Prise de tête

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C'est son sourire qui m'a fait me lever ce matin. Il était frais et rafraichissant dans ce mois d'Avril. Il fait clair et les nuages ne sont que saupoudrés dans le ciel dégagé. Le temps est presque aussi léger que ce visage qui m'emporte dans la jouissance absolue. Depuis seulement quelques semaines je me suis habitué à ces pensées dévastatrices qui m'emportent toujours plus loin dans l'horizon de l'incompréhension.

Je suis bancal, et sans attache, sans liens et sans relations. J'évoluais dans un monde calqué sur une toile d'araignée. Je fabriquais des liens parce que j'y étais contraint si je voulais me fondre dans la masse.

Mon téléphone vibre et un prénom s'affiche. En grognant je repose l'appareil sans regarder le destinataire. Si c'est important, il n'aura qu'à insister. Les yeux marrons de mon ange personnel tombent au coin de mes pupilles dilatées par l'excitation. A vingt-et-un ans, je regarde le monde évoluer sans ma présence. Et je ne suis qu'une infime particule de l'air ambiant.

L'inconnu réitère son dernier messages et la sonnerie me distrait dans ma vague de plaisir. Célia insistait pour que je lui réponde, mais rien que la vue de son prénom me plongea dans mon désarroi quotidien. On s'était rencontré autour d'un verre, lors de la soirée d'intégration. Je voulais oublier ma quête personnelle, oublier l'été que je venais de vivre, et tous les souvenirs qui s'y ajoutaient. J'étais prêt à tout pour extraire de mon corps les sensations qui me tuaient. Le manque m'étouffait, et l'imaginer dans les bras d'un autre faisait naître une migraine au fond de ma boîte crânienne.

Célia m'avait proposé des verres, et visiblement nous avions tous deux un mal à combler, le mien plus important j'imagine. Denitsa avait prit une proportion démentielle à l'intérieur de mon univers, et l'immense vide qu'elle a crée m'avait retiré le peu de vie que je contenais encore.

Mais je ne pouvais m'en prendre qu'à moi-même. Ce serait ma brune qui m'enverrait ces messages si je ne lui avais pas ordonné de poursuivre sa vie sans moi. Putain que je peux être con.

Depuis, mon quotidien n'est qu'un immense champs de ruine ravagé par la mort et la guerre. Les cœurs que Célia m'envoyaient me faisaient gerber, et ses mimiques m'insupportaient mais soit, nous étions officiellement un couple. C'était sûrement normal d'être troublé.

Ma copine n'était pas celle qu'elle prétendait, et j'aurai dû écouter ma meilleure amie lorsqu'il était encore temps. Denitsa a toujours été là pour moi, m'a porté lorsque je ne parvenais plus à me relever, m'a expliqué, m'a poussé dans mes plus profonds retranchements. C'est une force de caractère, un déchaînement de la nature que personne ne peut mettre à terre.

Un an que Denitsa était dans ma vie, tout autant de temps à me rendre compte de la perle qu'elle était. Pas moins de trois cent soixante-cinq jours pour plonger à tête déployée dans son océan de bonheur. Mais j'ai eu peur de me noyer. Elle avait besoin d'amour, elle avait besoin de tendresse et de présence, surtout après tout ce qu'elle avait dû traverser.

Jusqu'à peu, je ne pensais pouvoir accomplir ces tâches et rien que d'imaginer les faire me troublait. Je ne pensais pas être cet homme, et j'étais convaincu qu'elle serait plus heureuse sans moi à ses côtés.

Denitsa ne s'est pas battue pour me garder, c'est moi qui étais venu la rechercher.

La tempête qu'elle avait laissé derrière elle m'avait dominé d'un goût amer. Tous nos souvenirs en commun tournoyaient à l'intérieur de mon crâne, je ne pensais qu'à elle, je ne voulais qu'elle. Elle m'a rendu fou et moi, j'ai plongé dans la démence.

Sur le dos, la nuque enfoncée dans mon oreiller, mon corps se cambrait de lui-même pour atteindre ce sommet que je ne convoite plus. Les yeux fermés, c'est elle que j'aperçois, dans l'univers merveilleux de mon subconscient, elle paraît si proche, si réelle, si belle et à porter de main. Mais Denitsa n'est pas là, elle n'est plus à mes côtés lorsque je me réveille, et son manque me pétris ce matin.

One shootOù les histoires vivent. Découvrez maintenant