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Les yeux fatigués de Jordan Fontana admiraient la magnificence de Paris, depuis les toits vert-de-gris de la PJ. Il lui arrivait de regretter Washington, D.C., de temps en temps. Elle repensa à ce qu'elle avait dit à son cousin une semaine plus tôt : son désir de retourner aux États-Unis. Avait-elle déclaré cela sur un simple coup de tête ? En tout cas, Robin le croyait. Toutefois, il savait que Jordan parlait rarement sans réfléchir. L'ex-agent du FBI profita de sa pause pour remettre cette décision en question. Et maintenant, Alexandre était revenu dans sa vie et il y avait longtemps qu'elle ne s'était pas sentit si bien même si, récemment, le ciel lui était tombé sur la tête.

Ses pensées et interrogations furent soudain interrompues par l'arrivée de son adjoint qui vint s'asseoir à côté d'elle, un gobelet de café dans chaque main.

— Ça va ? lui demanda-t-il. Tiens, je t'en ai pris un, je me suis dit que t'en aurais besoin.

— Merci, c'est gentil, je n'en ai pas pris un seul depuis ce matin.

Le commandant Fontana avala aussitôt une gorgée de café, sans détourner son regard.

— J'ai l'impression que t'es au bord du burnout, reprit Nicolas. T'arrives à dormir, en ce moment ?

— Je ne dors pas beaucoup, ces temps-ci. Je reste bosser au bureau une nuit sur deux.

Le Maubeugeois secoua la tête et força un rire. Après avoir ingurgité une gorgée de café, sa collègue tourna les yeux vers lui.

— J'ai dit quelque chose de drôle ?

— Non, non. Mais ton manque de sommeil est juste... flagrant, en fait. T'as des cernes plus longs que mon bras et visiblement, la caféine n'a plus le moindre effet sur toi tellement tu y es habituée. Je sais que cette affaire te tient à cœur, mais tu devrais lever le pied. Conseil d'ami.

— Ça va...

Jordan observa le fond de son gobelet, désormais vide, comme pour fuir le regard de son adjoint. Peut-être qu'il avait raison. Son organisme ne réagissait plus du tout au café. Elle se mordit nerveusement la lèvre, incapable de reconnaître que son adjoint avait marqué un point.

— Comment ça se passe, avec Alex ? reprit ce dernier.

Sa chef de groupe força un rire.

— Ah, il t'a dit... Écoute, on fait comme on peut. On essaie de trouver un peu de temps pour nous quand c'est possible. Ce n'est pas toujours simple, mais on n'a pas le choix, surtout ces jours-ci.

— Alex m'a dit la même chose. Faites gaffe à ne pas vous faire bouffer par le boulot.

— Hum, ce n'est pas comme si ce n'était pas déjà arrivé la dernière fois... C'est ma faute, je ne peux pas toujours m'empêcher de faire passer mon travail avant tout le reste. J'essaie de changer, mais c'est dur.

— Tu dis n'importe quoi. C'est dur oui, mais Alex sait très bien que ton boulot, c'est ce qui te fait vivre aussi.

Jordan ne répondit pas à son coéquipier et se contenta simplement de contempler le paysage nocturne.

— Ce s'rait bien que t'ailles le voir, continua Nicolas, il est encore au bureau. C'est pas un bon jour pour lui.

— Pour moi non plus. Pour personne, en fait.

L'adjoint du commandant Fontana secoua la tête.

— Aujourd'hui, ça fait vingt-cinq ans que son père est mort.

Sa chef de groupe posa tout à coup son regard sur lui.

Holy shit, je ne savais pas.

— Oui, je sais, il m'a dit que tu n'étais pas au courant. C'est pas forcément un sujet tabou, il n'aime juste pas en parler.

TOME 1 : LE SANG DES ROSESOù les histoires vivent. Découvrez maintenant