TOME 1 : LE SANG DES ROSES

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L'atelier d'arts plastiques du lundi était le créneau préféré des artistes en herbe de l'École Jeannine-Manuel. La professeure salua ses élèves, qui se hâtèrent vers la sortie. Accompagnée de son petit groupe d'amies, Madelyn longea les couloirs et marcha jusqu'à l'entrée de l'école. Les filles discutaient du week-end qu'elles avaient jugé trop court, tout en se plaignant de la semaine chargée qui les attendait. Elles se préparaient au baccalauréat international qu'elles allaient passer cette année.

Madelyn n'aimait pas les maths. Elle devait ses notes convenables dans cette matière à Oncle Mick, qui se portait toujours volontaire pour lui donner un coup de main. Elle n'avait jamais eu le profil scientifique. Le côté artistique de la jeune fille s'était manifesté très tôt. Elle savait déjà ce qu'elle allait faire après le bac : entrer à l'Université américaine de Paris, étudier l'histoire et prendre une mineure en arts. L'occasion d'allier l'utile à l'agréable.

— Ça vous dit de bosser le devoir de maths ensemble ? proposa l'une de ses amies, Alix, une fois à l'extérieur de l'école. On peut squatter chez moi. À cette heure-ci, mes parents sont encore au travail.

— Pourquoi pas ! s'exclama une autre nommée Diane.

Madelyn n'avait pas pris part à la conversation. Sur le trottoir d'en face, un fantôme du passé avait refait surface et l'observa fixement, l'œil hagard. La jeune lycéenne fut prise d'un frisson, elle se sentit revenir six ans en arrière. Elle déglutit, tandis que ses copines tentaient de la ramener sur terre.

— Mad, ça va ?

Reprenant ses esprits, Madelyn se frotta les yeux et les cligna rapidement.

— Oui, je... Je ne vais pas pouvoir travailler les maths avec vous ce soir, mais on se tient au courant, d'accord ?

Sans attendre de réponse de la part de ses acolytes, elle s'éloigna et traversa la chaussée.

Il n'y eut aucun mot pendant de nombreuses secondes. Le bruit que faisaient écoliers et parents n'atteignait pas les oreilles de Madelyn qui se pinça les lèvres.

— Salut, Maddie. Ça faisait longtemps.

— Six ans. Six ans que tu as arrêté de me rendre visite du jour au lendemain, sans la moindre explication, et aujourd'hui, tu reviens comme une fleur ? C'est pas comme ça que ça fonctionne, Jordan...

En un souffle, Jordan Fontana baissa la tête et se mit à scruter le bitume. Les mains enfouies dans les poches de son manteau, ses ongles vinrent au contact de ses paumes et s'y enfoncèrent dangereusement.

— Et si on allait marcher un peu ? suggéra l'ex-agent du FBI d'une voix douce.

Madelyn hocha la tête et suivit Jordan sans broncher. Elles marchèrent jusqu'au quai de Grenelle. Les nuages cachaient de temps en temps le soleil qui parvenait difficilement à sortir de l'ombre.

— Je n'ai pas été à la hauteur, je le sais, débuta Jordan. J'en suis désolée.

— Si tu n'avais plus envie de me voir, il fallait me le dire. Même si je pense que sur le coup, j'aurais été triste.

— Crois-moi, ça m'a fait mal au cœur, mais on ne m'a pas laissé le choix. J'ai été transférée à Quantico en avril 2010, puis ma hiérarchie m'a interdit de te revoir, c'était trop délicat selon eux.

Un léger vent commença à se lever. Les deux Américaines continuèrent leur marche le long du quai.

— Comment tu m'as retrouvée ? s'enquit alors Madelyn. Et qu'est-ce que tu fais ici, d'ailleurs ? Tu n'es plus au FBI ?

Jordan laissa échapper de ses lèvres un petit soupir.

— Ton oncle est venu me voir. Il voulait me parler.