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Peu fiers d'avoir sacrifié leur sommeil, Lafarge et les Fontana père et fille avaient œuvré toute la nuit. Les investigations qu'ils menaient ne devaient pas sortir du bureau. Ils passaient au peigne fin la vie de chacun des flics du 36, y compris ceux qui y avaient travaillé au moment où toute l'affaire avait commencé.
Il n'y avait rien à signaler jusqu'ici. En rayant un nom supplémentaire sur une liste soigneusement dressée, Jordan soupira.

— J'espère que vous êtes sûrs de ce que l'on fait, marmonna-t-elle.

— Crois-moi, j'ai eu suffisamment de temps pour être certain que l'on cherche au bon endroit, répliqua Philippe sans décrocher le regard d'un procès-verbal.

— Qui est-ce que tu n'as pas encore investigué ? Histoire de gagner du temps, parce que j'imagine que tu n'as rien appris de plus.

— On ne sait jamais, j'ai pu rater quelque chose.

Installé au bureau de l'adjoint de sa fille, l'ancien chef de la brigade criminelle referma un dossier pour en rouvrir un autre. Jordan lui lança un regard excédé qu'il remarqua du coin de l'œil. Il la fixa tandis qu'elle le défiait de ses yeux fatigués. Philippe laissa le dossier tomber sur le bureau, puis il prit une grande inspiration.

— Bon, crevons l'abcès une fois pour toute, shall we ?

Lafarge, assis sur le coin du bureau de Claude, se sentit soudain mal à l'aise.

— Je vais faire un tour, dit-il en se relevant, je reviens dans... je ne sais pas. Bref, prenez votre temps.

D'un pas véloce, il s'éclipsa. Les Fontana se retrouvèrent alors seuls dans la pièce. Jordan ne prononça pas un mot.

— Tu peux vider ton sac, l'encouragea son père. Tu as beaucoup de choses qui pèsent sur tes épaules, je le sais.

— Je ne saurais par où commencer, rétorqua la trentenaire d'un ton sarcastique. Plus rien n'a de sens, là.

Elle porta sa tasse de café à ses lèvres et avala une gorgée. Philippe continuait de la fixer.

— Il faut que tu saches qu'il n'y a pas un jour où je ne pensais pas à vous ces dernières années, confia-t-il d'une voix douce. Je suis conscient de vous avoir fait beaucoup de mal en prenant une telle décision, mais je l'ai fait pour une bonne raison, crois-moi. Quand tout sera fini, je serai là de nouveau.

— Ah ouais, et comment ? On a dû s'habituer à vivre sans toi, on fait avec, maintenant. Tu ne peux pas revenir comme une fleur. Pour tout le monde, tu es mort, imagine ne serait-ce qu'une seconde le choc que ça va faire à Maman ? Elle a été complètement cassée ce jour-là, il lui a fallu beaucoup de temps pour remonter la pente. Et même si elle est forte, elle reste fragile.

— Je sais, je me doute.

— Il y a énormément de choses que je peux pardonner, mais celle-là, je ne suis pas encore sûre. Laisse-moi juste du temps. Du temps pour m'habituer. En toute honnêteté, je suis prête à faire des efforts, mais ce n'est pas facile.

— Prends le temps qu'il te faut. Ce sera pareil pour ta sœur et tes frères. Et ta mère...

Jordan expira longuement. Elle engloutit la fin de son café qui avait fini par devenir tiède.

— Si tu t'es permis de sortir de chez Dominique pour venir jusqu'ici, c'est parce que tu es sûr qu'on est proche de la fin ?

— Presque. Je suis convaincu que la clé se trouve dans cette pièce, sous nos yeux. (Philippe marqua une longue pause) Tes hommes, tu en penses quoi ?

— Je leur fais confiance à cent pour cent. Oublie.

— On ne doit exclure personne, Jo. Si tu veux, je peux fouiner moi-même.

TOME 1 : LE SANG DES ROSESOù les histoires vivent. Découvrez maintenant