CHAPITRE 48 - L'enterrement

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Je sais immédiatement que je suis au bon endroit. J'ai l'impression que mes membres sont alourdis par la nervosité. Je lève la main et cogne contre la porte lustrée. Une servante vient m'ouvrir. Je ne la connais pas, mais elle me laisse entrer sans problème et prend mon manteau.

— Est-ce que... euh... Mr Malefoy a-t-il été mis en terre ? je demande poliment.

Je préfère demander ça à la servante qui ne me connaît pas plutôt qu'à un proche de Drago Malefoy qui aurait déjà eu le temps de me crucifier trois fois.

— Non, pas encore. Qui dois-je annoncer ?

Je déglutis et j'hésite à mentir sur mon identité. Je préfère tomber sur Scorpius avant de croiser sa mère. Je me surprends à penser qu'Eglantine me manque cruellement. Elle m'aurait fait évoluer dans ce cercle sans problème.

Bien sûr, le manoir est tout aussi resplendissant qu'il y a quinze ans et je m'y sens toujours aussi peu à ma place. Les murs sont lambrissés, les parquets cirés sont couverts de tapis hors de prix, les chandeliers en cristal sont polis et dans les cheminées de pierre ronronnent des flammes généreuses.

C'est comme si tout, dans le mobilier, me rappelle que je n'ai pas ma place ici. Pourtant, je ne peux pas faire marche arrière, pas maintenant, ce serait bien trop impoli.

— Euh... vous pouvez annoncer Rose... mais... euh... est-ce que cela vous dérangerait d'uniquement mentionner ma présence à Scorpius Malefoy ?

La servante plisse aussitôt des yeux suspicieux avant de s'exécuter. J'espère qu'elle ne va pas aller cafter. Je n'ai aucune envie de voir Mrs Malefoy. Bien sûr, j'aurais certainement pu prendre ça en compte avant de me rendre ici sur un coup de tête. Malgré mon stress, je ne parviens pas à regretter d'être venue. J'ai un besoin viscéral de voir Scorpius. Il faut que je m'assure qu'il va bien.

— Je n'arrive pas à croire que vous ayez eu l'audace de vous montrer ici, Miss Weasley, déclare derrière moi la maîtresse de maison. En particulier aujourd'hui. Cela ne peut pas être une coïncidence.

Je me retourne, espérant conserver tout mon courage. Mrs Malefoy me toise de haut en bas. Il est terrible de constater qu'elle reste resplendissante en dépit des circonstances. Elle garde le dos droit et la tête haute. Ses yeux sont secs. J'aimerais connaître son secret. A-t-elle vendu son cœur au plus offrant ? Derrière elle, la servante m'adresse un regard malveillant. Harpie.

Je souffle un bon coup pour m'armer de volonté.

— Je n'ai pas de mauvaises intentions, annoncé-je alors.

— Permettez-moi d'en douter. Votre historique ne joue pas vraiment en votre faveur.

— Je suis venue présenter mes condoléances.

— Oh je vous en prie, Miss Weasley. Vous n'avez jamais aimé mon défunt mari.

— Peut-être, admets-je. Mais en dépit de tous ses efforts à ce sujet, je ne déteste pas votre fils.

Cette déclaration me choque autant qu'elle. Ce dernier surgit justement à ce moment-là. Il écarquille des yeux surpris en me voyant, mais recompose bien vite un visage neutre. Je me demande s'il a entendu ce que je viens d'annoncer. Il pose une main rassurante sur l'épaule de sa mère et elle le consulte silencieusement du regard, pendant que je prie pour ne pas être humiliée. Je suis pétrifiée, et j'ai les joues rouges. Je me sens soudain à l'étroit dans ma propre peau.

— Ne t'en fais pas, Maman, je m'en occupe. Je te laisse rejoindre les autres.

Elle pince les lèvres avant de s'éclipser, suivie par la servante. Je me perds dans les yeux de Scorpius. Je n'ai jamais vu son regard aussi éteint. Il est abattu. Ses épaules sont basses et il évite mon regard.

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