aurais pensé que tu allais me blâmer pour t'avoir surnommé comme ça, avoua la sorcière après un léger rire.
Baptiste haussa les épaules.
— Les paroles d'une ridicule et simple mortelle comme toi n'arriveront jamais à offenser mon ego.
— « Ridicule et simple », tu es sûre de ce que tu dis ? fit cette dernière en levant un sourcil.
— Roh, ça va. Je rigole.
Ce fut ainsi qu'ils discutèrent ensemble durant toute la durée du voyage, entre rires et conversations plus sérieuses.
L'Empereur des dragons avait l'impression de se rapprocher de son but... mais une petite voix, au fond de lui, lui soufflait qu'ils s'apprêtaient seulement à s'aventurer dans des eaux troubles.
Aucun d'entre eux ne vit le temps s'écouler. Lorsque Justine avait jeté un coup d'œil derrière le rideau de la charrette, elle s'était retrouvée face à un ciel orangé par la défaite du Soleil.
VOUS LISEZ
Untameable
FantasySon nom fait trembler les plus braves, fuir les monstres les plus puissants, horrifie des pays dont il ignore l'existence : faites place à Baptiste, l'Empereur des dragons ! Il est le symbole d'Ydruan, la contrée où il a laissé sa présence pour touj...