Son cœur est gonflé jusqu'à exploser lorsqu'elle se poste devant la porte clause.
Il fait chaud ce soir-là, et le distributeur de l'autre côté de la route attire tous les moustiques environnants. Elle l'avait dévisagé pendant des minutes interminables. Minutes durant lesquelles elle avait posé le pour et le contre pour sortir de son habitacle. Denitsa avait regardé le ciel étoilé, compté et recompté toutes ces constellations lointaines avant de se remémorer sa propre étoile filante.
La voix dans sa tête lui répétait qu'elle avait fait le bon choix. Se retrouver sur ce parking était déjà sa plus grande victoire depuis ces cinq dernières années. Mais sa raison hurlait de faire demi-tour, parce qu'après autant de temps sans apprécier la compagnie de quelqu'un, elle ne parviendrait pas à supporter la proximité d'un homme. Mais elle n'était proche de personne, alors, comment pouvait-elle le savoir ? C'était ce qui lui avait fait sauter le pas.
Elle était sortie de sa voiture, avait affronté l'air chargé en humidité qui promettait un orage sous-jacent, et avait avancé jusqu'à la porte du hall qui, miraculeusement était déjà ouverte. Elle avait relâché l'oxygène coincé dans ses poumons jusqu'à monter les marches d'escaliers pour atteindre le premier étage. La bulgare entendait déjà la voix de Rayane raisonner dans sa tête, les échos de sa joie de vivre, et la douceur de son rire communicatif.
Elle avait oublié l'effet que ça faisait d'aimer entendre la voix de quelqu'un.
Jade s'était assurée qu'elle était apprêtée et fin prête pour affronter le regard émeraude du lyonnais. Le mystère de son charme renforçait sa volonté d'aller au bout de ce rendez-vous. C'était peut-être aujourd'hui que sa vie allait enfin décoller. Et si Rayane était sa piste de décollage, alors la vie ne pouvait qu'être meilleure. Dans sa robe d'été, Denitsa baissait la tête vers ses jambes qui paraissaient soudainement interminables. Elle ne s'était jamais sentie aussi bien et mal à la fois. La nervosité la rendait fébrile. Elle ébranlait toutes ses terminaisons nerveuses. Tout ce qu'elle entendait dans ce hall sombre c'était son cœur cogner contre sa cage thoracique. Ses tympans semblaient sur le point d'éclater, et des larmes lui montèrent aux yeux.
Ces cinq dernières années, Denitsa avait été conditionnée, et voilà qu'elle se retrouvait sur le pas de la porte de la dernière personne qu'elle aurait pensé fréquenter. Un acteur. Un sublime spécimen d'homme ; elle n'aurait jamais pu prédire qu'il s'intéresserait à elle.
Trois mois après son entrée dans la même troupe de danse, le brun s'était révélé être l'appui dont manquait la danseuse dans sa misérable vie conditionnée.
« Tu cours, tu cours, mais tu ne prends jamais le temps pour t'arrêter. »
Il l'avait soulevé dans les airs, l'avait rabattu contre lui pour sentir le parfum délicat de ses cheveux. Cette odeur qui égoïstement lui plaisait plus qu'il ne voulait bien se l'avouer. Rayane sentait l'amour et l'affection, la gentillesse à des kilomètres. Mais par contradiction il paraissait si inaccessible, si mystérieux, et si terriblement séduisant que toutes l'adulaient, mais qu'aucune ne l'obtenait.
« Et si tu laissais quelqu'un t'arrêter pour t'admirer ? »
Elle avait simplement battu des paupières sans saisir les paroles. C'était vraiment à elle qu'il s'adressait ? Mais ils n'étaient qu'eux deux dans toute la pièce, et elle ne sentait plus que la chaleur réconfortante de son corps contre le sien qui semblait glacé depuis des décennies. A quand remontait la dernière fois qu'un homme lui avait parlé comme ça ?
Denitsa ne se souvenait même pas d'une première fois.
« Tu me laisserai t'offrir un verre ? »