CHAPITRE 26 - Une main tendue

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Je me lève d'un bond sur ma chaise lorsque je vois Jackson entrer dans la salle de visite. Depuis la semaine dernière, j'appréhende ce moment. J'ai redouté pendant sept jours de croiser ses traits magnifiques, ce pincement désormais familier dans mon cœur et ces relents d'amertume qui roulent en permanence dans ma bouche. J'ai la sensation que je dois toujours prendre sur moi pour ne pas cracher mon venin. Je suis tellement à cran. Je suis au courant que c'est le manque qui hérisse mon poil de cette manière ; pourtant, je ne peux pas m'empêcher de penser que c'est tout de même un peu de la faute de Jackson aussi.

Quand il arrive à mon niveau, les effluves de son eau de Cologne me frappent comme une vague. Pourquoi faut-il qu'il sente si bon ?

— Tu as l'air en forme, je déclare d'un ton plat.

Il me lance un air qui veut clairement dire « Arrête ton char, on ne me la fait pas à moi » et j'ai aussitôt envie de creuser un trou pour m'y enfouir.

— Toi aussi.

— Génial, maintenant je sais qu'on ment tous les deux.

Malgré lui, un coin de sa bouche sursaute, comme s'il venait de retenir un rictus. Je me laisse retomber sur la chaise sur laquelle j'étais affalée avant de l'apercevoir. Il prend place à côté de moi, s'empare de ma main dans sa grande paume et m'embrasse sur la joue. Sa bouche laisse une empreinte chaude qui dure quelques secondes après qu'il se soit reculé.

— Tu m'as manqué, déclare-t-il sans me quitter des yeux. Je pince les lèvres. Je suis toujours fâchée après lui.

— Est-ce que tu vas dire quelque chose ? lâche-t-il après un léger silence.

— Tu n'aurais pas dû le laisser faire, je tranche d'un ton sans appel, lourd de reproches.

Il hausse un sourcil et passe une main lasse sur son visage. L'espace d'une seconde, je prends conscience d'à quel point la situation l'atteint également. Je me blinde derrière une armure d'indifférence. Je ne peux pas passer mon temps à prendre en considération les émotions des autres : c'est à mon tour d'être égoïste.

— Je fais de mon mieux compte tenu des circonstances, Rose, explique-t-il, la voix chargée de regrets.

J'ai envie de rétorquer que ce n'est pas assez, mais je ne tiens pas non plus à être injuste. Il ne connaît pas Scorpius, il ne sait pas de quoi il est capable. Je sais pertinemment que Jackson ne pouvait pas envisager à quel point le Serpentard peut être fourbe.

Je pousse un gros soupir.

— Jackson, je sais que tu ne comprends pas complètement ma réaction vis-à-vis du chèque de Malefoy.

— Non, en effet, je ne comprends pas pourquoi c'est si dérangeant qu'il paie pour tes soins, lance-t-il, l'air irrité.

Je dois me mordre la lèvre très fort pour ne pas hurler : rien que la mention de l'attitude du blond me rend dingue. S'il était en face de moi, je chercherais sûrement à lui lancer un sort.

— C'est dérangeant, car ça me met dans une situation de dette envers quelqu'un qui a déjà cherché à avoir l'ascendant sur ma personne et sur ma vie. Je refuse que qui que ce soit me contrôle. Puis ça ne le concerne pas. Ça fait longtemps qu'il est sorti de ma vie. Je suis blessée Jackson ; que tu n'aies pas songé que cela pouvait être un souci alors qu'en ce qui me concerne, rester éloignée de Malefoy, c'est une question de bon sens. Et surtout, surtout, ce qui me rend malade, c'est de savoir que Rachel et Albus sont allés le voir pour lui demander d'intervenir dans ma vie. Alors toi qui accepte qu'il paie les frais de mon séjour ici, c'est la trahison de trop.

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