J'essayais d'avancer même si mes pieds restaient bloqués. Mon sac balancé sur mon épaule semblait pesé trop lourd sur mon frêle corps. A l'entrée, derrière la porte refermée. Dans le noir déchu, perdu, au service de sa sensibilité. De son terrible décrochage. Mes yeux fixaient le canapé sans que je puisse réellement croire à ce que je voyais. Seule sa tête penchée dépassait. J'arrivais à me dire que ça allait s'arranger. Mais même moi j'arrêtais d'y croire. Mambo couché à ses pieds ne pouvait en être conscient. Ni lui ni personne. Il dormait paisiblement. Comme s'il n'y avait aucun soucis sur Terre. Il ne pouvait savoir la détresse sidérale qui l'occupait. Personne ne le pouvait. Il était habité de vieux démons. Ceux qu'apparemment ne l'ont jamais quitté.
Les rideaux fermés laissaient une atmosphère morbide à cette pièce. J'avançais d'un pas. Dans un silence déchiré de ses pleures. Je posais mon sac de sport. Marchant sur la pointe des pieds. La télé éteinte avait cessé de combler son manque d'émotions. Son sourire était parti. Ses yeux gonflés, rougis d'avoir trop pleurés. Ses cheveux relevés d'avoir été trop tirés par un surplus d'anxiété. Je ne le reconnaissais plus. Mon bel amour est parti. Me laissant orpheline d'un amour trop imposant. Sa détresse m'arracha quelques sanglots. Parce qu'aucune femme ne peut supporter de voir l'homme qu'elle aime dans un état pareil. Je donnerais tout. Tout ce que je pourrais pour le récupérer. Il est là sans l'être. Son esprit est ailleurs. Dans un monde meilleur j'espère. Là où peut-être il est heureux. Là où aucun chagrin ne peut le toucher.
'' - Eh... '' ma voix, plus douce que la soie, tentait de l'apaiser. Si au moins je savais comment faire. Mais restée forte aux yeux du monde extérieur m'épuisait. Son sourire faisait ma vitalité. Son amour ma ténacité. Tout est parti avec lui. Il m'a tout pris puisqu'il n'a plus rien. M'accroupissant entre ses jambes, j'essayais d'être là, comme tant de fois il l'avait été. Jamais plus bas que moi. Me hissant toujours plus haut vers les étoiles. Il me poussait à graviter. Sans lui je m'écroule. Sans lui je suis plus rien.
Je relevais sa tête entre mes petites mains. Comme si j'avais peur de le briser. Plus qu'il ne l'était déjà. Le vert de ses yeux déclinant au rouge de son chagrin. J'essuyais tendrement ses larmes. Je ne supportais pas le savoir triste. Lui qui emplissait cet appartement de joie. Au quotidien ne trouvant que des bonnes nouvelles dans les plus mauvaises. Où es-tu passé ? Chéri reviens-moi.
'' - Eh je suis là. Calme-toi. '' mes genoux frottaient le sol, me rapprochant de lui à son maximum. Mambo dormait là, sans se douter. Si seulement son bonheur déteindrait au sien. Je plongeais mes mains dans ses cheveux, trempés de sueur d'avoir trop paniqué. Il paniquait ne pas y arriver. De ne pouvoir remonter cette pente. Celle qui l'a fait chuter. Ses lèvres étaient humides. Il devait pleurer depuis des heures. Ça me fendit le cœur.
'' - J'y arrive pas. Bébé je comprend pas pourquoi. Pourquoi je peux pas danser à nouveau avec toi ? Pourquoi je suis condamné à être seul... pendant que toi tu t'en vas ? '' je serrais ses cheveux. Je voulais qu'il soit conscient que j'étais là, que jamais je partirais. Sa tête devait ressortir de l'eau. Celle dans laquelle il se noyait. Même éveillé il avait l'impression de sombrer. Chaque soir durant, je priais pour qu'il revive. Pour qu'enfin ça s'arrange.Je voulais pas qu'il croit que je continuais sans lui. Je voulais pas qu'il pense ça de moi. Parce que c'était tellement pas la réalité. Ma réalité. Je m'étais engagée à faire la tournée. Je m'étais déjà désistée l'année passée. Je pouvais pas faire ça une fois encore. Mais qu'il ne soit pas là. Que ce soit pas avec lui que je la fasse le rabaissait encore plus bas. Cette sensation de n'être rien l'écrasait complètement. Ça m'était totalement insupportable. Je massais sa nuque tendue de désespoir le forçant à rouvrir les yeux. Sa peine irréversible. Notre peine irréversible. J'essayais de capter son regard. Son regard vide de sentiments. Sa pétillante étincelle est partie. S'étant désintégrée dans ses larmes coulées. J'aimerais le ramener à la vie, même s'il croit déjà être fini.
'' - Dis-moi comment je peux t'aider. '' cette parole, douce de sens, franchissait mes lèvres. Parce que je voulais seulement l'aider. Je voulais seulement le voir heureux.
'' - Il n'y a plus rien à faire. '' c'était pas vrai. Mais étant si obnubilé par sa déchéance, il ne pouvait prétendre s'en sortir. Alors qu'il en était capable.