Valentine, la Volkswagen de Jordan, se gara devant le 16, rue Santos-Dumont. L'ancienne agent du FBI s'empressa de descendre de la voiture et frappa trois coups à la porte de la maison. Elle patienta quelques secondes, et ce fut le commissaire Dominique Lafarge qui ouvrit.
— Jordan ?
— Commissaire... Il est là, je suppose ?
Le chef-adjoint de la brigade criminelle hocha la tête.
— Entre.
La chef de groupe pénétra dans la spacieuse maison et s'essuya les pieds sur le paillasson.
— Au fait, je ne vous dérange pas ?
— Sans façon. Nous nous apprêtions à dîner. (Lafarge se tourna vers Jordan) Et toi, tu as mangé, au moins ?
D'un signe de tête, Jordan lui répondit par la négative, ce qui n'étonna guère son ancien chef de section.
— Évidemment, j'aurais dû m'en douter. Dans ce cas, joins-toi à nous. Je vais demander à Sylvie de rajouter un couvert. Il est à l'étage, dans la chambre juste en face de l'escalier.
Jordan remercia le commissaire de police et monta les escaliers. Elle trouva sans difficulté ladite chambre. Sans aucune raison apparente, un frisson de stress parcourut sa colonne vertébrale. Elle déglutit, fixa la porte coulissante marron, entrouverte. L'Américaine baissa la tête et, d'un geste hésitant, toqua. La porte commença à grincer, puis à s'ouvrir progressivement. Philippe Fontana apparut ; sa fille lui donnerait volontiers le prix de l'apparition la plus inattendue depuis qu'elle connaissait la vérité sur son statut.
— Papa, dit-elle en soutenant le regard de Fontana Senior.
Les yeux de la jeune femme n'exprimaient rien d'autre qu'une froideur évidente. Elle ne décolérait pas et gardait un visage fermé auquel s'ajoutait un regard sombre. Philippe resta de marbre bien que dans le fond, il fût heureux de revoir sa fille. Il était prêt à tout pour regagner sa confiance et arranger leur relation, devenue fragile.
— Bonsoir, Jordan. Je suis content que tu sois venue.
La commandante entra dans la chambre. À l'image du reste de la maison, celle-ci était vaste. Son père était bien installé ; lit double, petite salle de bains, bureau, fauteuil, écran plat, placard aux portes coulissantes, large fenêtre, tout cela réuni dans une seule et même pièce. On pourrait croire qu'il s'agissait d'un studio étudiant.
— Hum... Je vois que tu as une vie plutôt confortable depuis quatre ans, ironisa Jordan.
Elle jeta un œil au bureau boisé, sur lequel étaient dispersés des dizaines de documents. Il ressemblait au sien, au 36.
— Avant que tu ne t'emballes, je préfère te dire que je ne suis pas venue voir comment tu allais, je m'en fous. Il faut que je te parle, c'est tout. De boulot.
— Bien sûr, te connaissant, c'était prévisible.
— Tu es au courant que les Stups sont confrontés à un nouveau cas d'overdose ? enchaîna l'Américaine en conservant son professionnalisme. Il paraît qu'il y a certaines similitudes avec celles sur lesquelles tu bosses toujours.
— Je ne savais pas, répliqua Philippe. Qui t'a dit cela ?
Jordan souffla un rire du nez, en se tripotant les doigts.
— La personne qui apaise mon ouragan de vie et avec qui je suis très heureuse.
Un sourire se dessina sur le visage de l'ancien chef de la brigade criminelle. En dépit de son appréhension, il fit deux pas en avant, réduisant ainsi la distance qui le séparait de sa fille, qui fit craquer les os de ses doigts. Il sentit une certaine nervosité de sa part.
— Ah oui, Alexandre. Dominique m'a dit...
— Je ne suis pas là pour discuter de ma vie privée, le coupa sa fille. Si ça t'intéresse à ce point, il ne fallait pas disparaître dans la nature du jour au lendemain. J'ai juste besoin d'infos, c'est tout.
Il était de plus en plus difficile pour Philippe d'encaisser les piques lancées par Jordan, mais il savait qu'il était responsable de son état d'esprit. Il ne pouvait lui en vouloir. Il préféra passer outre ses sous-entendus.
— Qu'est-ce qu'il t'a dit, pour l'OD ? reprit-il.
— Ils ont retrouvé les mêmes substances qu'en 2012, au domicile de la victime. Un étudiant en commerce. Il a lui aussi des ecchymoses sur les bras.
— Ils ont retrouvé son portable chez lui ?
— Je ne sais pas, j'avoue ne pas avoir pensé à poser la question. En quoi est-ce important ?
— Pour les cas sur lesquels je travaille encore, les téléphones portables des victimes n'avaient pas été retrouvés. C'est pour cela que je te le demande, car ce n'est pas dit non plus que ce décès ait un lien avec ceux de 2012.
— Quand j'en saurai plus, je tâcherai de te le dire.
Jordan fit un pas vers son père.
— Je suis en train de réfléchir à ce qui pourrait se passer, une fois que ton enquête sera terminée. Je ne sais pas comment tu comptes revenir dans la vie de Maman, d'Ellie, de Tom, de Seb et de tous les autres, mais ne t'attends pas à ce qu'on te saute dessus. Maman peut-être, mais tes fils, ne te fais pas d'illusions. Surtout avec Seb. Il a mûri, grandi, il a une vie rangée et stable, alors ne viens pas y foutre la merde.
— Tu y vas un peu fort...
— Je cherche juste à le protéger, c'est tout.
Elle fit demi-tour et se dirigea vers les escaliers. L'ancien commissaire divisionnaire eut cependant le temps de la retenir.
— Quand est-ce que tu reviens ?
La jeune femme s'arrêta net dans sa lancée et se tourna de nouveau vers son père.
— Le commissaire Lafarge m'a invitée à dîner ici.
— Tu as accepté ?
— Je ne pensais pas avoir le choix. Tant que je suis là, profites-en, parce que ce ne sera pas tous les jours comme ça. Ça ne me fait pas plaisir plus que cela d'être ici. Mais au moins, on pourra discuter un peu plus de cette affaire.
Sur ces paroles, elle quitta la chambre et descendit les escaliers pour rejoindre les Lafarge, laissant son père seul avec ses ruminations et regrets.
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TOME 1 : LE SANG DES ROSES
غموض / إثارةEntièrement nue, assise au pied de l'Obélisque de Louxor, telle une marionnette : une gamine de dix-sept ans qui a visiblement subi les pires atrocités qui soient. C'est une boucherie digne de ce nom à laquelle fait face la jeune commandante de poli...