Tout au bord du monde

CHAPITRE 33 - La nature des sentiments

Pour une raison que je ne parvenais pas à identifier, j'étais assez nerveuse à l'idée de me retrouver face à Donovan. Savoir que c'était lui qui avait révélé à toute l'école mon petit secret – ou plutôt, l'un de mes petits secrets – ne me mettait pas particulièrement en confiance. J'étais d'autant plus inquiète que les chaussures d'Eglantine claquaient sur le sol de pierre et résonnaient autour de nous, le son rebondissant sur les murs dans un écho sinistre.

— Honnêtement, est-ce que c'est vraiment une bonne idée ? lançai-je, essayant de maîtriser les tremblements dans ma voix.

— Tu ne vas tout de même pas te dégonfler maintenant, nous sommes presque arrivés à l'infirmerie. Et puis fais-le au moins pour Albus, répondit Scorpius sans même me jeter un regard.

J'avais l'impression que quelqu'un avait coulé du plomb dans mes jambes, car celles-ci étaient aussi lourdes que des poteaux. Non pas que j'eus déjà porté le moindre poteau, mais c'était en tout cas l'effet que ça me donnait. Pourtant, nous étions de plus en plus près du dispensaire.

— Facile à dire, ronchonnai-je.

Je les laissai passer devant moi et me devancer un peu, pour ouvrir discrètement mon sac et prendre une longue gorgée de whisky. Ce n'était clairement pas ça qui allait me mettre dans un état d'ébriété suffisant pour supporter cette discussion, mais au moins, la brûlure de l'alcool sur ma langue et le long de ma gorge avait le mérite de faire passer l'arrière-goût amer qui habitait ma bouche en permanence.

Quelques minutes après cela, nous étions arrivés. Donovan était sur un lit et avait l'air salement amoché. Ses blessures n'avaient en revanche rien de magique. Est-ce que Scorpius avait commencé un duel de moldu ?! Je lui jetai un coup d'œil à la dérobée, comme si cela pouvait répondre à toutes mes questions, mais il revêtait son masque d'impassibilité et son visage était complètement hermétique. C'était bien ma veine. Nous nous avançâmes tous les trois vers le lit de Donovan. Il releva les yeux de son magazine de Quidditch pour nous dévisager. Il n'avait pas l'air étonné de tomber sur nous ici.

— Je me doutais que vous viendriez me rendre visite, déclara-t-il en confirmant donc ce que je soupçonnais déjà. Même si je suis surpris de voir que tu as eu les couilles de te déplacer pour m'affronter, Weasley.

Mon sang ne fit qu'un tour. Comment ce merdeux osait-il me parler sur ce ton après tout ce que j'avais subi à cause de lui ?!

— En fait, j'étais venue m'excuser pour mon attitude durant l'anniversaire d'Albus, et ce, en dépit du mal que tu as répandu autour de toi, mais je commence à changer d'avis là-dessus.

Il pâlit. Eglantine fondit sur lui et entoura son visage de ses longs doigts maigres.

— Est-ce que tu ressens quelque chose pour Albus ? Scorpius pense que ton horrible comportement résulte de tes sentiments pour Potter. Il présume que tu n'es pas capable d'assumer ton attirance pour lui et que c'est pour ça que tu as parlé à toute l'école.

— Et pourquoi monsieur glaçon ne me dit pas tout ça lui-même ?! ironisa Donovan, l'air très remonté.

— Oh, j'aime beaucoup ce surnom ! ne pus-je m'empêcher de m'exclamer.

Ils me lancèrent tous un regard noir, Scorpius le premier. Je réprimai mon envie de lui tirer la langue et optai plutôt pour un haussement d'épaules insolent.

— J'ai peur de ne pas pouvoir te faire confiance à nouveau Luke. J'essaie de comprendre pourquoi tu me l'as fait à l'envers, car pour moi il est impossible de considérer que mon meilleur ami m'ait fait un coup pareil, ce n'est juste pas envisageable.