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Les semaines passaient et se ressemblaient inlassablement. Les nuits à la PJ étaient toujours longues. Une fois n'est pas coutume, Jordan était restée au bureau pour travailler. Le groupe avait beau avoir plusieurs dossiers en cours, les officiers de police ne se consacraient plus qu'à celui du tueur des bords de Seine. Nicolas et Lisa avaient eux aussi répondu présent afin de soutenir leur chef dans ses investigations nocturnes. Éric, que Morphée refusait d'accueillir dans ses bras depuis plusieurs jours, siégeait également derrière son bureau.

Le calme était tel que l'on pourrait croire que l'endroit abandonné. Un silence propice aux rêveries et à la méditation.
Un triste silence de mort.
L'après-midi avait été rude. La justice avait confirmé le non-lieu dans l'affaire du meurtre du commissaire divisionnaire Philippe Fontana. Ce verdict n'avait eu aucun effet ni sur Robin, ni sur Jordan, à l'inverse de Sébastien, Ellie, Thomas, Andréa, et le reste de la famille qui vivait de l'autre côté de l'Atlantique. Cette décision tant attendue était, à leurs yeux, aussi incompréhensible que la loi des gaz parfaits en physique. Robin et Jordan craignaient les éventuelles retombées une fois la vérité dévoilée. Elle était parfois difficile à admettre, cette vérité, encore plus lorsqu'un mensonge en cachait un autre. Ceux qui la détenaient se retrouvaient la plupart du temps coincés.
Le commandant Fontana sortit de ses pensées au moment où elle entendit le Geek se lever et prendre la porte.

— Je reviens, je vais prendre l'air.

Elle patienta quelques minutes avant de quitter le 415, sous le regard curieux de son adjoint. Elle trouva son ripeur assis sur les toits du 36, en train de fumer une cigarette.

— Ça va ? s'assura Jordan en prenant place auprès de lui. Tu peux rentrer, si tu te sens trop fatigué.

— Non, ce n'est pas ça.

— Pourtant, ça n'a pas l'air d'aller. Parle-moi.

Éric se frotta rapidement le visage, comme pour se forcer à rester éveillé. Il était aussi blanc qu'un cachet d'aspirine ; sa chef de groupe se demanda s'il n'était pas malade.

— Je ne comprends pas trop la vie, en ce moment, lui confia son numéro cinq. Il se passe... trop de choses.

— Comment ça ?

Il s'éclaircit la voix, puis reprit :

— Je... Je ne voulais pas t'annoncer ça de cette façon, mais... J'avais postulé à la DGSI. J'ai passé un entretien avec eux l'autre jour, donc j'attends de savoir si ma candidature est retenue.

Jordan resta sans voix. Puis sourit.

— Mais non ? Eh bien ? C'est cool, non ?

Belmont fit la moue et haussa les épaules.

— Oui, bien évidemment, c'est une chance. Mais si je devais partir, j'en serais triste. Ça me ferait quand même mal au cœur de quitter le groupe. Cela dit, rien n'est encore fait. Il y a de la concurrence, et c'est super sélectif...

Uh... Écoute, Éric. Quand une opportunité comme celle-là se présente, il ne faut pas hésiter une seconde. Si tu es pris, on sera vraiment tous contents pour toi. Je suppose que c'est pour la cyberdéfense ?

Le lieutenant hocha la tête.

— Je serais ravie de te voir intégrer la DGSI, continua l'Américaine. C'est une chance, saisis-la. Et puis, si tu te lasses, nos portes te seront toujours ouvertes.

Elle lui sourit ; pareillement, il lui sourit en retour.

— Je me trompe ou il y a autre chose ? reprit Jordan.

La jeune femme commençait à bien connaître son cinquième de groupe. De toute évidence, à ses yeux, quelque chose le tracassait.

— Parle-moi, martela-t-elle. Fais-moi confiance.

TOME 1 : LE SANG DES ROSESOù les histoires vivent. Découvrez maintenant