CHAPITRE 15 - L'art de la rhétorique

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C'était devenu bizarre. Je m'étais mise à nourrir une obsession surprenante parce qu'invraisemblable au sujet de Scorpius Malefoy. Je songeais en permanence à lui, à ce qu'il pensait, à ce qu'il ressentait, à son attitude étrange, sa façon de battre le chaud pour ensuite battre le froid, ses moues tantôt surprises et tantôt pétrifiées par son masque d'impassibilité.

Tout, chez Scorpius Malefoy, de ses hobbies à la façon dont il semblait jouer avec Eglantine Zabini m'interpellait, m'obsédait. Tout le temps. Quand je mangeais, je pensais à lui, quand je faisais mes devoirs, je pensais à lui, quand je passais du temps avec mes amis, je pensais à lui. Et évidemment, je restais encore terriblement attirée par le Serpentard.

Alors, je sais ce que vous vous dites. Ce que vous croyez avoir deviné. Mais non, je n'étais pas amoureuse de Scorpius. J'étais simplement... Fascinée. Scorpius Malefoy avait su éveiller ma curiosité comme jamais personne auparavant. J'étais stimulée par chacune de ses interactions sociales, chacun de ses regards. Je voulais tout savoir et tout connaître de sa personne. Une question demeurait cependant en suspens : est-ce que lui, le voulait ?

Je n'avais aucun mal à imaginer la réponse : c'était non. Après tout, Scorpius m'avait très bien fait comprendre qu'il était préférable que l'on ne passe pas de temps ensemble. J'avais tout de même le sentiment qu'il était trop tard. Moi, j'avais envie de passer du temps avec lui. Je crevais d'envie de comprendre les rouages de sa pensée, de mettre des mots sur chacun de ses silences et surtout d'être touchée par lui. Je n'avais pas eu une conscience aussi aiguë de mon corps auparavant. C'était comme si, en commençant à coucher avec lui, Scorpius avait déclenché quelque chose. Je n'étais au départ qu'un tas de bois, dur, sec, rêche. Il avait été l'allumette qui craque, celle qui crépite dans l'air, qui, posée sur une bûche fait plus de fumée que de feu, commençant tout juste à effleurer, exciter l'incendie. Je brûlais d'envie de me consommer à nouveau, en entier, à son contact.

J'avais aimé celle qu'il me donnait l'impression d'être. Une jeune fille forte, désirable, intelligente. Et j'étais obligée de réfréner ces nouvelles pulsions, ce nouveau désir impossible. Scorpius n'était pas capable de me donner ce que j'attendais de lui, j'avais bien fini par le comprendre. Et moi, je n'étais visiblement pas capable d'être d'accord avec ça. C'est pourquoi j'avais décidé de prendre les choses en mains.

Je ne fuirais plus jamais les regards de Scorpius. Je ne l'éviterais plus. Je provoquerais le contact. J'estimais au moins mériter sinon son attention, au moins des explications sur son attitude et son éternelle façon de vouloir me tenir à distance.

J'eus l'occasion de mettre en place ma nouvelle stratégie lors du cours de Potions.

J'avais déjà réfléchis à tout.

Etablir un contact visuel.

Provoquer un contact physique.

Ne pas penser à son corps nu.

Lui parler et lui montrer à quel point j'étais digne d'intérêt.

Et surtout : briser son masque d'impassibilité.

Je ne savais pas pourquoi j'éprouvais tant ce besoin de lui faire mes preuves, après tout, son opinion n'avait jamais compté pour moi. Peut-être que le soudain manque d'attention de la part de Malefoy m'avait davantage perturbée que ce que je voulais bien reconnaître au premier abord.

— Sortez vos manuels ! lança le professeur Gowan. Aujourd'hui, cours de théorie !

C'était mal barré pour établir un contact visuel. A côté de moi, Scorpius, dont la présence m'électrisait sortit son manuel dans un geste lent. Je m'exhortai au calme et à l'indifférence feinte. En vain.

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