« C'est assez simple. »
Cela dit, ça l'était peut-être pour lui, effectivement. Debout sur les mains, à marcher tête retournée, il admirait son monde par le dessous, dans celle salle qu'il ne connaissait que trop bien. Les paroles pulsaient à l'intérieur de sa tête, elles rendaient cette danse plus audacieuse que toutes celles qu'il avait tentées. Un mélange de contemporain, de danses standard.
« Tu n'as qu'à faire comme moi. »
Il leva les yeux au ciel, bras croisés sur sa poitrine lorsqu'il se rassit tel un félin dans une cage. Rayane en tailleur regardait le nouveau partenaire de sa complice faire une acrobatie qu'il effectuait depuis l'adolescence. Lorsqu'il était encore à Lyon il avait pris des cours de Break, et il n'aurait jamais pensé qu'un jour il devrait s'y coller.
Denitsa l'avait appelé mardi après-midi, pour une aide masculine, maintenant qu'ils étaient sur Paris. Alors il avait délaissé son marteau et ses clous, fermé la porte de leur nouvel appartement et avait accouru : ça avait toujours été elle qui décidait.
« Assis-toi. » ce qu'il fit.
« - Il faut simplement que tu mettes toute ta force dans tes bras, relever la tête pour regarder tes mains si tu ne veux pas perdre l'équilibre et contracter ton ventre pour te redresser. Ça devrait le faire.
- Comment t'as pu l'apprivoiser ? »Clément s'assit de nouveau face à son nouveau professeur en serrant fermement une bouteille d'eau. Après dix semaines à danser avec la petite bulgare, elle était devenue son amie.
C'était sûrement une question de feeling. Il la voulait cette coupe, et il savait que les juges l'attendaient sur les sentiments qu'il pouvait dégager. L'aide d'un autre comédien, partenaire depuis quatre années de sa danseuse n'était pas de refus.
« - Comment ça ?
- On n'arrive pas toujours à se comprendre. »Rayane se releva pour gambader dans la pièce. Il aurait dû s'en douter. Après tout, lui aussi avait mis son temps à trouver le fonctionnement intérieur de Denitsa. Ça ne s'était pas joué à un coup de chance offert par le destin, pas plus que les deux coupes prônant fièrement sous le sapin. Ça n'avait pas été écrit : un amour ça se construit.
Elle était partie aider Iris, appelée en urgence par Anthonis pour un porté périlleux. Clément voulait en profiter pour cuisiner l'homme qui partageait sa vie depuis toutes ces années.
« C'est que c'est toi le problème. Ici c'est elle qui sait, toi qui sais pas. Et même si tu es persuadé du contraire, tais-toi. »
Debout face au miroir, il se revoyait plaider pour enlever des pas, la supplier même de modifier la chorégraphie.
« - J'ai vu que tu lui demandais d'alléger des enchaînements.
- C'est que c'est vraiment dur parfois. »Il avait cru qu'il était ambitieux pour prétendre depuis le début de l'aventure vouloir gagner, coûte que coûte. Rayane n'avait jamais espéré aller au bout, pas plus que se réveiller tous les matins dans les bras de la femme qu'il aime. Il n'avait fait que se battre pour gagner des jours en sa compagnie, et plier sous le poids d'un attachement incompréhensible. Rayane n'avait pas eu le temps de saisir quelle place elle occuperait dans sa vie, déjà à leur rencontre s'était écrit.
« Moi aussi j'ai essayé, j'ai perdu crois-moi. »
Il réfléchissait à ce qu'il pouvait lui dire qui pourrait être utile. Il avait tant de choses sur elle qu'il ne savait pas vraiment par où commencer.
« Je sais pas... Comment je peux faire pour que nos prestas soient plus artistiques ? »
Il n'avait manqué aucun passage de ce couple – même s'il faisait croire l'inverse. Rayane savait précisément de quoi il voulait parler.