So many Stars

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« Ce soir, c'est ma tournée ! »

La barmaid levait au ciel le dernier cocktail en vue devant une foule d'alcooliques lyonnais. Ses cheveux roux flamboyants étaient à peine contenus dans un élastique. Son tablier du Monoy tacheté de toutes les sauces des pizzas servies entourait sa ceinture. La température de la salle grimpa de quelques degrés sur l'échelle Celsius. Les quatre hommes perchés sur leur tabouret dévisageaient la petite rousse, la bombe d'énergie qui animait à elle seule l'intérieur de son établissement.

La scène était momentanément vide, pour laisser l'honneur aux nouveaux mariés de célébrer leur amour au milieu de leurs amis. La femme portait une robe bustière, blanche en dentelle qui reflétait dans les rayons lumineux parcourant la salle bondée. Son sourire était de concert à celui faisant face. Le blond de ses cheveux paraissait plus clair, comme si un ange s'était échoué là.

Rayane portait son plateau sur sa main droite et ondulait gracieusement, tel un félin entre les tables disposées en demi-cercle. Mélinda et Julie n'étaient pas loin, et se colmater le cœur aurait pu le tenter si jamais il y avait encore à sauver. Il se sentait comme un inconnu dans son monde. Comme celui qui aurai raté le coche, qui se serai retrouvé entre deux espaces temps. Coca et bières coulaient, le bruit des pieds collants sur le sol recouvert des boissons renversées par les enfants, c'était devenu son quotidien. Son quotidien qu'il haïssait tant.

Il rentrerait le soir-même, boule au ventre de ce qu'il allait trouver. Son chez lui le repoussait, sa famille le dérangeait, sa vie entière n'était pas celle qu'elle devrait. Il allait regarder le plafond de sa chambre, compter encore et encore combien de lattes il fallait changer. Il n'allait pas dormir. Il se lèvera d'un mauvais pied pour réparer des voitures qu'il n'aura jamais, dans un garage où il n'aurait cru en aucun cas se retrouver. Un jour sur deux il se rendait à son école, c'était ça, sa bouée de sauvetage.

Il arriva près du comptoir vers la gérante dans sa chemise aux manches retroussées jusqu'aux coudes, laissant entrevoir ses tatouages magnifiques et son teint de poupée. Sur l'estrade du bar, elle atterrissait à la même hauteur que son serveur.

« - Deux despé pour la trois Saphia.
- Je te fais ça tout de suite. »

Elle sorti de sous le contreplaqué deux bouteilles qui claquèrent sur le marbre de la plateforme et les décapsula dans un mouvement ancestral. Rayane savait que la gérante était ici chez elle. Saphia n'était vivante que dans l'ambiance des espaces publics. Il ne savait pas tellement pourquoi, mais il l'enviait. Peut-être parce qu'elle avait trouvé sa place, qu'elle n'allait plus à courir après un destin qui n'en a que trop faire d'être embusqué.

Peut-être parce qu'elle, elle n'avait pas été trompée.

Une semaine que sa vie avait basculé. Tout autant de temps à se demander où l'échafaudage de sa vie s'était effondré. Où est-ce-que ça avait planté en premier ? Myriam n'avait pas jugé opportun de lui expliquer les raisons. Elle n'avait su faire que sa valise sous le regard médusé d'un homme désarmé.

« - Mais qu'est-ce-que tu fais ?
- Je me casse. »

Il était tombé de haut. Le brun avait regardé sa supposé fiancé s'échapper à toute vitesse de leur appartement lyonnais sans plus aucun regard en arrière. Il l'avait poursuivi jusqu'à la porte. Rayane ne pouvait pas laisser s'échapper trois ans de sa vie comme ça. Son cœur ne l'aurait pas supporté, et lui non plus.

« - Tu peux au moins m'expliquer. Je te laisserai partir, si c'est vraiment ce que tu veux.
- J'ai rencontré quelqu'un. »

Il l'avait tiré vers lui. Ses longs cheveux lisses avaient glissé sur son épaule camouflée derrière un immense manteau beige. Il ne l'avait jamais vu. Le jeune homme voulait simplement savoir à qui il devait la perte de l'amour de sa vie. Qui volait ce qui était à lui ?

One shootOù les histoires vivent. Découvrez maintenant