CHAPITRE 31 - Les deuxièmes chances

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J'ignorais quel jour nous étions, et j'ignorais également quelle heure il était lorsque des cris perçants provenant de la salle commune me sortirent de ma léthargie. Je me fichais complètement d'avoir perdu toute réalité relative à l'espace-temps. Je ne voulais voir personne et je voulais que personne ne me voie. Si ma présence était si insupportable au reste du monde, alors je me ferais une joie de l'en préserver. J'avais fermé les rideaux de mon baldaquin autour de moi et je n'étais ressortie que pour aller aux toilettes lorsque tout le monde dormait. Je n'avais plus aucun appétit et j'avais fini la bouteille de whisky que j'avais volé à Arthur la nuit dernière. J'avais tellement pleuré au cours des dernières heures que je me sentais toute engourdie, comme si on avait anesthésié mes propres émotions.

Ce qui expliquait très certainement mon mal de crâne lancinant et ma lucidité péniblement retrouvée malgré les efforts que j'avais faits ces derniers temps pour la maintenir à distance. Mon estomac se tordit, déformant mon visage dans une expression de dégoût alors que je repensais aux derniers évènements. Rachel m'avait abandonnée. Scorpius m'avait abandonnée. J'avais toujours envisagé la solitude comme un sentiment qui écrasait, qui pesait sur les épaules, mais maintenant que celle-ci m'assaillait, j'étais forcée de constater à quel point j'avais eu tort. La solitude me baignait dans le néant. Un sentiment de vide s'étalait autour de moi, se propageait même, son grand manteau m'enveloppait et je me retrouvais comme tenue à distance par cette bulle impénétrable et imperméable en permanence. Je me sentais vide et lorsque j'y pensais, cela m'écœurait et me donnait la nausée. Ou bien peut-être était-ce le whisky, difficile à dire.

J'aurais donné n'importe quoi pour chasser ce sentiment et je ne supportais pas la façon dont il m'éraflait en permanence. Loin de me protéger, ce manteau était si rugueux qu'il me griffait là où il aurait dû servir de barrière.

Alors que je refoulais un reflux gastrique, la porte du dortoir s'ouvrit soudain à la volée et les cris provenant de la salle commune s'intensifièrent, comme s'ils étaient juste à côté de mes oreilles. Peut-être qu'une des filles du dortoir venait de se disputer avec son petit ami. J'avais besoin d'une nouvelle bouteille de whisky pour passer le temps et oublier ma solitude. Je me demandai si je pouvais m'introduire en douce dans le dortoir des garçons à nouveau lorsque les cris qui résonnaient dans la salle commune firent irruption dans la pièce, suivis de bruits de pas lourds et agacés.

— Tu n'as rien à foutre ici Zabini ! beugla la voix bien trop familière de Rachel.

Je me redressai aussitôt dans mon lit, mon cœur battant si fort dans ma cage thoracique que j'eus l'impression qu'il cherchait à en sortir. Mon cœur se précipita au bord de mes lèvres, bousculé par mon geste un peu trop brusque.

— Rose ?

Eglantine venait de s'adresser à moi de l'autre côté de mes rideaux. J'appréciais vraiment qu'elle n'ait pas essayé de les ouvrir. Je ne voulais parler à personne. Qu'est-ce qu'elle faisait ici ? Et comment était-elle entrée dans la tour des Gryfffondor ? C'était sûrement pour ça que la voix de Rachel cherchait à la noyer sous des reproches indignés. Je m'en voulus d'être aussi curieuse. Si seulement j'avais encore du whisky... Est-ce que Finnigan l'avait déplacé depuis la dernière fois ? Serait-il plus efficace de lancer un sortilège d'Attraction pour récupérer un peu du liquide ambré ?

— Rose, je sais que tu peux m'entendre, poursuivit la voix de la Serpentard.

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