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Montres et pendules indiquaient toutes 8 h 10. En cette nouvelle matinée qui s'annonçait aussi froide que les précédentes, le commissaire Dominique Lafarge s'était déjà invité dans le bureau du groupe Fontana. Les six officiers avaient tous leur tasse de café en main et attendaient avec impatience que leur supérieur leur dise enfin ce qu'il devait leur annoncer.

— Bon, je vous épargne un suspense écrasant, je vous informe que je ne serai plus votre chef de section d'ici le mois prochain.

— Hein ? s'exclama Nicolas avec son accent du Nord qu'il n'avait pu contrôler.

— Vous plaisantez ? dit à son tour Claude après avoir ingurgité une gorgée de café.

— On a trois cadavres sur les bras, on n'a toujours pas arrêté le tueur et vous partez ? s'offusqua Jordan.

Lafarge calma les troupes d'un signe de main. Il s'était effectivement préparé à une telle agitation de la part des fonctionnaires du groupe.

— Zen. Je ne change pas de service, seulement de bureau : je prends la place de Deslandes qui, lui, va prendre les rênes de la brigade de répression du proxénétisme.

— Il passe divis' ? questionna le procédurier.

— Oui, bien entendu. On lui a proposé un poste qu'il convoitait depuis des lustres, alors vous pensez bien qu'il n'a pas décliné l'offre.

— Et vous, il ne vous intéressait pas, ce poste ? Vous feriez un excellent « grand patron », Commissaire, glissa subtilement Mercier. On sait qu'au fond, vous aussi, vous attendez de prendre la tête d'une brigade.

Le chef de section soupira.

— À vrai dire, Pascal voulait cette place depuis longtemps, bien plus que moi. C'est un ambitieux, il l'a toujours été. (Il rit jaune) Il n'a pas tellement changé depuis l'école des commissaires. Et moi, de mon côté, je ne me vois pas encore quitter la Criminelle.

— Pourquoi donc ? demanda Jordan.

— J'ai cinquante-sept balais, je suis passé par la BRB, la BPM, les Stups, et je dois dire que je ne me suis jamais senti aussi bien qu'à la Crim'. Si je dois terminer ma carrière ici, eh bien soit. S'il y a un poste que je devais accepter bien gracieusement, ce serait à la DCPJ¹ mais pour l'instant, aucun n'est disponible.

— Vous vous rendez compte que Deslandes n'a même pas quarante ans et qu'il passe divisionnaire avant vous, fit remarquer Nicolas.

— Et alors ? Pour ma défense, je te rappelle que j'ai effectué la moitié de ma carrière comme officier. J'ai été à votre place, figurez-vous. Je ne suis entré à Saint-Cyr-au-Mont-d'Or qu'à quarante ans alors que lui n'en avait que vingt-cinq.

Le deuxième de groupe ne dit plus rien.

— Bon, tout ça pour vous dire que je ne serai pas bien loin si jamais vous avez besoin de moi, reprit Lafarge.

— Qui vous remplace, au fait ? intervint sitôt Éric qui sortit enfin de son mutisme.

— Le commissaire Favier.

— Favier ? Amaury Favier ? s'assura Gilbert.

— Lui-même. Pour ceux qui ne le connaissent pas, Favier n'est pas inconnu au bataillon, je vous résume brièvement son pedigree : trois ans à la BPM, cinq à la Crim' avant qu'il n'intègre l'école des commissaires et là, il est en poste au 3ᵉ DPJ où il est chef-adjoint depuis deux ans. Vous verrez, c'est un type du même âge que Deslandes, flic aux bons états de service, bonne réputation. En tant qu'officier, c'était un gars plutôt discret, mais évitez tout de même de vous faire remarquer au début, on ne sait pas à quoi s'en tenir, maintenant qu'il fait partie du CCD².

TOME 1 : LE SANG DES ROSESOù les histoires vivent. Découvrez maintenant