CHAPITRE 12 - De confidences en confidences

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La fatigue m'étreignait. Je me contemplai mollement dans la glace de la salle de bain des préfets. Même mon reflet était épuisé. J'avais des cernes brunes qui s'étalaient sous mes yeux, mes cheveux étaient encore plus emmêlés que d'habitude, j'étais aussi pâle qu'un mort. Mais le pire ce n'était pas la fatigue physique, ni les devoirs qui s'abattaient sur moi comme un vent de tempête qui déracinerait des arbres, le pire c'était la fatigue morale. Je n'en pouvais plus. J'étais à bout.

Il n'y avait qu'un seul mot pour résumer l'état d'esprit dans lequel j'étais : trop. Tout était en trop. Trop de fatigue, trop de gens, trop de fausseté. Je crevais d'envie de hurler à la face du monde de me foutre la paix. Ma mère avait reprit son insupportable correspondance alors que tout ce que je voulais c'était qu'on me laisse tranquille. Les frasques de Rachel m'horripilaient, alors qu'elles m'avaient toujours amusée, et même Albus avec son éternelle compassion naturelle me tapait sur les nerfs. Tout le monde était après moi. Paradoxalement, je rêvais d'être seule tout en me sentant isolée, perdue dans l'obscurité de la vie, comme au bord d'un gouffre, au bord des abysses du désespoir. Ma façon de broyer du noir m'étonnait moi-même : je n'avais jamais été du genre dépressif.

J'avais conscience que le problème venait de moi. Que les autres ne s'étaient pas mis subitement tous d'accord pour me tomber dessus. Mais on m'avait submergée, ma tête se noyait sous l'eau, mon cœur s'égarait dans les étoiles, mon moral s'enfonçait dans mes chaussettes. Jamais je ne m'étais sentie aussi seule au milieu de la foule tout en aspirant à cette solitude. J'avais le sentiment de ne pas réussir à supporter ces autres que j'adorais tant. Tout m'irritait. J'avais envie de tout critiquer. Ma propre attitude m'écœurait, je n'avais jamais été du genre méchant. Du jour au lendemain j'étais devenue acerbe, aigrie, furieuse.

Je compris que je colérais désespérément. Après les autres, pour être aussi prévenants alors que je ne le méritais clairement pas mais davantage après moi, parce que je savais pertinemment que je déversais des flots de haine injustifiés auprès des gens qui le méritaient le moins (et qui très clairement me soutenaient malgré mon horripilant caractère).

Ces dernières semaines, je n'avais pas prêté la moindre attention à cette fameuse agressivité. J'étais bien trop occupée avec le reste. Cela m'avait frappée après, quand j'avais attaqué Albus, la crème de la crème et que Rachel m'avait enguirlandée, me mettant face à mes démons. Nous étions dans la Salle Commune et j'avais pété un plomb pour une broutille. Je m'étais excusée, je m'en étais voulue, mais j'avais le sentiment que ça ne suffisait pas. Qu'est-ce qui clochait avec moi par Merlin ?

Alors je m'étais mise à remuer tout ce qui se passait dans ma tête. A tenter de comprendre ce qui m'arrivait, mettre des mots sur l'inexplicable. Et j'étais frustrée : mes pensées me ramenaient toujours à lui. Je voulais penser à n'importe quoi, sauf à lui. J'avais fini par comprendre que justement c'était ça, le truc. Tout était de sa faute. L'écho de notre dernier échange se répercutait contre les parois de mon crâne à l'infini, fracassant toutes mes autres réflexions, tous mes autres sentiments sur son passage. Il voulait que je le déteste. C'était le cas. Mais pourquoi ? Pourquoi est-ce qu'il tenait à ma haine autant que je tenais à sa présence ? Ça me rendait folle. Ça me blessait, ça me rendait méchante. Et j'étais en colère.

Je regrettais de laisser mes états d'âmes Malefoyen avoir tant d'influence sur moi-même et sur mon comportement auprès de mes amis. Rachel m'avait dit la semaine précédente que j'étais bizarre en ce moment. Je m'étais retenue de lui hurler dessus que oui j'étais bizarre mais que j'avais de bonnes raisons. J'avais l'impression que tout le monde pensait que ma colère n'était pas légitime et ça m'énervait encore plus. De toute façon, je ne pouvais pas leur dire ce qui clochait avec moi. J'étais piégée par le secret, le mensonge, la peur de faire face à mes erreurs.

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