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La brigade criminelle était plus que jamais aux aguets. Si les investigations n'avaient connu aucune avancée notable depuis une semaine, la charge de travail quant à elle n'avait pas changé des moindres. Au contraire, elle avait triplé. Le vendredi de la semaine précédente, Arthur Santini, en accord avec la juge d'instruction et le Procureur, avait requis la diffusion de la photographie vieillie de Michael Anderson dans les médias. Journaux, télévision, réseaux sociaux, tous relayaient désormais l'information concernant les crimes perpétrés par le tueur des bords de Seine—ainsi fut-il nommé par la presse et l'opinion publique, en raison de la localisation des endroits où avaient été retrouvées les victimes. Dès lors, les téléphones de la PJ ne cessaient de sonner : tout le monde avait vu le tueur partout et nulle part, certains l'auraient vu à Paris même, d'autres en banlieue ou encore en province. Les policiers de la Crim' ne savaient plus où donner de la tête, surtout qu'ils ne voulaient pas décevoir le commissaire Amaury Favier, le nouveau chef de section arrivé ce lundi. Il remplaçait Dominique Lafarge qui avait hérité de la place de Pascal Deslandes, nouvellement nommé commissaire divisionnaire, qui avait pris la tête de la brigade de répression du proxénétisme.

C'était la psychose à Paris depuis l'annonce de l'existence d'un tueur en série qui rôdait dans la capitale : plus aucune étudiante n'osait sortir seule, la population s'abstenait de tout déplacement nocturne inutile. Les fonctionnaires du 36 avaient pleinement anticipé ce type de réaction de la part des Parisiens. Ils avaient pesé le pour et le contre, et les chefs avaient finalement décidé d'informer la presse, dans le but de protéger les habitants.
L'assassin n'avait pas donné signe de vie depuis le 24 novembre, date à laquelle avait été retrouvé le corps sans vie d'Alicia Lacheret, la quatrième victime, dans son studio situé dans le 5ᵉ arrondissement. La Crim' touchait du bois, personne ne supporterait un cinquième cadavre.

Les neuf groupes de droit commun, actuellement tous mobilisés dans le cadre de l'affaire du tueur des bords de Seine, ne s'accordaient pas une minute de répit. Les flics étaient pendus à leurs téléphones, faisaient mille et un allers-retours entre leurs bureaux et leurs panneaux sur lesquels des listes infinies de noms, de lieux, de numéros de téléphones et autres étaient accrochées. Les lignes étaient barrées au fur et à mesure, mais quelques milliers subsistaient encore. Pendant que certains policiers étaient assignés à cette tâche qui leur était particulièrement pénible, d'autres effectuaient des patrouilles pédestres en binôme, photos de Moreau et Anderson en main, et interrogeaient commerçants et passants, et d'autres encore tournaient en voiture. Tous les groupes de la brigade criminelle avaient lâché leurs dossiers en cours pour se consacrer à celui-là.

Au grand dam de Lafarge, l'affaire n'avait pas été élucidée avant l'arrivée d'Amaury Favier. Le nouveau chef de section avait été mis au courant de la situation, de leur suspect potentiel et des avancées des investigations. Le commissaire de trente-sept ans n'avait pas encore partagé son avis sur cette enquête. Certains le soupçonnaient de vouloir repartir aussi vite qu'il était arrivé.
Le capitaine Nicolas Mercier, accompagné de l'agent spécial Robin Fontana, patrouillait à pied. Le lieutenant Lisa Haussmann faisait équipe avec son parrain, le capitaine Claude Beauchamp, tandis que l'expert en informatique du groupe, le lieutenant Éric Belmont, était resté au 36 et passait au crible l'ordinateur d'Agnès que les enquêteurs avaient pu récupérer, avec la note rédigée par la BEFTI et relative au contenu de l'appareil.

Valentin Moreau, lieutenant de police au 2ᵉ DPJ, avait mystérieusement disparu des radars depuis une semaine. Le travail acharné de Mercier avait payé. Épaulé par Éric, il était parvenu à retrouver le propriétaire du numéro qui appelait régulièrement Agnès Castelli. L'étonnement général avait fini par céder sa place à l'incompréhension, et personne ne voyait de lien avec le lieutenant Moreau.

TOME 1 : LE SANG DES ROSESOù les histoires vivent. Découvrez maintenant