Tout au bord du monde

CHAPITRE 47 - Nouveau départ

Mes pensées tourbillonnent dans ma tête. Je ne m'attendais pas à devoir faire face aux souvenirs de Scorpius et je ne sais pas encore comment réagir face à cela. Ce n'est pas naturel. Il n'aurait pas dû s'impliquer ainsi. Je suis incapable d'expliquer pourquoi, mais c'est intolérable. Il n'a tout simplement pas le droit d'imposer de la sorte ses sentiments et ses émotions. De forcer ainsi ses réminiscences sur moi, comme si j'étais quelque sujet d'une expérience bizarre. Ce n'est pourtant pas ce qui me perturbe le plus. Je suis sidérée de voir que je ne peux plus prétendre que Scorpius soit l'être le plus égoïste que je connaisse. Pas après qu'il ait si clairement fait tant d'efforts pour justement démontrer que ce n'est pas le cas.

Je me retourne dans mon lit. Les murs semblent se moquer de moi avec leur couleur vert-bleu. Pourquoi la Docteure Weiss a attendu aussi longtemps pour me montrer ceci ? Bien sûr, je m'étais doutée que Scorpius lui avait donné quelques souvenirs, en particulier depuis que nous avons pu examiner cet extrait sur Poudlard, qui explique en partie son attitude envers moi. Mais je n'ai jamais imaginé, ou osé imaginer, qu'il soit prêt à me montrer des souvenirs qui n'avaient pas deux mois.

Des souvenirs qui illustrent de façon limpide la nature de ses sentiments pour moi. Le fait même qu'il ait des sentiments me laisse perplexe à vrai dire.

Je repense alors au moment où j'ai fait mes bagages pour quitter Édimbourg et venir ici, pour une durée indéterminée m'avait-on dit. J'avais dû démissionner, bien sûr, et j'ignorais encore pourquoi j'avais accepté une telle chose, étant donné que je n'avais pas les moyens pour l'institut. Enfin, jusqu'à ce que la bourse de Malefoy intervienne. Évidemment, il avait pensé à tout. C'était d'autant plus énervant. Des années plus tôt, j'aurais été ravie par la tournure des évènements.

Aujourd'hui, je suis perdue. J'ai si longtemps attendu après Scorpius qu'il me semble complètement hors de propos qu'il puisse en être au même stade.

Ma thérapie avec la Docteure Weiss a pris fin aujourd'hui et je suis à présent prête pour sortir de cette clinique. Je ne bois plus, même si ça me démange horriblement, et je suis sous traitement, mais tout va enfin mieux dans le meilleur des mondes. Enfin, en théorie, parce que j'ai toujours quelques vérités à déclarer à Scorpius et un immense sentiment de malaise vis-à-vis de Jackson. Même s'il prétend comprendre les raisons qui m'ont poussée à lui mentir, je sens bien qu'il n'est pas à l'aise avec tout ça. J'ai donc demandé à Rachel de venir me chercher, car je sais à présent que je peux compter sur son soutien moral et si j'ai eu peur pendant un moment qu'elle ne soit pas au rendez-vous, je suis intensément soulagée de voir que non seulement elle a honoré celui-ci, mais qu'en plus, elle a convaincu Albus de l'accompagner.

Je les embrasse intensément lorsqu'ils arrivent. C'est le meilleur câlin collectif que nous avons eu en plusieurs années. Comment ai-je pu me passer d'eux pendant tout ce temps en Écosse ?

— Comment tu te sens ? s'enquiert Albus.

— Honnêtement ? Complètement droguée par tous ces médicaments. Je meurs d'envie de prendre un verre, mais j'essaie de surmonter ça en pensant à autre chose. Il va me falloir du temps et de la volonté, mais je pense y arriver.

— On sera là pour t'épauler.

— Je suis quand même surprise que tu n'aies pas demandé à Jackson de venir te chercher, annonce Rachel.

Mon cœur se serre.

— Il n'est pas à l'aise avec les lieux magiques et je ne peux pas l'en blâmer.

— Oui, j'imagine que ça doit être beaucoup à gérer pour un moldu, approuve Albus.

— C'est beaucoup à gérer pour n'importe qui. J'ai dû quitter mon travail en Écosse pour me faire soigner à Londres, je me retrouve avec un fiancé qui doit me prendre pour la pire des mythomanes, un... ex complètement avide de contrôle et un traitement auquel je ne peux décemment pas subvenir. Je ne sais plus quoi faire de ma vie.