Ma casquette bien à sa place, mon sac rempli à ras bord, j'entre en ouvrant les portes battantes. Le plafond rond et orange rappelle l'endroit où je me trouve actuellement ; des fauteuils rouges, des tables basses infestées de magazines lyonnais, des panneaux d'affichage pour les prochains événements, le cinéma Pathé Bellecour.
Je suis déjà venue à Lyon, bien sûr pas dans cet accoutrement où j'espère ne pas être reconnue par une foule de jeunes assoiffés d'amour en retour. Paris était un bel endroit et c'était indéniable, mais cette ville était tellement plus paisible, entre relief et eau, à peine assez au sud pour voir les jours s'éclaircir quand plus haut la pluie règne.
Je regardais ce billet à scanner et ce paquet de chips en espérant paraître normale à être dans cet accoutrement. Mon sweet trop large cachait une partie de ma corpulence de sportive du regard des autres, et surtout du sien. La file d'attente est encore très petite, il faut dire que je suis arrivée avec beaucoup d'avance. Je n'ai pas déteins sur Rayane avec les années : mes montres sont encore à l'heure française plutôt que japonaise, et mes retards sont toujours inexistants comparés aux siens.
Il commençait aujourd'hui la tournée qu'il attendait depuis la fin du tournage en Juin dernier. Un premier rôle pour le plus grand stress qu'il ait connu jusqu'à maintenant. Même en situation de finale, face au public, un curseur fixé sur nos deux noms Rayane devait être moins angoissé.
Le rôle était sur-mesure, c'était lui, aux parents et prénom différents. La même peur de décevoir, d'échouer devant une pression trop forte pour être supportée. Un amour issu d'une chorégraphie alliant la danse et le break. Une alliance si identique à la notre. Un amour finalement non dévoilé, peut-être était-ce mieux ainsi. Nous étions heureux, c'était tout ce qui importait.
J'aurai dû être avec les autres danseurs, à répéter un spectacle qui a pourtant lieu en fin de semaine, et rien n'est encore finalisé. Mais c'était bien trop pour moi, je ne pouvais pas rester à Paris, et espérer que le film plaise. Il avait eut si peur que je n'avais pas pu le voir lors de son montage :
« Je ne préfère pas. Imagine tu n'aimes pas ? Comment je pourrais affronter le regard du public après ça ? »
Il n'avait pas encore compris que quoi qu'il puisse faire – dans la mesure du raisonnable – il ne me décevra jamais. Mais Rayane sans son côté têtu n'est pas vraiment Rayane, et je l'aime comme ça.
La file s'emplit et les minutes défilent si lentement et à la fois si rapidement. Les groupes parlent entre eux et ne paraissent pas prendre en compte ma présence, heureusement. C'était tout aussi bien l'occasion de pouvoir enfin voir le film que de lui faire une surprise.
Je souriais en repensant à la dernière surprise que je lui avais fais.
Les studios de radio sont immenses, d'interminables bureaux où des dizaines d'agents s'entassent avec leur casque sur les oreilles. Les baies vitrées font communiquer les hiérarchies, et l'homme qui me conduit m'invite à aller jusqu'au studio d'enregistrement, là où se trouve lui et les micros. J'entends à travers la porte les cris hystériques des jeunes femmes du public, la voix de Sébastien et celle d'Héloïse qui paraissent se tapisser sur la sienne.
Mon souffle est à moitié coupé en pensant que ça pouvait tout aussi bien foirer qu'être un succès. Je n'avais aucune idée quant à mon niveau en terme de mensonge. Je déteste lui mentir, devoir lui cacher des choses, même si c'est pour au final arriver en plein milieu d'une interview pour le féliciter.
J'avais eus envie de hurler à tous les auditeurs combien j'étais fière de lui et de son parcours, qu'il était à sa place, et qu'il ne devait certainement pas en douter.