Paternalist

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Évidemment ça terminerait ainsi. Évidement, entendu, dépourvu de toute chose ambiguë, cette situation l'amènerait là, comme moi, à regarder la vérité en face. Celle qu'encore hier je refusais de croire. Que demain, plus qu'aujourd'hui, je m'obstinerais à oublier.
J'eus comme un vide, à l'intérieur de mon être fragile. Un trou béant écartelant l'interface de mon système nerveux. Les battements inégaux de mon cœur semblaient s'envoler entre les côtes de ma cage thoracique. Le fisurement s'étendit toujours plus intrépide, plus que moi, j'en étais certaine. Mes épaules flanchèrent, devant ce manque d'intégrité. Mes yeux brûlèrent, comme un feu en plein été. La forêt de ma vie, s'en suivie. Perdue derrière la rangée de flamme, consumant tout sur son passage. Encore hier je croyais au bonheur. Hier plus qu'hier encore, des ailes me poussaient dans le dos. Prêtes à se déployer, à une envolée, plus loin encore, que les étoiles elles-mêmes, à la recherche d'une autre galaxie, meilleure encore que la mienne, et moi plus que lui, étais persuadée de l'atteindre.

Alors que finalement je parvenais à m'en sortir, il fallait en démentir. Croire qu'il n'en était rien. Et que toute cette foutue situation, maintenant, parvenait à rester intacte.
Il n'en fut rien, bien sûr.

J'aurais jeté ma dépouille à la mer, prier que personne jamais ne me récupère, que je coule jusqu'au fond des océans, à me remémorer que je n'étais que néant, que j'avais perdu. Je fixais mon brun, ma couleur, du fond des ténèbres, à l'afflux, d'un sauvetage, d'un salut. Je m'en étais tellement voulu. Moi, croire qu'il en avait quelque chose à faire. Que toute notre histoire ne finirait pas derrière. La lumière faiblit, ma vie perdit, mes larmes ternies. J'ai été bête de trop y croire, j'ai aimé l'avoir, je n'ai plus qu'à pleurer son départ.

Le clair de lune était parfait. Une demi-couche à peine, l'histoire de quelques notes suffisantes. La musique s'envolait entre le papier et les touches, virevoltaient en un semblant de ruban, une avancée de papillons, un rien admettons. La baie vitrée berçait le vent, celui qui s'engouffrait ici bas, entre le ciel et la terre, le sucré et l'amer.
Là où je me trouve maintenant.

L'amour change des vies. Il nous macère des empruntes inopérables. Il envoie des décharges, déferlant en deux sens notre cœur. Et puis il nous pousse à l'impensable. Il nous construit, pour mieux nous démolir. Et puis on y croit, soit disant il n'y a que ça, la vie n'ayant aucun but. A quoi bon pleurer ce que déjà on a perdu ? Ce que finalement, on a jamais eu ? Pouvait-il en être autrement ? L'amour est une saloperie. Elle nous imbibe de sa beauté, elle nous embobine jusqu'au dernier. Et moi je me retrouve là, partagée entre l'amour et la haine, la culpabilité et la sérénité.

Le soir alors pointa le bout de son entre. La porte déverrouillée n'appelait à rien. Rien d'autre que son retour, vu qu'il n'était jamais vraiment parti. Bien sûr qu'il avait tenté. Entre moi et sa fidèle épouse, n'avait-il rien d'autre qu'un fossé ? Et puis une bataille était vouée à l'échec. Il allait voir ce qu'inévitablement ne pouvait être occulté.
La lumière du jour s'estompa, tarissant avec elle, mes derniers rêves glorieux.

Lui et ses deux filles, moi et sa foutue famille. Pourquoi les années se poursuivaient, inchangées ?
Il était vrai, autrefois, nous avions partagé un bout d'hématome. Il était moins amoché que moi. Ne se tortillant pas, sur son lit de mort, sur la glace du fantasme. Il avait accentué la cassure, écaillant la cicatrice fraîche tout juste acquise. Qui aurait pu dire l'inverse, qui aurait pu lui résister ? Pas moi, je regrette. Il m'a eu, bien, c'était ma fête.
Elle perdure avec ces décennies. Et malgré tout la fatigue m'assaille. Lui ne semble pas s'en soucier, lui et sa vie bien rangée. A quoi pouvait-il être réduit ? Un mannequin échoué peut-être ? Ses faux airs de bonhomme parfait jouaient des tours. Bien sûr, moi aussi, seulement pas dans la même cour.

One shootOù les histoires vivent. Découvrez maintenant