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Le bureau du groupe Rimbault empestait tellement le café que le bois du mobilier avait immanquablement été imprégné de son odeur. La machine n'avait jamais autant été sollicitée. L'arabica permettait aux enquêteurs de rester éveillés et concentrés, ce qui n'était pas mince affaire, sachant que les fonctionnaires du 302 n'avaient pas eu de rendez-vous avec le sommeil depuis plusieurs semaines. Ils passaient leurs journées et leurs nuits au bureau, et les prochains jours n'allaient pas les épargner non plus. Les instructions de Santini avaient été claires, nettes et précises : « Tout le monde sur le pont ce week-end. » À cette annonce, Rimbault, qui avait prévu de passer du temps avec sa fille de dix-neuf ans, n'avait pas pris la peine de masquer son amertume. Son adjoint, Legendre, et le quatrième de groupe, le major Voiton, préparaient mentalement leur discours d'excuse pour leurs épouses. Couttier ne s'était pas rendu à la messe depuis des lustres, sa petite famille y allait sans lui. Le réfrigérateur de Laurène Douvier ne se remplirait pas de sitôt et Vanpevenage avait dû annuler ses prochains rendez-vous avec amis et copine.

Près de deux semaines après la découverte du corps de Laura Delcourt, les médias ne s'étaient toujours pas désintéressés de l'affaire. Dans leur malheur, les enquêteurs de la brigade criminelle se réjouissaient de constater que les assassinats de Pauline Eyraud et de Manon Ducret ne faisaient pas les gros titres. Cependant, le tueur était malin et les policiers craignaient qu'il ne contactât lui-même les journaux locaux pour leur livrer les détails abjects de ses propres forfaits.
Stéphane Rimbault, comme tout autre flic digne de ce nom, n'affectionnait guère les affaires de criminels en série. Il repensa notamment aux cas Guy Georges, Thierry Paulin, Mamadou Traoré ou encore celui de Patrick Trémeau, le violeur des parkings. Il avait enquêté sur ces différents dossiers et il n'en gardait pas de bons souvenirs. Il avait beau n'avoir « que » quarante-cinq ans, ses collègues parlaient régulièrement de lui comme s'il en avait soixante et qu'il avait tout vu, tout fait. Si quelqu'un lui demandait de se rappeler telle ou telle affaire, il le faisait sans problème.

— Ça pue le café, ici, maugréa la voix du chef de section dont l'arrivée inopinée avait perturbé l'ambiance de travail. C'est pire que chez les « Fontana », il ne vous arrive jamais d'ouvrir votre fenêtre ?

Le commissaire Lafarge fit irruption dans la pièce. Le chevalet de conférence, au centre, attira immédiatement son attention. La page auparavant blanche avait été noircie d'indices récoltés concernant le dossier Ducret. Le tableau blanc, en face de la porte et près du bureau du lieutenant Douvier, avait déjà été pris d'assaut par les pistes et éléments relatifs à l'affaire Caroline Darvois. L'équipe Rimbault était sur tous les fronts.

— On caille, rouspéta Legendre. On ne va pas ouv–

Il n'eut pas le temps d'achever sa phrase, son chef ouvrit à cet instant la fenêtre qui se situait près de leurs bureaux.

— Je suis venu vous prévenir que le groupe Blanchard est rentré, reprit Lafarge. On va les mettre au parfum dans dix minutes, alors ne vous étonnez pas de les voir débarquer dans votre bureau à l'improviste pour x ou y raison.

— Comme vous le faites si souvent, fit remarquer Voiton sans quitter les fadettes de Manon des yeux.

Ses quatre collègues réprimèrent leur rire. Le commissaire roula des yeux et quitta la pièce.

— Incroyable, ce Lafarge...


Le lieutenant Lisa Haussmann grimpa le petit escalier du séchoir pour déboucher sur les toits. Elle y trouva Robin Fontana, assis, en train d'admirer la vue spectaculaire qui s'offrait à lui. La numéro six ne bougea pas d'un millimètre et, silencieusement, alterna son regard entre l'horizon et l'Américain.

— Paris est belle, dit ce dernier, ce qui fit soubresauter Lisa.

Il se tourna légèrement vers elle et, d'un signe de tête, l'invita à le rejoindre. Elle s'exécuta d'un pas hésitant et vint s'asseoir près de lui.

TOME 1 : LE SANG DES ROSESOù les histoires vivent. Découvrez maintenant