CHAPITRE 29 - Prise de conscience

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J'avais beaucoup de difficultés à regarder ailleurs. C'était comme si mes prunelles étaient magnétiquement attirées sur la nuque de Malefoy. Nous étions dans la Grande Salle et j'avais perdu tout mon appétit pour l'assiette qui trônait en face de moi. Mes yeux étaient vissés sur sa chevelure blonde, qui semblait plus lumineuse que jamais sous le coucher de soleil du faux plafond. J'avais réalisé la nature de mes sentiments les plus profonds pour Scorpius Malefoy et je passais un temps considérable à y réfléchir. Je savais et je sentais qu'il ne ressentait pas la même chose. Cette situation m'offrait trois différents choix : je pouvais choisir de continuer et de prétendre que je n'éprouvais rien, je pouvais le lui dire et voir où cette confession m'amènerait, ou bien je pouvais tenter de le séduire.

Un problème demeurait cependant. Malefoy m'avait déjà très clairement fait comprendre qu'il ne voulait pas de ce genre de ce trouble entre nous. Cela rendait toute tentative de séduction plutôt nulle. Je n'étais pas non plus à l'aise à l'idée de lui avouer la vérité. D'un autre côté, j'ignorais combien de temps j'allais être capable de garder ce secret pour moi. Ce n'était pas comme si c'était quelque chose que je pouvais chasser de mes pensées ou de mon cœur, comme ça, d'un claquement de doigts. Je n'avais jamais été amoureuse auparavant et ce sentiment m'était complètement étranger. Pourtant, il était impossible que je me trompe. J'avais trop lu à propos de l'amour pour ne pas savoir.

Comme s'il avait senti la brûlure de mon œillade sur lui, il se retourna lentement sur moi. Deux tables et une centaine d'élèves avaient beau se tenir entre nous deux, j'avais l'impression qu'il était juste en face de moi. Je connaissais chacun de ses traits par cœur, y compris quand il les durcissait avec son masque d'impassibilité. Une flopée de papillons battit des ailes au creux de mes reins. Je me tortillai sur ma chaise et déglutis, pas encore très à l'aise avec cette nouvelle sensation. Pourquoi est-ce qu'il me fixait ? Une bulle de chaleur éclata dans mon bas-ventre et je mordis ma lèvre inférieure. J'avais tellement envie de l'embrasser.

Il apparut qu'il devina quels démons intérieurs me démangeaient, car le métal dans ses prunelles se durcit soudain avant de s'embraser d'un coup. Je fis un geste, juste une inclinaison de la tête, vers l'immense double porte de la Grande Salle, pour l'inviter à me rejoindre au-dehors quand Albus surgit devant le blond, rompant notre contact visuel.

Aussitôt, ce fut comme si quelqu'un brisait du verre dans mon ventre et que tous les éclats venaient se ficher un peu partout sous ma peau. Une bile d'acidité remonta dans ma gorge alors que je voyais Scorpius se parer de son masque préféré et s'entretenir avec mon cousin, que j'eus envie d'étrangler avec sa propre cravate. Je poussai un soupir : c'était déjà compliqué d'avoir ce genre de sentiments quand je savais qu'ils n'étaient pas réciproques, mais si en plus je devais partager mon crush avec mes meilleurs amis, je ne pouvais pas m'empêcher de me sentir trahie. Je soufflai bruyamment par les narines, serrant ma fourchette si fort que mes jointures étaient devenues toutes blanches.

Je ne supportais que le blond passe du temps avec d'autres personnes que moi, surtout quand il s'agissait d'Albus. Je n'acceptais pas qu'il porte son masque d'indifférence et qu'il prétende ne jamais rien ressentir : je savais que sous sa carapace se cachait sa véritable nature ; c'était celle d'une personne attachante qui se souciait des autres. Et surtout, j'étais obsédée par lui. J'y pensais tout le temps et si, fut un temps, ces rêveries étaient uniquement tournées vers nos deux corps s'enchainant l'un à l'autre, celles-ci avaient pris une tournure bien différente depuis.

Alors que je reportais avec dépit mon attention sur mon assiette, un mouvement à l'autre bout de la table des Serpentard attira mon regard. Eglantine Zarbini me faisait signe, comme si elle voulait m'entraîner à l'extérieur de la salle. Je poussai un nouveau soupir. Elle avait sûrement tout capté de mon œillade énamourée et de mon attitude en pâmoison pour Malefoy. Fantastique. Ou bien peut-être qu'elle avait besoin de soutien vis-à-vis d'un nouvel épisode gastrique, comme j'aimais à les appeler dans ma tête. Je jetai un autre coup d'œil vers elle. La métisse était beaucoup trop douée pour dissimuler ses émotions : je ne parvenais pas à dire si elle était intérieurement en proie à l'angoisse ou bien si elle voulait me tirer les vers du nez. C'était bien ma veine. Je reposai brutalement ma fourchette sur la table et Rachel me dévisagea.

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