PROLOGUE

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Wardak, Afghanistan
16 octobre 2008, 14 h 37

Les coups de feu et explosions viennent de cesser, laissant place au calme plat. Un silence de mort qui glacerait le sang de ceux tombés au combat.
Dans le Humvee au sein duquel les rangers Sixty-Six, Falco et Marshall – le chef d'équipe – se sont réfugiés, la tension est palpable malgré cette quiétude amère. Ils inspirent, expirent, se regardent les uns les autres. Ils se demandent où sont passés les propriétaires du véhicule, des soldats du 505ᵉ régiment d'infanterie parachutée, et espèrent que ceux-ci n'ont pas disparu.
Assis à l'arrière, le caporal Sixty-Six ouvre doucement la porte pour inspecter les alentours avec circonspection. Le caporal Falco, à l'avant, le fixe d'un air peu rassuré, tandis que le sergent Marshall, à la place du conducteur, tente de contacter le chef de peloton – ou qui que ce soit d'autre – par radio. La porte du Humvee à présent entièrement ouverte, Sixty-Six pose un pied à l'extérieur mais à cet instant, une explosion se produit. Les coups de feu reprennent de plus belle.

— Ferme cette putain de porte ! braille Falco en tirant le caporal vers l'intérieur.

— Ici Marsh, on se fait sévèrement canarder. On s'est enfermés dans un Humvee. Quelqu'un m'entend ?

Aucune réponse. La communication semble rompue.

— Putain, est-ce que quelqu'un m'entend ?

Les tirs s'intensifient. Les trois militaires observent les nouveaux impacts de balles qui se collent à la carrosserie du Humvee, que Marsh tente de redémarrer, en vain. Les trous se font de plus en plus nombreux.

Please! Y'a quelqu'un ? insiste à son tour Falco en se saisissant de sa radio. Quelqu'un ?

Après un instant, ce dernier fait glisser la fenêtre pour l'ouvrir et vise l'ennemi avec son M4. Il fronce les sourcils et aperçoit au loin, à une centaine de mètres du véhicule, trois silhouettes à terre. Trois soldats américains.

Trois rangers.

— Il y a trois hommes là-bas ! beugle-t-il à l'oreille de son chef d'équipe alors que les balles continuent de virevolter intensément.

— Hein ?

— Trois rangers ! Regarde !

Le sergent Marshall regarde dans la direction indiquée par Falco et constate rapidement que ce dernier a raison. Les trois rangers, sous les balles et les gravats, semblent crier à l'aide.

— Marsh, on doit les sauver, dit Falco. J'y vais !

— T'es tombé sur la tête, bro ?! C'est trop dangereux ! crie le chef d'équipe. On a déjà perdu Simmons, on ne va pas te perdre non plus, no fucking way !!!

De son côté, Sixty-Six ne réagit pas et dévisage le sergent de vingt-sept ans ; Marsh s'interdit de condamner le caporal Falco, de trois ans son cadet, à une mort certaine.

Please, Marsh, laisse-moi y aller ! réitère celui-ci.

Marshall est hésitant. Il jette un coup d'œil rapide aux balles qui se heurtent au Humvee. Puis il finit par hocher la tête, en dépit d'une réticence persistante.

— OK, go. On va te couvrir. Sois prudent.

Roger that.

Falco surveille l'extérieur avant d'ouvrir rondement la porte. Les deux autres font de même, lui servant d'appui. Le caporal se met à courir en direction des trois rangers à terre pendant que les balles continuent à fuser. Sur son chemin curviligne, il tire ici et là, tuant quelques Talibans à plusieurs mètres. Deux ou trois explosions retentissent. Il parvient à s'approcher du premier ranger.

— Hey, mec, ça va ?

— S'il vous plaît, aidez-nous !

Avec la plus grande prudence, le jeune caporal soulève le rescapé afin de pouvoir le porter. Il remarque qu'il est blessé à la jambe.

— Ça va aller, merci, assure-t-il à son sauveur.

De leur côté, Marsh et Sixty-Six continuent à tirer. Le sergent sent le danger se rapprocher et voit la situation se dégrader peu à peu.

— On ne peut pas rester là ! On doit remonter dans le Humvee !

— Mais–

— Sixty-Six, remonte dans ce putain de véhicule !!!

Sixty-Six obtempère sans discuter davantage et se réfugie dans le Humvee, suivi de son chef d'équipe qui se réinstalle à la place du conducteur.

— On est à court de munitions, Sarg'nt, déclara le caporal en reprenant ses esprits.

Tandis qu'il porte son camarade, le caporal Falco se dirige vers le véhicule blindé d'un pas véloce. La priorité est de se mettre à l'abri. De façon étonnante, son compagnon d'infortune parvient à outrepasser la douleur.

Hurry up, il y a un autre gars ! prévient-il.

— Quoi ?

— Oui, le Specialist Stevenson. Je ne sais pas où il est, il a dû se retrancher quelque part.

Okay, mais je dois d'abord sauver tes deux potes ! On n'abandonne personne. C'est quoi, ton nom ?

— Max !

Well, Max, t'es putain de courageux.

Leur discussion est interrompue par l'explosion d'une roquette à proximité. Falco accélère la cadence, mais est arrêté net lorsqu'une balle l'atteint à la jambe. Il manque de tomber, et geint.

— Non ! crie l'autre. Ça va ?

— Ouais, ça va !

Après plusieurs tirs depuis la fenêtre du blindé, Sixty-Six tourne les yeux vers les deux rangers blessés. Il peste en voyant que son camarade boîte.

— Merde, Falco est blessé !

Fuck! s'énerve Marsh dont la tentative d'établir un contact radio est un échec. Fuck!!!

Ils ne quittent pas leur frère d'armes du regard. Ils sont si concentrés qu'ils oublient que le véhicule blindé est en proie à une pluie de balles. Marshall reprend sa radio et s'égosille de nouveau. Un RPG-7¹ explose près de Falco et Max. Un nuage de fumée et de sable prend forme, privant le sergent et le caporal de toute visibilité optimale. Une cinquantaine de secondes s'écoule. Le nuage se dissipe, à l'inverse des coups de feu qui continuent de plus belle. Les deux rangers observent la scène devant eux, se regardent et tournent la tête une nouvelle fois. Leurs yeux s'écarquillent avec horreur au moment où ils distinguent au loin deux corps américains allongés sur l'immense tapis de poussière afghan, inertes.

¹Type de lance-grenade propulsée par roquette non guidée.

TOME 1 : LE SANG DES ROSESOù les histoires vivent. Découvrez maintenant